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États-Unis : guerre cybernétique et militarisation de l’espace (partie 1/2)
Par Jean-Claude Bessez
Mondialisation.ca, 02 décembre 2009
2 décembre 2009
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/tats-unis-guerre-cybern-tique-et-militarisation-de-l-espace-partie-1-2/16362


Blason de l’U.S. AIR FORCE SPACE COMMAND

Il existe quelque chose de plus important que n’importe laquelle des meilleures armes. C’est la position la meilleure – la position de contrôle total au-dessus de la Terre qui se situe quelque part là-haut dans l’espace. Il s’agit de…l’avenir lointain, bien qu’il ne soit pas aussi éloigné que nous ayons pu le penser. Quiconque s’approprie cette position s’assure le contrôle, le contrôle total, au-dessus de la Terre, à des fins d’exercer la tyrannie ou bien au service de la liberté.

Lyndon B. Johnson, Sénateur des États-Unis, 1958.

De tous temps, les guerres se sont déroulées sur terre et sur mer. A partir du XXè siècle, s’y est ajoutée la dimension aérienne, puis après la seconde guerre mondiale, les Deux Grandes puissances se lancèrent dans la conquête spatiale, pour y être rejoint au début du XXIè siècle par la Chine, ce grand géant dont l’éveil tant économique que militaire bouleverse la donne mondiale.

De nos jours un autre type de guerre, résultant de la fulgurante évolution technologique de l’informatique, s’est imposé et conditionne toutes les autres: la guerre cybernétique. Cette dernière est étroitement liée aux opérations dans l’espace dans la mesure où celles-ci dépendent des relations entre les réseaux informatiques basés dans les trois autres dimensions. La guerre info-centrée ou guerre en réseau (1) repose sur l’alliance entre l’informatique et les satellites ; la maîtrise du cyberespace est la condition sine qua non de la supériorité, voir de la suprématie dans la quatrième dimension…et, par voie de conséquence, dans les trois autres.

Ceci fut illustré par un programme de CNN dans la série THE WORLD’s UNTOLD STORIES, intitulé Warfare by Remote, mis à l’écran le 09 août 2009, sur l’emploi de drones armés en Afghanistan pilotés à distance depuis le continent américain par des spécialistes de l’USAF(2). De même, des drones américains s’envolent de leur base aux Seychelles pour surveiller la Corne de l’Afrique où se déroulent des actes de piraterie.

« L’Armée dronique » est bien là…

QUELQUES REPÈRES

La politique spatiale américaine remonte aux années 1960, époque où l’URSS se livrait à de nombreux essais anti-satellites et où la présence d’armes nucléaires dans l’Espace était une véritable possibilité.

Le Traité sur l’Espace Sidéral (Outer Space Treaty) de 1967 conclu entre les deux superpuissances interdit de mettre dans l’Espace, en orbite ou sur la lune des armes nucléaires ou autres armes de destruction massive (ADM).

Ce traité interdisait d’effectuer des essais, de placer des fortifications ou bien de faire des manœuvres militaires sur la lune ou sur d’autres corps célestes.

Le Traité sur les Missiles anti-balistiques (ABM) de 1972 limita encore davantage les déploiements d’intercepteurs dans l’exo-atmosphère. Ce traité freina le développement d’armes spatiales et assura une relative quiétude « là-haut ».

Le traité ABM subit plusieurs modifications destinées à clarifier ce qui était autorisé et la manière de traiter les cas limites.

Les attaques qui se déroulèrent le 11 septembre 2001 (9/11) débouchèrent en 2002 sur la création d’un bureau chargé de s’occuper de la connaissance de la situation spatiale.

Le tir chinois de 2007 sonna l’alerte à Washington : le « terrain de jeu » spatial entre les deux Grands était devenu un « pré commun mondial » (global commons). Aujourd’hui, l’on ne compte pas moins de 30 à 40 pays qui opèrent dans l’Espace. Et ce nombre devrait encore grandir…

LE COMMANDEMENT DE L’ESPACE DE L’ARMÉE DE L’AIR DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

Créé le 1er Septembre 1982, le Commandement de l’Espace de l’Armée de l’Air (AFSPC) est un grand commandement dont le QG se trouve sur la Base de l’Armée de l’Air de Peterson, au Colorado.

L’AFSPC est chargé de la défense de l’Amérique du Nord à travers son espace, son cyberespace, forces de missiles et capacités – vitales pour le combat d’aujourd’hui et l’avenir de la sécurité nationale des États-Unis (3).

Avec ses quelque 43.000 professionnels affectés à 83 postes dans le monde entier et déployés dans 35 autres mondialement, l’AFSPC a pour mission de fournir une constellation intégrée de capacités spatiales et cyberspatiales à la vitesse à laquelle se manifeste le besoin.

L’AFSPC comprend trois composantes : la 14è (basée à Vendenberg, Californie), la 20è (basée à F.E. Warren, Wyoming) et la 24è Air Force (basée à Lackland, Texas), ainsi que deux centres : le Centre de Systèmes de l’Espace et de Missiles (Space and Missile Systems Center) (à Los Angeles, Californie) et le Centre d’Innovation et de Développement de l’Espace (Space Innovation and Development Center) (à Schriever, Colorado) (4).

Les moyens pour mener des opérations spatiales se composent de :

1. satellites qui fournissent:

– des transmissions sécurisées essentielles sur les théâtres d’opérations,

– des données météorologiques et de navigation au profit des opérations terrestres, aériennes et navales,

– des alertes de menaces.

2. radars basés au sol et de satellites du Programme de Soutien à la Défense (DSP) qui suivent les lancements de missiles balistiques dans le monde entier de façon à éviter une attaque surprise de missile contre l’Amérique du Nord,

3. radars de surveillance spatiale qui fournissent à l’Amérique et au monde entier des informations vitales sur la localisation des satellites et les débris spatiaux.

Actuellement, plus de 450 missiles balistiques inter-continentaux (ICBMs) sont en alerte permanente (24/7/365) dans des installations de lancement en béton armé situées sous les Grandes Plaines.

