Trudeau aligne le Canada derrière l’effort de guerre de Trump contre l’Iran

Le premier ministre canadien Justin Trudeau et son gouvernement libéral ont déclaré leur solidarité sans réserve avec l’impérialisme américain dans sa campagne d’agression et ses préparatifs de guerre contre l’Iran. Lors d’une visite à la Maison-Blanche jeudi, le même jour où des avions de chasse sont passés à quelques minutes près de lancer une frappe dévastatrice contre ce pays de plus de 80 millions d’habitants, Trudeau a dépeint l’Iran comme l’«agresseur».

«De toute évidence, nous sommes très préoccupés par l’intensification récente du conflit par l’Iran», a déclaré M. Trudeau lors d’une conférence de presse conjointe avec le président américain Donald Trump. «Nous avons une présence significative dans la région, notamment en dirigeant la mission de l’OTAN à Bagdad en Irak.»

Après treize mois de multiplication des provocations américaines contre l’Iran, à commencer par l’abrogation unilatérale par Trump, en mai 2018, de l’accord nucléaire iranien de 2015, les commentaires de Trudeau sont manifestement absurdes.

Dans ce qui équivaut à un acte de guerre, Washington a imposé à l’Iran des sanctions économiques généralisées, dans le but de l’exclure du système financier mondial, de bloquer toutes ses exportations d’énergie et de détruire son économie. Pour poursuivre sa campagne de «pression maximum» sur l’Iran, Washington arme l’Arabie saoudite et Israël jusqu’aux dents et, ces dernières semaines, a déployé des troupes et des armes supplémentaires dans la région. Il s’agit notamment d’un groupement tactique de porte-avions et d’une force de frappe de bombardiers B-52 à capacité nucléaire.

Alors même que Trudeau se tenait littéralement et au sens figuré aux côtés de Trump dans la campagne d’agression criminelle américaine contre l’Iran, les avions de guerre américains étaient, sur ordre du président, prêts à attaquer l’Iran, qui a abattu jeudi dernier un drone de surveillance américain sans pilote qui avait pénétré l’espace aérien iranien.

L’ordre d’attaque aurait été annulé quelques minutes seulement avant que les bombes américaines ne pleuvent sur l’Iran, apparemment parce que le Pentagone a persuadé Trump que des préparatifs politiques, diplomatiques et surtout militaires supplémentaires sont nécessaires avant de lancer une guerre totale avec l’Iran.

Les commentaires de Trudeau à la Maison-Blanche sont une déclaration explicite que lorsque l’impérialisme américain décidera de lancer une attaque militaire contre l’Iran, l’impérialisme canadien sera aux côtés de son «plus proche allié». Comme le premier ministre l’a reconnu, un nombre important de soldats canadiens sont déjà déployés dans la région, y compris ceux qui dirigent la mission de l’OTAN à Bagdad pour former les troupes irakiennes. Ce qui est moins bien connu c’est qu’un contingent de cadres supérieurs des Forces armées canadiennes a été déployé au Moyen-Orient pour assister le Pentagone en matière de planification stratégique et de logistique.

L’armée et le gouvernement du Canada sont donc intimement familiers avec la campagne de menaces et de provocations militaires que l’impérialisme américain mène contre l’Iran, ses alliés syriens, et d’autres alliés – des provocations qui menacent de plonger tout le Moyen-Orient dans un bain de sang.

L’appui de Trudeau à l’effort de guerre américain contraste fortement avec la réaction des puissances impérialistes européennes, qui, à l’exception de la Grande-Bretagne, ont pris leurs distances par rapport aux propos de Trump sur la guerre contre l’Iran. Dans le dernier exemple en date, la France et l’Allemagne ont publiquement contesté l’affirmation totalement infondée de Washington selon laquelle les forces iraniennes étaient responsables de l’attaque de deux pétroliers dans le détroit d’Ormuz au début du mois. Ces critiques ne sont pas motivées par un engagement en faveur de la paix. Ils sont plutôt liés au fait que l’impérialisme allemand et français considère les États-Unis comme un concurrent direct pour exercer une influence sur la plus importante région exportatrice de pétrole du monde.

Jusqu’aux remarques de Trudeau à la Maison-Blanche, le Canada, pour sa part, avait gardé un silence remarquable sur les actions provocatrices de l’administration Trump contre l’Iran. Il s’agit d’un cas où l’on peut dire sans crainte de se tromper que le silence dénote le consentement.

À la poursuite de ses propres intérêts et ambitions prédateurs, l’impérialisme canadien s’est allié de plus en plus profondément à la volonté de Washington d’affirmer son hégémonie débridée sur le Moyen-Orient. Les troupes canadiennes ont joué un rôle décisif dans l’occupation néocoloniale de l’Afghanistan pendant une décennie; elles se sont jointes au bombardement de la Libye par les États-Unis en 2011; et elles opèrent en Irak et en Syrie depuis que les avions de combat américains ont commencé leurs frappes aériennes sanglantes en 2014, apparemment pour combattre les terroristes de l’ÉI.

