Theresa May Premier Ministre du Royaume Uni: Une souverainiste qui s’assume
«L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis, elle n’a que des intérêts permanents.»
Winston Churchill
Le feuilleton du Brexit a donné lieu à un nouvel épisode: la nomination de Theresa May comme Première ministre de Sa Majesté. Fille de pasteur anglican, six ans ministre de l’Intérieur à poigne, Theresa May, 59 ans, va avoir une lourde charge: dégager son pays de l’Union, tout en renouant dans le même temps, une relation forte avec ladite Union…
«David Cameron lit-on sur le journal Le Monde, a quitté son poste de Premier ministre avec une désinvolture seigneuriale: on lui doit tout de même l’idée de ce référendum perdu sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, et la crise qui en résulte (…) Du côté des conservateurs qui ont mené la campagne pour le Brexit, la débandade est complète. Aucun n’a semblé avoir le début des qualités requises pour diriger le gouvernement. Boris Johnson, Michael Gove et Andrea Leadsom pourraient figurer dans une bande dessinée ayant pour titre. ‘ Les Aventures des Pieds nickelés en politique. ‘ (…) Mme May n’appartient pas à cette famille, celle des dilettantes. Elle prend la politique plutôt au sérieux. Elle hérite du Brexit dont elle ne voulait pas. (…) Mme May l’a dit: elle appliquera le Brexit. Elle a ajouté qu’elle voulait en faire un «succès». Elle est trop empiriste, pragmatique et expérimentée pour se payer de mots. On ne l’entendra pas se saouler d’odes à la souveraineté retrouvée du royaume, comme le ferait un souverainiste hexagonal. Elle va organiser la sortie du pays de l’UE, tout en aménageant la manière la plus subtile de rester dedans.» (1)
Qui est Theresa May, la Première ministre britannique?
Toujours sur le journal Le Monde nous lisons:
«Theresa May sait se faire cassante, ce qui lui vaut le surnom de ‘ nouvelle Margaret Thatcher ‘. Le Daily Telegraph, qui la désigne comme la femme politique la plus puissante du pays, estime qu’elle ‘est arrivée au sommet grâce à une détermination féroce ». Si sa grande force de travail est unanimement louée, ce n’est pas le cas de son charisme. Réputée pour son austérité, sa détermination, et désormais pour son habileté politique, Theresa May est souvent comparée à la chancelière Angela Merkel. En plus d’un charisme modéré, elles ont en commun d’être de la même génération, d’être filles de pasteur, peu portées sur les mondanités (…) Elle a d’abord travaillé dans l’économie, par un bref passage à la Banque d’Angleterre. (… ) ». (1)
« En 2002, elle devient la première femme secrétaire générale d’un parti conservateur. Theresa May est connue du public britannique depuis un discours de Congrès prononcé cette année-là en plein blairisme triomphant, où elle mettait en garde les tories, alors très marqués à droite, contre l’image de «parti méchant» qui lui colle à la peau depuis Margaret Thatcher: (…) En 2005, elle prête main-forte à David Cameron dans sa conquête du parti. Lorsqu’il est élu chef du gouvernement en 2010, la carrière de Theresa May décolle: David Cameron la récompense en lui attribuant le portefeuille de ministre de l’Intérieur, un mandat qu’elle conservera lors de la réélection du Premier ministre en 2015.» (2)
«Contrairement à Margaret Thatcher Theresa May se décrit comme le porte-drapeau des Britanniques ordinaires, et affirmait qu’elle était plus à même de les comprendre que l’ancien maire de Londres, Boris Johnson, élève de la prestigieuse école d’Eton est issu de la haute bourgeoisie. Theresa May s’est pourtant spectaculairement dissociée de la «Dame de fer» des années 1980 en défendant l’intervention de l’Etat contre les inégalités sociales et les abus de la finance. «Nous ne croyons pas seulement dans les marchés, mais aussi dans les communautés locales, a-t-elle déclaré. Pas seulement dans l’individualisme, mais dans la société.» (…) Elle s’est targuée d’être la seule candidate capable d’affronter la tâche énorme qui attend le futur Premier ministre britannique. «Un gros travail nous attend: unifier notre parti et le pays, négocier le meilleur accord possible en quittant l’UE et faire en sorte que le Royaume-Uni soit au service de tous», a déclaré Theresa May. (2)
Cela étant l’époque de Margareth Thatcher c’est aussi l’époque de son mentor Ronald Reagan maitre à penser de la guerre contre l’empire du mal symbolisé par l’Empire soviétique mais aussi contre l’Etat au sens large qui doit disparaitre devant le marché et le néolibéralisme triomphant. D’autant que le plus dur a été fait par Margareth Thatcher qui a laminé les classes laborieuses. Nous nous souvenons tous de la grève des mineurs qui a duré plus d’une année et qui a abouti à la disparition des syndicats.