L’AFSPC est le commandement qui assure la direction du plus grand nombre d’hélicoptères UH-1N, lesquels servent au soutien des opérations ICBM sur les bases de F.E. Warren, Malmstrom et Minot.

L’AFSPC est le seul Commandement de l’USAF à disposer en propre d’un organisme d’acquisition au sein du Commandement..

Rappel chronologique :

Lors de sa création en 1982, l’AFSPC reçut de l’Armée de l’Air comme mission prioritaire d’assurer les opérations spatiales.

Au cours de la Guerre Froide, les opérations spatiales se concentrèrent essentiellement sur les alertes en cas d’attaques de missiles, la surveillance spatiale et le commandement et le contrôle (C2) au profit des autorités du pays.

Lors de l’opération DESERT STORM (première Guerre du Golfe) le commandement reçut une nouvelle mission, i.e. le soutien au combattant. Le Centre de Guerre Spatiale (Space Warfare Center) renommé Centre d’Innovation et de Développement de l’Espace, fut créé pour garantir l’accès aux capacités spatiales à ceux qui en avaient besoin.

Les forces ICBM furent intégrées à l’AFSPC en 1993.

En 2001, sur la recommandation de la Commission de l’Espace, le Centre de Systèmes de l’Espace et de Missiles intégra l’AFSPC.

En 2002, après qu’il ait été partagé entre le Commandement de l’Espace et NORAD, le commandement de l’AFSPC fut confié à un Général quatre étoiles, en l’occurrence le Gal. C. Robert « Bob » KEHLER (5) depuis octobre 2007.

TYPOLOGIE DES OPERATIONS SPATIALES

Les opérations dans l’Espace sont les yeux et les oreilles du Commandement à qui elles fournissent le glaive pour frapper ou bien le bouclier pour se protéger :

1. Elles sont de trois types :

– elles sont destinées à assurer une connaissance de la situation (situational wareness ou SSA) spatiale mondiale complète, socle indispensable des deux autres. Par SSA on entend « la capacité de savoir qui fait quoi ou bien qui s’est mis en mesure d’agir d’une manière ou d’une autre ». « Les Etats-Unis ont besoin de savoir ce qui se passe en orbite », dit le Général KEHLER. La connaissance de tous les objets en orbite (jusqu’à 15.000 actuellement) tant amis qu’ennemis passe par² une amélioration de la coordination des capteurs, des transmissions et de la synthèse des données.

– elles peuvent prendre la forme d’opérations défensives de contre-espace (Defensive Counter-Space Ops ou DCS) : elles visent à protéger les moyens situés dans l’Espace,

– elles peuvent passer à un mode offensif (Offensive Counter-Space Ops ou OCS). Elles consistent à perturber / désorganiser les capacités spatiales de l’adversaire pour l’empêcher d’utiliser l’Espace à son avantage. Cette tâche est confiée au 76è Régiment du Commandement de l’Espace.

2. reposent sur trois segments :

– un segment basé au sol (ground-based),

– un segment de liaison sol-espace (link-based),

– un segment basé dans l’Espace (space-based).

3. et répondent à trois préoccupations :

– la domination spatiale (space dominance) à ne pas confondre avec une simple « supériorité »,

– la protection contre les vulnérabilités (space vulnerability),

– la protection contre l’insécurité (space insecurity).

Ces trois préoccupations furent développées dans divers numéros de l’AIR FORCE MAGAZINE dont trois font ici l’objet d’une succincte présentation.

Space Dominance

Après la « supériorité aérienne », le concept de « supériorité spatiale » doit s’imposer, écrit Adam J. HEBERT dans le numéro d’AIR FORCE MAGAZINE intitulé VERS LA SUPRÉMATIE (Towards Supremacy) (6). « La guerre pour le contrôle de l’Espace a déjà commencé », lança le Général Lance W. LORD, Commandant de l’AFSPC en 2005. L ’Espace fournit les communications, la connaissance de l’espace de bataille, le préavis en cas d’attaques de missiles, les capacités de positionnement et de poursuite, et le guidage des armes de précision.

Les adversaires potentiels des États-Unis savent que ceux-ci se trouvent dans une relation de dépendance avec leurs capacités basées dans l’Espace.

L’ « ennemi » peut utiliser à son profit des capacités basées dans l’Espace soit en payant pour l’obtention d’accès à des systèmes de communications commerciaux soit en achetant des images satellitaires permettant de localiser des bases et rampes de lancement.

C’est pourquoi le Pentagone se donna les moyens pour acheter toutes les images de satellites commerciaux de haute qualité sur l’Afghanistan au début de l’Opération Liberté Immuable (Operation Enduring Freedom ou OEF) de façon à empêcher que des détails de valeur ne tombent dans des mains ennemies.

Désormais, les opérateurs spatiaux doivent savoir déceler des attaques là où, par habitude, l’on pensait voir de banales défaillances ou pannes.

La protection des moyens spatiaux américains implique, si nécessaire, d’interdire à l’ennemi d’avoir accès à l’Espace.

Space Vulnerability

L’Air Force peut dire adieu à cinquante années d’opérations tranquilles, sans dérangement « là-haut ». L’Espace n’est plus ce domaine exclusif où les États-Unis régnaient sans conteste. Il attire de nouveaux et nombreux acteurs nationaux et commerciaux (au nombre desquels la Russie, la Chine, l’Inde, l’Europe…).

Les États-Unis prirent soudainement conscience de leur vulnérabilité (7) lorsque les Chinois détruirent le 11 janvier 2007, à une altitude de 530 miles, un satellite qui se désintégra en plus de 900 débris orbitaux (un « détail » dont les Chinois ne firent point état alors…).

D’après Desmond BALL, analyste des affaires stratégiques australien, la réussite d’un tel tir ne pouvait que déclencher une course dans l’Espace par n’importe quel pays possédant un arsenal de missiles balistiques à moyenne portée ou de portée intercontinentale ou bien possédant des véhicules de lancement de satellites, et un système de radar de grande portée. Au nombre desquels figurent le Japon, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et la Corée du Nord.