Bien que les Forces spéciales canadiennes déployées en Irak aient été officiellement qualifiées de «conseillers» pour éviter de déclencher l’opposition populaire, elles ont en fait joué un rôle sur la ligne de front, notamment lors de l’attaque sur la ville de Mossoul, où des milliers de civils ont été tués par des bombes américaines.

Le gouvernement Trudeau a suivi les traces de son prédécesseur conservateur en intégrant les Forces armées canadiennes (FAC) à la machine de guerre américaine dans le monde entier. En Europe de l’Est, elle a prolongé jusqu’en 2022 le déploiement des FAC en Ukraine, où les troupes canadiennes entraînent l’armée ukrainienne pour, selon les mots de Trudeau, «libérer» la Crimée de la Russie. Les troupes canadiennes dirigent également l’un des quatre nouveaux bataillons «de front» déployés par l’OTAN le long de la frontière occidentale de la Russie en Pologne et dans les États baltes.

Dans la région Asie-Pacifique, les FAC maintiennent un accord de partage d’information et de logistique avec l’armée américaine depuis 2013, ce qui a permis à la marine canadienne d’être intégrée dans le renforcement militaire américain contre la Chine. Les navires de guerre canadiens se sont joints à leurs homologues américains dans des exercices provocateurs de «liberté de navigation» en mer de Chine méridionale et dans d’autres régions voisines.

Alors que Trudeau rencontrait Trump jeudi, Taïwan a annoncé qu’un navire de guerre et d’approvisionnement canadien avait traversé le détroit de Taïwan dans le cadre de ce qu’il a présenté comme une mission anti-Chine de «liberté de navigation». Ottawa s’est jusqu’à présent abstenu d’utiliser ce terme pour décrire les actions de la marine dans le détroit de Taïwan. Mais leur signification n’a pas échappé à personne. Ils font «partie de la nouvelle position du Canada à l’égard de la Chine», a déclaré Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, au Globe and Mail.

Trudeau a longuement discuté de la Chine avec Trump lors de sa visite à la Maison-Blanche jeudi, et c’est le sujet qui a dominé la couverture médiatique de la réunion par les grands médias.

Au cours de leurs entretiens, Trump s’est engagé à discuter avec le président chinois Xi Jinping du sort de Michael Kovrig et Michael Spavor, les deux Canadiens que la Chine a détenus en représailles de l’enlèvement par Ottawa de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou. Les autorités canadiennes ont saisi Meng à Vancouver en décembre dernier à la demande des États-Unis, qui ont porté de fausses accusations contre elle pour avoir prétendument violé les sanctions américaines contre l’Iran.

L’arrestation de Meng s’inscrit dans le cadre d’une campagne américaine visant à détruire Huawei et, plus largement, à empêcher la Chine de devenir un rival dans les réseaux 5G et d’autres technologies de pointe, de manière à maintenir sa domination mondiale.

La veille de sa rencontre à la Maison-Blanche avec Trump, Trudeau a signalé que son gouvernement appuyait Washington dans sa guerre commerciale avec la Chine. Une fois de plus, Trudeau dépeint la Chine comme l’anomalie qui menace l’ordre économique international «libéral» et promet qu’Ottawa se coordonnera avec Washington pour affronter Beijing lors de la réunion du G-20 qui se tiendra au Japon plus tard ce mois-ci.

En fait, ce sont les États-Unis qui mènent un tournant mondial vers le protectionnisme et le nationalisme économique qui jettent les bases pour la guerre, tout comme ils l’ont fait dans les années 1930.

Le fait que l’alliance anti-Chine de Washington et d’Ottawa mène dans la direction d’un conflit militaire a été souligné par l’annonce de Trudeau que les deux alliés approfondissent leur coopération pour assurer l’accès aux métaux rares. «Une chose dont le président et moi avons discuté au cours de notre réunion a été la nécessité d’améliorer notre sécurité minière collective», a déclaré Trudeau lors de la conférence de presse de jeudi. «Nous avons convenu d’assurer la compétitivité future de nos industries minières et la sûreté et la sécurité de nos chaînes d’approvisionnement.»

En d’autres termes, le Canada et les États-Unis prennent des mesures pratiques pour se préparer à un moment où il sera impossible de dépendre des approvisionnements critiques en minéraux de la Chine, c’est-à-dire à un effondrement des liens commerciaux ou à une guerre, ce qui serait catastrophique pour des centaines de millions de personnes en Amérique du Nord, en Chine et dans le monde.

Roger Jordan

 

Article paru en anglais, WSWS, le 22 juin 2019



Articles Par : Roger Jordan

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