La sortie sans détour de l’Union européenne
Theresa May a prononcé lundi 11 juillet un discours sans équivoque sur la nécessité d’acter au plus vite la rupture entre l’Union et le Royaume-Uni «Brexit signifie Brexit et nous en ferons un succès.» Theresa May a ajouté qu’elle respecterait la victoire des pro-Brexit, laissant peu d’espoir à ceux au Royaume-Uni qui réclament une deuxième consultation sur l’UE. «Je ne saurais être plus claire: il n’y aura pas de tentative pour rester au sein de l’UE. Il n’y aura pas de tentative de la rejoindre par une porte dérobée. Il n’y aura pas de second référendum», a-t-elle déclaré. Sa réputation de dureté fait d’elle une redoutable négociatrice face aux 27 pays de l’UE.»(2)
L’immigration, pierre d’achoppement et de consensus
La Première ministre est d’accord avec les ‘ brexiters ‘ sur un point: l’immigration est au coeur du ‘ non ‘ à l’Europe, pas autre chose. Comment concilier le maintien de l’accès au marché unique avec le contrôle retrouvé sur l’immigration intra-européenne? Ce sera le coeur de la négociation. Beaucoup dépendra de la relation que Mme May va nouer avec une autre grande empirique, la chancelière Angela Merkel. Eurosceptique dans l’âme, Theresa May avait pourtant choisi de rester fidèle au Premier ministre. Elle a toutefois fait le service minimum, défendant même une limitation de l’immigration, thème favori des pro-Brexit
«Theresa May y a officié six ans, soit plus que tous ses prédécesseurs depuis un siècle. La femme politique a marqué son poste en adoptant une ligne très ferme, qu’il s’agisse des délinquants, des immigrés clandestins ou des prêcheurs islamistes. Elle s’est notamment opposée aux quotas de réfugiés proposés par l’Union. Theresa May est également à l’origine de la suppression du regroupement familial pour les étrangers les plus modestes.» (2)
Comme lu sur Jeune Afrique:
«L’augmentation des flux migratoires en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, principalement d’Érythrée et de Syrie, était l’une des préoccupations clés lorsque May se trouvait à la tête du ministère de l’Intérieur. Lors d’un meeting du Parti conservateur en octobre, elle avait à ce propos estimé que l’immigration pesait sur les salaires des travailleurs britanniques et ne profitait en aucun cas à l’économie nationale. «Sans doute Mme May est-elle déterminée à contrer l’idée selon laquelle s’adapter à une ère de migrations de masse serait plus réaliste que de s’y opposer», avance un éditorial du Guardian au sujet de celle qui avait dû essuyer des tirs nourris pour avoir échoué à maintenir le nombre annuel de migrants non-européens en dessous de la barre des 100.000. » (3)
« L’année dernière, ils étaient 330.000. Elle a cependant été critiquée pour son intransigeance, rendant l’obtention du droit d’asile au Royaume-Uni encore plus difficile même pour les personnes fuyant la guerre. Une fois qu’elle aura enclenché le processus de sortie en invoquant l’article 50 du traité de Lisbonne, il lui faudra trouver un point d’équilibre entre marché et immigration. En effet, beaucoup d’entreprises britanniques veulent avoir accès au marché unique. Cependant l’immigration étant devenue l’enjeu central du référendum, une majorité de sujets britanniques n’aspirent pas à ce que les citoyens européens circulent librement dans leur pays. Les négociations devront prendre en compte ces deux positions antagonistes.» (3)
Le racisme: une plaie qui gangrène le Royaume-Uni
Il ne faut pas croire que le racisme est localisé. On a dénombré cinq crimes haineux racistes contre les minorités. Depuis le Brexit, le racisme, les crimes haineux et la violence contre les minorités ont fait un bond après que près de 52% des Britanniques ont voté pour quitter l’Union européenne. Les incidents haineux ont augmenté de 57% en Grande – Bretagne et les crimes haineux contre les musulmans ont augmenté de 326% en 2015.