Obligée de « marquer à la culotte » ces utilisateurs (comme on dit en rugby), l’AFSPC dut revoir ses priorités et chercher à combler ses lacunes.

1. La connaissance de la situation spatiale est un absolu, car elle permet d’établir une image opérationnelle commune (Common Operational Picture ou COP), préalable à toute opération dans l’Espace qu’elle soit de nature défensive ou offensive.

2. Une autre priorité est le suivi des déplacements des satellites manœuvrés par des opérateurs individuels afin d’éviter des interférences de fréquence radio pouvant menacer les opérations américaines. Le meilleur cas de figure, indique Rebecca GRANT, serait de suivre ces satellites avant même qu’ils ne soient lancés. Ce qui implique d’obtenir une coopération volontaire des pays et entités commerciales ayant l’intention de lancer des satellites.

3. L’AFSPC prend des mesures pour dissuader le brouillage et y résister. L’on sait que la Russie possède une technologie capable de brouiller le GPS. Un bon exemple est fourni lors de l’OPERATION IRAQI FREEDOM en 2003 où il ne fallut que deux jours à l’US AIR FORCE pour détruire les brouilleurs de Saddam HUSSEIN.

4. L’AFSPC doit également prendre en compte l’aveuglement des capteurs satellitaires (ISR) par des lasers. Et c’est là que la domination de l’Espace va de pair avec la liberté d’action dans le cyberespace : tous les ordres émis et les données reçues dépendent des communications entre les satellites, les stations au sol et les centres de commandement (i.e. les trois segments). Les opérations spatiales dépendent du cyberespace, à la différence des opérations aériennes. Le Général KEHLER souligne que : « Il se peut que ce soit au sol et dans les sites au sol que se situe la plus grande menace pour nos opérateurs dans le cyberespace ».

Si les capacités spatiales de l’US AIR FORCE dépassent de très loin celle de l’Armée de Terre, du Corps des Marines et de la Marine, il est constant que ces armées sont parfaitement conscientes de la dépendance, c’est-à-dire de la vulnérabilité de leurs propres capacités spatiales futures, qu’il s’agisse des transmissions, des systèmes de données, du GPS ou des systèmes ISR.

La conscience de cette vulnérabilité a engendré un climat d’insécurité.

Space Insecurity

Aujourd’hui, l’Administration Obama étudie les voies et moyens pour conserver la supériorité dans les opérations militaires spatiales.

L’AFSPC a pour mission de protéger l’accès à l’Espace non seulement en parant à une attaque directe par « missile tueur », mais aussi en évitant les débris qui se multiplient dans l’Espace, les collisions entre véhicules orbitaux, le brouillage depuis des stations au sol capable de neutraliser ou perturber le fonctionnement de vaisseaux spatiaux dans des orbites terrestres moyennes (MEO).

Tous ces facteurs d’insécurité (8) firent l’objet d’une révision technique de la protection de l’Espace au printemps 2008 par le bureau de protection de l’Espace dirigé par Andrew W. PALOWITCH.

Statistiquement, entre la chute du Mur de Berlin en 1989 et 2007, on assista à une augmentation du nombre de pays utilisateurs de l’Espace et de leurs capacités. Pour « inquiétants » (terminologie initiée par Donald RUMSFELD) que soient considérés la Corée du Nord et l’Iran, la Chine a fait monter de bien plus d’un cran la menace avec son tir du 11 janvier 2007, estime PALOWITCH.

Sans parler du danger d’une attaque franche dans la zone des 300 à 700 miles au dessus de la Terre, les dangers qui se trouvent en orbite sont en augmentation constante :

1. Multiplication des débris en basse orbite terrestre et des satellites (LEO) : le Centre des Opérations de l’Espace Interarmées (JSpOC) de Vanderberg en dénombre jusqu’à 19.000. un chiffre que la NASA n’hésite pas à multiplier par dix ;

2. Risques de collision subséquents : trois exemples sont patents :

– le 10 février 2009 un satellite de communications militaires russe entra en collision avec un satellite commercial IRIDIUM à une altitude de 480 miles au-dessus de la Sibérie, entraînant la destruction des deux vaisseaux et créant un large champ de débris qui continuent à tourner en orbite ;

– le 12 mai 2009 des responsables français et américains organisèrent une conférence pour déterminer la marche à suivre au cas où un satellite d’imagerie SPOT français s’approcherait dangereusement d’autres « objets spatiaux » ;

– les vols habités sont, eux aussi, menacés par les débris : ainsi, la navette spatiale ATLANTIS devait traverser un important champ de débris pour pouvoir réparer le télescope HUBBLE.

LE PROJET SPACE FENCE

Tous ces dangers ont convaincu l’AIR FORCE de la nécessité de créer une « Barrière de l’Espace » (SPACE FENCE), un projet confié à trois équipes industrielles chargées de fournir une capacité initiale (IOC) d’ici 2015.

La « Barrière de l’Espace » devrait pouvoir suivre les objets en orbite terrestre basse (LEO) et moyenne (MEO), qu’il s’agisse de débris spatiaux, voire de satellites en fonctionnement ou autres véhicules spatiaux.

Cette « Barrière de l’Espace » devra pouvoir suivre simultanément jusqu’à 100.000 objets, certains pouvant ne pas dépasser la taille de deux pouces (10 cm) de diamètre.

Au-delà des dangers posés par les champs de débris en basse orbite terrestre (LEO), tournent des satellites de communications à plus de 22.000 miles au-dessus de l’Equateur en orbite terrestre géosynchrone (GEO). Néanmoins, ces derniers, tout comme ceux en orbite moyenne (MEO) et ceux en orbite hautement elliptique (HEO), sont hors de portée d’une attaque en ascension directe…dans l’état actuel de la technologie…

STRATCOM voudrait faire un inventaire des menaces en améliorant les capteurs et les logiciels de façon à suivre 300 satellites, et davantage encore, avec une précision de l’ordre des mètres plutôt que des kilomètres.

