Tokyo veut redevenir une grande puissance militaire

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Force coloniale agressive, coupable d’atrocités contre l’humanité en Chine et en Corée, le Japon a été contraint après la Seconde Guerre mondiale d’adopter une constitution antimilitariste. Mais depuis la chute de l’Union Soviétique, les gouvernements japonais successifs ont cherché à se débarrasser de ces restrictions militaires. Ils ont mené à ce propos une politique dite « par étapes progressives ». Depuis 1992, plus de vingt amendements importants ont été apportés, transformant le concept de « défense défensive » en ce qu’ils considèrent être une « défense normale », dont les opérations militaires d’outre-mer font partie intégrante.

Après des années de discussion, le parlement japonais a finalement décidé en décembre dernier de modifier le nom de « l’Agence de Défense » rebaptisé « ministère de la Défense »1. Avant cela, le Japon possédait déjà, avec ses 50 milliards de dollars par an, un des budgets militaires les plus importants au monde. Sur le budget militaire mondial, les états-Unis représentent la moitié, suivi du Royaume Uni, de la France, du Japon et de la Chine avec chacun 5 %. Les forces d’autodéfense du Japon sont constituées de 240 000 « civils de défense » que l’on appellera bientôt tout simplement des militaires. Les forces navales japonaises comptent parmi les plus modernes au monde. Les forces aériennes sont moins puissantes mais travaillent depuis peu en collaboration avec les états-Unis pour développer des systèmes de missiles sur de courtes, moyennes et longues distances, avec la possibilité de monter des têtes nucléaires2.

Mais le Japon en veut plus. Le nouveau Premier ministre Shinzo Abe est fermement décidé à offrir à son pays un rôle plus actif sur la scène internationale3. Le pays a également voté une loi qui rend obligatoires des cours de « patriotisme » à l’école. Ces deux décisions rappellent inévitablement le Japon agressif de la première moitié du siècle dernier.

Le Premier ministre Abe voudrait également que le Japon participe davantage aux opérations militaires d’outre-mer. L’armée japonaise est, depuis quelques années déjà, impliquée dans l’occupation de l’Irak. Lors de sa visite au siège des Nations Unies à Bruxelles, vers le milieu du mois de janvier, Abe a déclaré que le Japon était disposé à « assister l’OTAN dans la reconstruction de l’Afghanistan »4.

Les tentatives japonaises de reprendre progressivement une position de grande puissance régionale sont encouragées par les États-Unis qui poussent ce pays à balayer le pacifisme constitutionnel. La politique de sécurité nationale de Bush considère en effet le Japon comme un allié dans ses efforts pour dominer le monde5.

Depuis les années 1950, les États-Unis ont établi 91 bases militaires sur le territoire japonais et l’île d’Okinawa. Le Japon subsidie les bases américaines et entretient l’illusion qu’elles sont là pour défendre le pays. Les États-Unis insistent à présent pour que le Japon se charge de diverses tâches régionales6. L’objectif étant de faire du Japon une sorte de « Grande-Bretagne de l’Extrême Orient », un allié sur lequel ils pourraient toujours compter pour assurer leur suprématie régionale.

Les États-Unis voudraient également que le Japon soit activement impliqué dans le développement de leur nouveau système de missiles. Pour cela, le Japon doit lever l’interdiction d’exportation de leur technologie militaire de sorte que les ingénieurs japonais puissent les aider à résoudre les problèmes techniques que rencontre leur programme StarWars peu fructueux. Les Américains ont aussi proposé au Japon d’introduire sur son territoire, dans le cadre de sa collaboration avec les États-Unis, des armes nucléaires.

Cette collaboration et intégration très poussées entre les Américains et les Japonais renforcent la Chine dans sa conviction que ces deux grandes puissances constituent une menace de plus en plus sérieuse7.

Notes

1 BBC-news, Japan upgrades defence’s status. 15 décembre 2006.
2 http://www.cfr.org
3 De Standaard, 11 janvier 2007.
4 NRC-handelsblad, 24 janvier 2007.
5 New York Times, 20 septembre 2002.
6 http://www.cfr.org
7 http://www.japanfocus.org



Articles Par : Pol De Vos

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