En fait le racisme peut exister sous forme «civilisée» soit sous forme primaire comme le montre cette contribution:
«Rien de tel qu’une vidéo virale publiée sur les réseaux sociaux, soit quelques jours après le référendum, un esclandre raciste fait écho aux arguments anti-immigration qui truffèrent exagérément la campagne référendaire, la scène se déroule dans un tramway de Manchester. On y voit un homme aux origines assez difficiles à déterminer, mais manifestement identifié comme «africain» par deux jeunes Anglais. Et pleuvent les invectives: «Retourne en Afrique!», «Sois expulsé, t’es un bouffon! Descends du tram, tout de suite!» (…)Est-ce le résultat du référendum, perçu comme une volonté du Royaume-Uni de se recroqueviller sur lui-même, qui a délié la langue de ces passagers haineux? Ils ne se plaignent sans doute guère des peaux d’ébène, lorsque celles-ci permettent d’obtenir des résultats sportifs. La veille de la mise en ligne de la vidéo, l’Angleterre se voyait signifier son «exit», non pas de l’UE, mais de l’Euro de football.» (4)
Sous forme «civilisée» le racisme est assumé par les hommes politiques. Theresa May peut être classée dans la catégorie des faucons:
«Le nouveau ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne a prononcé que l’Afrique serait mieux si elle était encore sous le joug de la Grande-Bretagne et d’autres puissances impérialistes. Elle a voté pour l’invasion anglo-américaine de l’Irak en 2003, pour le déploiement de plus de troupes britanniques en Afghanistan en 2010, la destruction de la Libye en 2011 qui a créé un refuge pour les escadrons de la mort dans la région, et plus récemment pour les frappes aériennes de la RAF sur la Syrie. Elle a nommé le raciste bien connu Boris Johnson comme ministre des Affaires étrangères et Liam Fox comme secrétaire d’Etat pour le Commerce international. » En 2002, le nouveau ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne a déclaré à The Spectator le 2 février que l’Afrique serait mieux si elle était encore sous le joug de la Grande-Bretagne et d’autres puissances impérialistes: «Le meilleur destin pour l’Afrique serait si les anciennes puissances coloniales, ou leurs citoyens, brouillés une fois de plus dans sa direction, étant entendu que cette fois, ils ne seront pas invités à se sentir coupables,» (5)
Alors que rédacteur en chef du Spectator, Boris Johnson a publié un article intitulé «les Noirs ont un QI bas.» Et récemment il fait allusion au fait que Barack Obama avait une «aversion ancestrale» au point de vouloir retirer un buste du héros Winston Churchill du Bureau ovale. Liam Fox cette année a proclamé pour sa part, ‘le Royaume-Uni est l’un des rares pays de l’Union européenne qui n’a pas besoin d’enterrer son histoire du XXe siècle.» Dissimuler l’histoire coloniale est une tradition britannique, confirmant avec arrogance l’Empire en tant que force est toute commune en Grande-Bretagne» (5).