Concrètement parlant, il est plus vraisemblable que des adversaires tenteront de désorganiser / brouiller les signaux ou stations au sol, et s’en prendront donc aux trois segments de capacités spatiales américaines. Les stations au sol pourraient aussi subir un aveuglement par rayon laser.

Différentes parades sont à l’étude par l’AFSPC, comme :

1. un GPS amélioré : le GPS III,

2. le durcissement des satellites sans créer de poids supplémentaire,

3. le système de relais MILSTAR (Military Strategic and Tactical Relay) qui comporte actuellement cinq satellites en GEO,

4. bientôt emplacé par le système AEHF (Advanced Extremely High Frequency Satellite Communications System),

5. des systèmes de transmissions de secours (drones, aéronefs pilotés, dirigeables) qui pourraient servir de relais pour des transmissions tactiques ou propres à certains théâtres.

A l’instar de la mer ou des armes nucléaires, domaines régis par des traités internationaux, le Pentagone aimerait que l’Espace fasse, lui aussi, l’objet d’une régulation par « la communauté internationale ». Les propos de PALOWITCH au C4ISR JOURNAL ont le mérite de la franchise : « Nous n’essayons pas de sauver des satellites. Nous tentons de préserver nos effets spatiaux nationaux ».

L’ancienne super-puissance n’et plus en mesure d’imposer sa loi. Elle doit composer avec les nouveaux venus, notamment les puissances émergentes. Elle cherche à négocier au mieux la préservation de sa niche.

ILLUSTRATIONS PASSÉES ET RETOURS D’EXPÉRIENCE

I Exemples de Forces de l’Espace mondiales en appui aux opérations de théâtre

1. Lors de l’Opération DESERT STORM (1991) pour la détection et l’attaque de SCUDs irakiens ;

2. Lors de l’Opération ALLIED FORCE : le recours à des munitions guidées par GPS permit aux forces alliées d’éliminer les sanctuaires hostiles de nuit et dans des mauvaises conditions météo ; les indications d’évaluation de dégâts fournies au CAOC et recoupées par les informations fournies par les satellites d’imagerie et les drones permirent d’ajuster les frappes ultérieures ;

3. Lors de l’Opération Iraqi Freedom (OIF), si le guidage par GPS permit à l’USAF de poursuivre ses frappes lors d’une tempête de sable, ce fut la première fois que des brouilleurs GPS furent détruits à l’aide de munitions guidées par GPS, constituant ainsi une première mondiale de mission d’opérations de contre-espace.

II Exemples de moyens civils / commerciaux mis en œuvre lors de campagnes

1. Au cours de la Guerre du Vietnam, les militaires eurent recours à des systèmes satellitaires civils et commerciaux pour relier Saigon à Hawaï ;

2. Dans l’Opération DESERT STORM, les satellites d’imagerie LACROSSE (US) et SPOT (F) fournissent une surveillance de large zone augmentant et complétant les satellites de renseignement américains ;

3. Vers la fin de l’Opération ALLIED FORCE, 60 % des communications satellitaires étaient d’origine commerciale (15% seulement dans DESERT STORM) ;

4. Dans l’Opération ATLAS RESPONSE, la Joint Task Force (JTF) déployée lors d’ inondations en mars 2000 au Mozambique et en Afrique du Sud pour y mener des opérations d’assistance humanitaire et de secours aux sinistrés (Humanitarian Assistance and Disaster Relief ou HADR) utilisa des images mises sur le site de la NASA par un satellite expérimental ;

5. Lors de l’Opération Iraqi Freedom (OIF), par manque de communications satellitaires militaires, les armées se procurèrent 80 % des communications dans le secteur commercial, une pratique toujours en cours à ce jour.

LA NOUVELLE POLITIQUE SPATIALE EXPLICITÉE EN 2006

La nouvelle politique spatiale nationale reçut l’approbation présidentielle le 31 août 2006 (et remplace donc celle ayant fait l’objet de la Directive Présidentielle NSC-49 / NSTC-8 datant du 14 septembre 1996).

Elle prend acte qu’au cours des cinquante dernières années les Etats-Unis ont pris la tête dans l’exploration spatiale tant dans le domaine civil que commercial et militaire.

Dans le nouveau siècle, ceux qui sauront faire un usage efficace de l’Espace jouiront d’une prospérité et d’une sécurité leur donnant un avantage certain sur ceux qui ne sauront pas en faire le même usage. Pour les Etats-Unis, la liberté d’action dans l’Espace est tout aussi importante que la puissance aérienne ou la puissance maritime. C’est une priorité absolue pour les Etats-Unis que de disposer de capacités spatiales solides, efficaces et efficientes afin de s’assurer de la supériorité spatiale définie en ces termes :

La supériorité spatiale est ce niveau de contrôle dans le domaine spatial dont une force bénéficie sur une autre et qui lui permet de conduire des opérations à un moment donné et à un endroit donné sans que la force adverse puisse interférer de manière prohibitive. La supériorité dans l’Espace peut être circonscrite dans le temps et dans l’espace, ou bien elle peut être de grande ampleur et persistante. Parvenir à la supériorité spatiale est une préoccupation majeure puisqu’elle permet le contrôle et l’exploitation du domaine spatial en vue de fournir des effets spatiaux DANS et A TRAVERS l’espace. L’Armée de l’Air parvient à la supériorité spatiale grâce à des opérations de contre-espace, comprenant des opérations offensives et défensives, toutes deux se fondant sur une connaissance solide de la situation spatiale.

Source : SPACE OPERATIONS Air Force Doctrine Document 2-2), Ch.4 Executing Space Operations, p.31, 21 Novembre 2006

La conduite des programmes et activités spatiaux doit obéir à quelques principes énoncés comme suit :

– Si tous les pays ont le droit d’explorer et d’utiliser l’Espace à des « fins pacifiques », aucun, précise Washington, ne doit pouvoir revendiquer une quelconque souveraineté sur le cosmos ou des corps célestes ;

 – La coopération avec d’autres pays devra servir à protéger et à promouvoir la liberté dans le monde ; Ø La liberté de circulation et d’opérer dans l’Espace, étant un droit, ne devra souffrir aucune entrave ;

– Les États-Unis considèrent que les capacités spatiales (9) sont vitales pour leurs intérêts nationaux et se réservent donc le droit de protéger ces capacités, de dissuader quiconque chercherait à les limiter ou à les gêner, de réagir à toute ingérence et d’interdire, éventuellement, l’usage de capacités spatiales à des adversaires mettant en danger les intérêts américains (10);

– Aucun accord de contrôle des armements, aucun nouveau régime juridique ni aucune restriction ne devront porter atteinte aux droits des Etats-Unis de mener des recherches, de développer, de faire des essais et de se livrer à des opérations ou activités dans l’Espace lorsqu’il y va de leurs intérêts vitaux ;

– Le développement d’un secteur commercial dynamique sera encouragé et facilité, et ce d’autant plus, qu’une synergie maximale sera recherchée entre les capacités spatiales civiles et la sécurité nationale (11).

Les États-Unis poursuivent les buts suivants dans l’Espace:

– renforcer le leadership du pays dans l’Espace et s’assurer que les capacités spatiales seront disponibles à temps pour faire avancer les objectifs du pays en matière de sécurité nationale, de sécurité du territoire et de politique étrangère ;

– donner les moyens de mener des opérations sans être gênés dans et à travers l’Espace afin de défendre leurs intérêts ;

– accroître la présence de l’homme grâce à des robots à travers le système solaire ;

– augmenter les bienfaits de l’exploration civile, de la découverte scientifique et des activités environnementales;

– permettre au secteur civil américain d’être mondialement compétitif et dynamique fin de promouvoir l’innovation, renforcer le leadership du pays, et assurer la protection du pays, du territoire et la sécurité économique ;

– permettre à la technologie et à la science de poursuivre les mêmes buts ;

– encourager une coopération internationale mutuellement bénéfique avec les autres pays et les consortia étrangers dans le domaine des activités spatiales tout en promouvant les objectifs du pays en matière de sécurité nationale, de sécurité du territoire et de politique étrangère.

Afin de réaliser ces objectifs, le gouvernement des États-Unis devra :

– former des professionnels de l’Espace selon les vœux de Peter B. TEETS, ancien Ministre en exercice de l’Armée de l’Air, Directeur du Bureau de Reconnaissance Nationale (NRO) et Directeur exécutif du Pentagone pour les questions spatiales :

Les États-Unis doivent, au cours des quelques années qui viennent, élaborer un corps de gens expérimentés, ayant d’immenses connaissances et habiles à appliquer l’espace au combat. Nous parlons ici d’une nouvelle race de guerriers qui, en fin de compte, transformeront la puissance et l’étendue de la guerre de la même manière que les professionnels de la guerre aérienne le firent au siècle dernier (12).

Le Commandement de l’Espace a besoin de personnels ayant à la fois une expérience des opérations spatiales et de l’acquisition. Suite à un rapport de la Commission sur l’Espace, une carrière sur mesure fut proposée aux scientifiques de l’Espace, aux responsables de l’acquisition et aux opérateurs. Ce programme d’échange opérationnel donne aux uns et aux autres une compréhension élargie de l’ensemble de la mission du Commandement. Ces professionnels sont affectés tant dans les centres d’opérations que dans les grands Commandements Combattants (COCOMs).

– améliorer le développement et l’acquisition de systèmes spatiaux ;

– augmenter et renforcer les partenariats entre les organismes gouvernementaux ;

– renforcer et soutenir la science liée à l’Espace, la technologie et la base industrielle.

La sécurité nationale des États-Unis dépend de manière vitale des capacités spatiales, et cette dépendance ne fera que grandir. Il importe, par conséquent, de définir des :

– principes directeurs de sécurité nationale pour l’Espace ;

– principes directeurs pour l’Espace civil ;

– principes directeurs pour l’Espace commercial ;

– une coopération spatiale internationale ;

– une puissance nucléaire spatiale ;

– un spectre de fréquences radio et une gestion des orbites et une protection contre les interférences ;

– procédures d’amoindrissement et d’identification des débris orbitaux ;

– une politique efficace d’exportation ;

– une classification de sécurité ayant trait à l’Espace.

MILITARISATION DE L’ESPACE

Dans un Webmemo (13) de 2005, Jack Spencer et Kathy Gudgel de la HERITAGE FOUNDATION, présentaient succinctement la Quadriennal Defense Review de 2005 dans laquelle le législateur abordait deux sujets « innommables » (unmentionable, sic), à savoir la réaction des Etats-Unis à la modernisation de l’Armée Populaire de Libération chinoise et le rôle que l’Espace devrait jouer, d’un point de vue militaire, à l’avenir dans la planification et les opérations.

D’après les auteurs du Webmemo, les Etats-Unis jouissent d’une avancée significative dans l’utilisation de l’Espace à des fins militaires. La question est de savoir comment les Etats-Unis doivent procéder afin de conserver, protéger et accroître les avantages dont ils disposent actuellement.

Exporter la guerre dans l’Espace

Ils constataient que, bien que plusieurs pays possédaient, en théorie, la capacité de se livrer à une guerre dans l’Espace, aucun d’eux ne s’était engagé dans cette voie. Les Etats-Unis, conseillaient- ils, doivent travailler à dissuader les « éléments hostiles » d’employer de telles capacités et se préparer à réagir et à minimiser les conséquences de telles attaques en cas d’échec de la dissuasion.

Les opérations spatiales pourraient se révéler essentielles pour assurer la victoire au cours de conflits futurs, et ce d’autant plus que les forces nucléaires dépendent des satellites pour les pré-alerter et désigner des objectifs (14).