Le commerce et la nouvelle colonisation
Le commerce constitue un autre point clé des relations entre le Royaume-Uni et l’Afrique.
«Theresa May, sur ce sujet, a nommé James Duddridge, membre du gouvernement en charge notamment des relations avec l’Afrique, pour rédiger plusieurs dizaines de nouveaux accords entre le Royaume-Uni et les États africains ainsi que les communautés économiques régionales, ceux-ci ayant été rendus caducs du fait de l’appartenance du pays à l’UE. En raison des complexités et de la juxtaposition de problématiques propres à l’Afrique, le Royaume-Uni, qu’il sorte de l’UE ou qu’il y reste, est appelé à jouer un rôle plus actif sur le continent dans les domaines sécuritaire et militaire», a indiqué Duddridge sur RFI.» (3)
En fait, le continent africain est en face d’une nouvelle invasion coloniale qui sera plus dévastatrice que celle du XIXe siècle. Le nouveau colonialisme est déterminé a piller les ressources de l’Afrique, spécialement dans le domaine de l’énergie et des ressources minérales. Les 101 sociétés contrôlent 1000 milliards de dollars de ressources. Le gouvernement britannique use de son influence pour aider la British Mining dans ses opérations. Le rapport décrit le mode d’emploi des gouvernements qu’ils soient de droite ou de gauche. Un rapport de cette semaine a exploré la vraie nature du XXIe siècle de pillage de la Grande – Bretagne que la presse britannique, la gauche et la droite, ont commodément ignoré.(6)
Quelle est la position de l’Algérie sur le Brexit ?
D’une façon laconique l’Algérie définit sa position en face du Brexit:
«L’Algérie a pris note du choix du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne. L’Algérie oeuvrera à «l’élargissement» et à «l’approfondissement» du partenariat avec le Royaume-Uni, et à donner un «nouvel élan» à l’Accord d’association la liant avec l’Union européenne. Rappelant que l’Algérie «est engagée dans l’édification d’un partenariat bilatéral multiforme et fructueux» avec le Royaume-Uni, le pays «continuera d’oeuvrer à l’élargissement et à l’approfondissement des relations bilatérales dans l’intérêt des deux pays». L’Algérie souhaite que «le processus de retrait effectif du Royaume-Uni puisse avoir lieu dans les meilleures conditions possibles afin d’éviter ou de minimiser, dans un monde globalisé et interdépendant, les turbulences éventuelles consécutivement à ce développement qui affecte la construction européenne.»(7)
Comme langue de bois on ne fait pas mieux! Au lieu de dénoncer l’Accord avec l’Union européenne qui nous a ruinés, et dire clairement que nous avons besoin d’une vraie coopération, pas de pays venant piller des ressources naturelles en les payant au prix qu’il veut – Tous les prix sont fixés à la City, même le Brent- nous on continue les salamalecs. Il y a lieu d’être plus pugnaces et plus réactifs. Le monde a profondément changé, et la citation de Churchill est d’une brûlante actualité . Les adversaires d’hier sont les amis d’aujourd’hui
Conclusion
Autre temps autres mœurs. Bien que souverainiste et conservatrice, Theresa May n’a pas les moyens de sa politique. Elle aura à gérer une transition pour la sortie en douceur de l’Europe tout en y conservant l’essentiel : le commerce et en se délestant de tout ce qui est contrainte. Politique agricole commune, aide aux anciens pays de l’est et surtout refus de l’immigration qui sera contrôlée au compte goutte.
François Hollande a beau menacer et exiger une sortie immédiate de la Grande Bretagne. Merkel en a décidé autrement, Théresa prendra le temps qu’il faut pour faire en sorte que ses intérêts ne soient pas lésés et surtout pour rassurer la City..
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
2.http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2016/07/12/cinq-questions-sur-theresa-may-la-future-premiere-ministre britannique_ 4968562 _4872498.html#tIkgM3z2MJRpZw5G.99
7.http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/96090
Article de référence :