Si d’aucuns s’inquiètent de cette « militarisation de l’Espace » (une question éminemment technique, au demeurant) (15), d’autres constatent que ce « seuil » a déjà été franchi ne serait-ce que parce que l’Espace a été au centre des préoccupations des planificateurs militaires dès la QDR de 2001 et constamment par la suite, notamment dans les documents officiels suivants:

– la Doctrine Interarmées des Opérations Spatiales (Joint Doctrine for Space Operations) de 2002,

– la Doctrine de l’Armée de l’Air des Etats-Unis sur les Opérations dans le Contre-Espace (Air Force Counterspace Operations) de 2004,

– la Stratégie de Défense Nationale (National Defense Strategy) de 2005,

– la Doctrine des Opérations Spatiales de l’Armée de l’Air (SPACE OPERATIONS Air Force Doctrine Document 2-2) du 21 novembre 2006,

– la Quadriennal Defense Review 2010 en cours de préparation.

D’après Peter BROOKES (16), Beijing et Moscou ambitionnent de contester la pré-éminence des Etats-Unis dans l’Espace et croient pouvoir menacer les moyens spatiaux américains. Lucide et réaliste, le général KEHLER sait que « Les capacités spatiales américaines ne domineront plus sans partage ». (17)

La protection de ces moyens, et donc de la liberté d’action des Etats-Unis dans la quatrième dimension, doit être considérée comme une priorité nationale. Echouer à maintenir cette supériorité dans l’Espace ne pourrait que conduire à la débâcle dans cette dimension non seulement pour les Etats-Unis pour aussi pour leurs alliés et amis, précise Peter BROOKES.

Comment attaquer un satellite 

Les États-Unis, l’Union Soviétique / la Russie, et la Chine ont étudié et démontré des techniques d’attaque de satellites dès les années 1960 et 1970. L’on peut citer l’utilisation de :

1. missiles lancés du sol

2. missiles nucléaires

3. missiles lancés de l’air

4. systèmes co-orbitaux

5. intercepteurs basés dans l’Espace

6. lasers

7. fréquences radio pour brouiller les signaux émis par les satellites.

Source : AIR FORCE Magazine, Vulnerability in Space, p.27,June 2008

Dans un discours (17) prononcé devant la Commission du Budget du Sénat le 09 mai 2007, Robert GATES, Secrétaire d’Etat à la Défense, mettait en garde contre les missiles à longue portée déjà détenus ou en cours de fabrication par certains Etats (dont ceux désignés par le Président George W. BUSH comme faisant partie de l’Axe du Mal (Axis of Evil). Les Etats-Unis doivent se doter d’une capacité ABM « défensive », enjoignit-il alors. D’où les négociations entamées alors avec la Pologne et la République tchèque en vue d’établir un site de lancement dans la première et une station de radar dans la seconde, sans oublier la modernisation du système de radar d’alerte au Royaume-Uni.

Il ne faisait aucun doute pour lui que la Chine constituait une préoccupation majeure pour les Américains:

Le test récent d’une arme anti-satellite par la Chine souligna la nécessité de continuer à élaborer des capacités dans l’Espace. La politique du gouvernement américain dans ce domaine reste dans la logique des principes de longue date qui furent posés au cours de l’Administration Eisenhower, tel que le droit de libre circulation et l’utilisation de l’Espace à des fins pacifiques. Les progrès spatiaux sont cruciaux pour les capacités de communications militaires américaines, la surveillance et la reconnaissance. Le budget de base prévoit environ $ 6.0 milliards pour poursuivre la mise au point et sur le terrain de systèmes qui préserveront la suprématie des Etats-Unis tout en assurant un accès sans entraves, fiable et sûr à l’Espace.

Les principes déjà affirmés dans la Doctrine de 2006 étaient donc réaffirmés avec constance en 2007, notamment le droit de libre circulation et l’utilisation de l’Espace à des fins pacifiques et l’accès sans entraves, fiable et sûr à l’Espace. Il n’est pas anodin qu’alors le Secrétaire d’Etat à la Défense parle de « suprématie » et non de « supériorité ». Ce subtil distinguo n’aura certainement pas échappé aux Chinois.

Peter BROOKES pensait donc que Washington était fondé à rejeter la proposition présentée par la Russie et la Chine d’élaborer un Traité sur la prévention d’une course aux armements dans l’Espace sidéral (Prevention of an Arms Race in Outer Space ou PAROS) lors d’une Conférence sur le Désarmement organisée par l’ONU en février 2008 à Genève.

À suivre

Jean-Claude Bessez : Docteur en civilisation britannique et américaine, analyse géopolitique et des questions militaires.

NOTES

(1) Ce concept est parfaitement expliqué et illustré dans la VIDEO REAL PLAYER du site suivant de la USN : http://forcenet.navy.mil/FORCEnet.mpg  Pour des photos et graphiques de synthèse, se reporter à : http://www.defense-update.com/photos/stss.html (site EUCOM.MIL) http://forums.bf2s.com/viewtopic.php?id=130974  (blog)

(2) CNN, Warfare by remote, in The World Untold Stories, 09 August 2009

(3) USAF AFSC Fact Sheet September 2009 http://www.af.mil/information/factsheets/factsheet.asp?fsID=155

(4) Le Centre de SCHRIEVER mène des Wargames dont le Vème a fait l’objet d’un numéro spécial de la revue HIGH FRONTIER, The Journal for Space & Missile Professionals, Volume 5, Number 4, August 2009

(5) http://www.af.mil/information/bios/bio.asp?bioID=6008

(6) Adam J. HEBERT, Toward Supremacy in Space, January 2005 http://www.airforce-magazine.com/MagazineArchive/Pages/2005/January%202005/0105space.aspx

(7) Rebecca GRANT, Vulnerability in Space, June 2008 http://www.airforce-magazine.com/MagazineArchive/Pages/2008/June%202008/0608space.aspx

(8) Rebecca GRANT, Insecurity in Space, October 2009 http://www.airforce-magazine.com/MagazineArchive/Pages/2009/October%202009/1009space.aspx

(9) AIR FORCE Magazine, January 2005, p.25 : « Le Commandement de l’Espace veut mettre au point des systèmes de contrôle spatial afin de défendre les moyens orbitaux des Etats-Unis ».

(10) SPACE OPERATIONS Air Force Doctrine Document 2-2, Ch. 4 Executing Space Operations, Assured Access p.32 & Counter Space Operations, 21 November 2006

(11) SPACE OPERATIONS Air Force Doctrine Document 2-2, Ch. 4 Executing Space Operations, p. 34 & p.36

(12) SPACE OPERATIONS Air Force Doctrine Document 2-2, Ch.5 Development of space professionals, p.38-40 ; AIR FORCE Magazine, January 2005, p.27

(13) SPENCER Jack & GUDGEL Kathy, Webmemo N° 819, HERITAGE FOUNDATION, August 11, 2005

(14) SPACE INTELLIGENCE PREPARATION OF THE OPERATIONAL ENVIRONMENT ou IPOE (p.24 USAF SPACE OPS DOCTRINE 2006)

(15) SPACE OPERATIONS Air Force Doctrine Document 2-2, Orbit Fundamentals, Strengths and Limitations of Space Operations, Appendix A, p.43

(16) Cette approche de Peter BROOKES fit l’objet d’une critique documentée de la part de Phil SMITH de la Secure World Foundation.
Peter BROOKES, Opinion: Marking the boundaries of weapon use in space, Jane’s Defence Weekly, 22 July 2008. Peter Brookes est senior fellow à l’Heritage Foundation – un think-tank américain –et ancien secrétaire adjoint à la Défense.
Phil SMITH, Brains, not brawn, will halt arms race in space, JANE’s Defence Weekly, 24 September 2008, p.31

(17) Testimony as Delivered by Secretary of Defense Robert M. GATES, 106 Dirksen Senate Office Building, Washington, D.C., Wednesday, May 09, 2007
http://www.defenselink.mil/speeches/speech.aspx?speechid=1150  

ANNEXE 1

Le texte qui suit est la traduction in extenso d’un article de doctrine rédigé dans un style concis propre aux Field Manuals (TTA en français), et fort instructif, par le Général de Division William L. SHELTON fin 2007 dans la très officielle revue JOINT FORCES QUARTERLY publiée par la NATIONAL DEFENSE UNIVERSITY (1).

LA DOCTRINE SPATIALE DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

Le Commandant du Commandement Stratégique Américain a mis sur pied la composante de commandement fonctionnelle Interarmées pour l’Espace (JFCCSPACE) en vue d’optimiser la planification, l’exécution et la gestion de cette force des opérations spatiales au Ministère de la Défense.

Le Commandant de la 14ème Air Force fut nommé Commandant du JFCCSPACE en vue de mener des opérations spatiales, d’exercer le contrôle opérationnel (OPCON) des forces d’alerte spatiales et balistiques désignées au nom du Comandant de Commandement Stratégique des Etats-Unis d’Amérique (USTRATCOM) , et d’agir en tant qu’autorité coordinatrice de l’Espace Mondial.

Dans son rôle d’autorité coordinatrice, le Commandant du JFCCSPACE veille à l’unité d’effort en mettant au point, coordonnant et menant une planification de campagne spatiale de niveau opératif et l’élaboration de la stratégie venant appuyer le Commandement Stratégique des Etats-Unis d’Amérique (USTRATCOM) et les autres Commandements unifiés (2).

Par le biais de la planification et de l’exécution du contrôle spatial, de l’appui, et des opérations de renforcement de la force, le Commandement du JFCCSPACE fournit des effets au profit des Commandants des Commandements unifiés, des effets tels que l’indication du positionnement, la navigation et l’échéancier à des fins militaires et civiles ; la fourniture de transmissions en direction d’endroits éloignés situés au-delà de systèmes de communications terrestres en vue directe ; et contribuant à la connaissance de l’espace du champ de bataille et à sa caractérisation grâce à des systèmes spatiaux.

L’état final désiré par le JFCCSPACE est l’unité de Commandement et d’effort dans la fourniture sans entraves d’effets spatiaux Interarmées couvrant tout le spectre au profit des Commandements bénéficiaires de cet appui et la capacité à bénéficier des avantages que procure la dimension spatiale aux adversaires ayant des intentions hostiles envers les Etats-Unis.

Afin de parvenir à cet état final désiré, les Etats-Unis doivent disposer de capacités basées dans l’Espace et qui soient robustes, efficientes et efficaces. Egalement, nos centres d’opérations (le Centre des Opérations Spatiales Interarmées et les Centres des Opérations Aériennes) doivent collaborer étroitement afin de produire les effets spatiaux exigés par les Commandants des Commandements unifiés.

Afin d’assurer la liberté d’opérer dans l’Espace aux Etats-Unis et à ses alliés (3), le Commandant du JFCCSPACE s’attache prioritairement à parvenir à une connaissance de la situation dans l’Espace qui soit plus persistante et plus prévisible, et qui s’intègre à toutes les sources possibles de renseignement. En élargissant la connaissance de l’espace du champ de bataille à la dissuasion spatiale, cette connaissance de la situation spatiale donne au Commandant accès aux indications et alertes qui peuvent caractériser la capacité et l’intention d’un adversaire.

En prenant pour socle l’amélioration de la connaissance de la situation spatiale, le Commandant peut élaborer un plan de campagne fondé sur les objectifs des Commandements unifiés, afin de conduire des opérations de niveau tactique en rapport avec les opérations stratégiques, l’alerte anti-missile, le contrôle défensif de l’Espace, et le contrôle offensif de l’Espace.

La connaissance de la situation spatiale autorise de cette manière le Commandement et le Contrôle des ressources spatiales et donc de réaliser les effets spatiaux désirés.

L’intégration réussie des capacités basées dans l’Espace aux opérations militaires américaines augmente la dépendance envers ces capacités, mais aussi le besoin de telles capacités.

La Politique Spatiale Nationale de 2006 met en exergue le fait que le pays se trouve dans une dépendance critique vis-à-vis des capacités spatiales, et que cette capacité ne fera qu’augmenter.

Une utilisation et une exploitation croissante de l’Espace accroît la menace dans la dimension spatiale, conformément au précédent historique de l’utilisation de la dimension terrestre, aérienne et cyberspatiale.

La protection de ressources spatiales contre des attaques et la caractérisation et la qualification d’évènements atypiques en attaques potentielles contre des ressources spatiales sont des entreprises extrêmement complexes.

Mais cela constitue des conditions préalables absolues si l’on veut s’assurer que des capacités spatiales soient disponibles pour assurer la sécurité nationale des Etats-Unis, la sécurité du territoire américain, et promouvoir les objectifs de politique étrangère.

Sans jamais perdre de vue l’avenir, le Commandant du JFCCSPACE garde au nombre de ses priorités l’amélioration des capacités de connaissance de la situation spatiale, le renforcement des partenariats du Ministère de la Défense, et la mise au point de tactiques, techniques et procédures (TTPs) propres à assurer la conduite d’opérations défensives de contrôle spatial, et par là même d’assurer la protection de nos capacités spatiales vitales.

Les étapes à court terme comprennent :

1. le regroupement sur le même site du Centre de Contrôle Spatial se trouvant actuellement à Cheyenne Mountain au Colorado, et du Centre des Opérations Spatiales Interarmées situé sur la Base Aérienne de Vandenberg en Californie ;

2. la préconisation de valorisations en vue d’améliorer la connaissance de la situation spatiale ;

et la fourniture de la capacité de Commandement et de Contrôle susceptible de produire des effets spatiaux en temps opportun aux Commandants des Commandements unifiés.

(1) William L. SHELTON, SPACE OPERATIONS, issue 46, 3rd quarter 2007, p.62-63 , Général de Division de l’Armée de l’Air des Etats-Unis d’Amérique (USAF), Commandant le 14ème Commandement de l’Armée de l’Air, de l’Espace et Commandant de la partie fonctionnelle Interarmées du Commandement pour l’Espace au Commandement Stratégique des Etats-Unis d’Amérique (USTRATCOM) à la Base Aérienne de Vandenberg en Californie.

(2) Les Etats-Unis ont divisé le monde en cinq zones géographiques, chacune placée sous un Grand Commandement Combattant Unifié (les Unified Combatant Commands sont USNORTHCOM, USSOUTHCOM, USCENTCOM, USPACOM, USEUCOM, plus un sixième Commandement en devenir pour la quasi-totalité du continent africain (USAFRICOM) dont le QG se situe pour le moment à Stuttgart (Allemagne).

SOURCE : DEFENSELINK.MIL

Lire l’article de JC BESSEZ intitulé « AFRICOM : MODE D’EMPLOI DU NOUVEAU CHEVAL DE TROIE » : http://www.strategicroad.com/pays/analysis/250408_africom_mode_d_emploi_nouveau_cheval_de_troie_impr.htm   Voir le documentaire de la série WITNESS mis à l’antenne par Rageh OMAAR en septembre 2009 sur AL-JAZEERA et intitulé « America’s New Frontline » : http://english.aljazeera.net/programmes/witness/2009/09/2009910121135544650.html  (3) http://www.nss.org/resources/library/spacepolicy/2006NationalSpacePolicy.htm  http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/us-space-policy_060831.pdf

ANNEXE 2

« LES HAUTS » SE SITUENT AUSSI DANS L’ESPACE POUR L’ARMEE DE TERRE

Les opérations de guerre en réseaux (ou info-centrée) étant par nature inter-armées, l’Armée de Terre des Etats-Unis d’Amérique est un acteur des opérations spatiales tant avec les satellites qu’avec la défense ABM, explique le Général de Corps d’Armée Kevin T. CAMPBELL dans l’ARMY GREENBOOK de 2008 (1).

Par ses partenariats avec divers organismes et commandements (2), le Commandement de la Défense des Missiles et de l’Espace (Space Missile Defense Command) ou SMDC et le Commandement Stratégique des Forces de l’Armée de Terre (Army Forces Strategic Command) ou ARSTRAT cherchent à offrir au combattant le meilleur soutien grâce à ses forces déployées dans le monde entier.

Ainsi, en avril 2008, le premier satellite à bande large fut déclaré opérationnel. Ce système mondial de satellites à large bande constitue une constellation de plusieurs vaisseaux spatiaux qui fournit des capacités de transmissions info-centrées aux armées américaines et à leurs alliés (dont les Australiens qui bénéficient de dix pour cent de la largeur de bande de la constellation).

Au cours de l’année 2007, la 1ère Brigade de l’Espace du SMDC/ ARSTRAT a continué à affecter des spécialistes de l’Espace de l’Armée de Terre aux chefs des Grands Commandements, ce qui a permis de conserver une totale connaissance de la situation en Asie du Sud-Ouest et de s’adresser directement aux capacités de soutien sur le continent américain (CONUS).

Activée en Octobre 2003 0 Colorado Springs, le fonctionnement de la 100è Brigade de Défense de Missiles repose sur la réserve opérationnelle.

Le 49è Régiment de Défense de Missiles de la 100è Brigade fut activé en Janvier 2004 à Fort Greely, Alaska. Il assure la défense du Territoire 24/24 avec des intercepteurs capables de protéger le pays contre des attaques de missiles balistiques.

Il était prévu qu’en 2008, les ingénieurs du SMDC, ayant acquis une expérience sur le tas auprès d’une société d’Huntsville, Ala., seraient affectés à la mise au point de nanosatellites améliorés et autres capteurs et charges utiles.

Le SMDC / ARSTRAT prévoyait d’intégrer en 2009 de nouveaux capteurs en orbite et d’entreprendre des opérations info-centrées.

Parallèlement, le SMDC / ARSTRAT envisage de quitter ses shelters afin de s’insérer plus étroitement dans les centres de commandement et contrôle (C2) et d’intégrer ses capacités de soutien aux missions dans le Commandement Stratégique (USSTRATCOM) et dans les Grands Commandements.

(1) ARMY GREENBOOK 2008, Space and Missile Defense : Securing the High Ground, Lt. Gen. Kevin T. CAMPBELL, p.175-180, October 2008, ausa.org

 (2) la Missile Defence Agency, les laboratoires de la Défense, le Commandement de Gestion des Installations, les Grands Commandements (Combatant Commands), l’Etat-Major de l’Armée de Terre, TRADOC, entre autres.

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