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Trump : l’annonce d’un nouveau programme de défense antimissile, accélère la course aux armements nucléaires
Par Andre Damon
Mondialisation.ca, 21 janvier 2019
wsws.org 19 janvier 2019
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S’exprimant jeudi au Pentagone, le président Donald Trump a annoncé la plus grande expansion des forces de défense antimissile américaines depuis l’échec du programme « Star Wars » (Guerre des étoiles) de Ronald Reagan.

Cette annonce est la dernière étape d’une course mondiale aux armements nucléaires où les États-Unis, la Russie et la Chine augmentent rapidement leurs arsenaux nucléaires, alors même que l’administration Trump s’apprête à lever toutes les restrictions sur le développement, le déploiement et l’utilisation des armes nucléaires.

Trump a accéléré un programme de modernisation nucléaire de mille milliards de dollars mis en place sous Obama, tout en accélérant le développement de nouveaux bombardiers stratégiques américains, de sous-marins nucléaires et d’armes nucléaires « à faible puissance » qui sont plus susceptibles d’être utilisées au combat.

En même temps, la Maison-Blanche a annoncé l’intention des États-Unis de se retirer du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) de 1987 alors qu’ils se préparent à cerner la Russie et la Chine de missiles nucléaires et classiques à courte et moyenne portée.

Le Système de défense Utskyting av à mi-parcours au sol, 26 janvier 2013 (photo: MDA)

Alors que la stratégie américaine de défense antimissile prétendait auparavant être une défense contre les actions des petits États comme la Corée du Nord et l’Iran, l’examen de cette année de la défense antimissile cible plus directement la Russie et la Chine. Comme l’a écrit le groupe de réflexion du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) : « Pour la première fois, le document met la Russie et la Chine dans la même phrase que les défenses antimissiles, rendant explicite ce qui a été implicite jusqu’ici. »

S’exprimant jeudi au Pentagone, M. Trump a déclaré que « les adversaires, les concurrents et les régimes voyous étrangers améliorent constamment leurs arsenaux de missiles… Leurs arsenaux sont de plus en plus importants et puissants. »

Les remarques de M. Trump font écho aux thèmes du rapport du Pentagone qu’il présentait. « La supériorité militaire n’est pas un droit de naissance », affirme le rapport. « Il ne faut pas sous-estimer l’ampleur et l’urgence des changements nécessaires pour renouveler notre supériorité en matière de défense conventionnelle et antimissile. »

Le rapport poursuit en menaçant : « À nos concurrents : Nous voyons ce que vous faites et nous agissons. »

Le Congrès a approuvé 10,3 milliards de dollars pour l’agence américaine de défense antimissile au cours du présent exercice, un chiffre qui devrait monter en flèche si les plans de Trump sont mis en œuvre.

Lors de sa comparution au Pentagone, Trump n’a pas tenté de cacher le fait qu’il utilisait la perspective de milliards de dollars de financement militaire supplémentaire pour solliciter un soutien politique. Répondant aux applaudissements alors qu’il montait sur le podium, Trump a déclaré à l’auditoire de militaires : « Vous ne faites cela que parce que je vous ai donné le budget le plus important de notre histoire. Et je l’ai fait deux fois. Et ça m’embête de le dire au reste du monde, mais je vais le faire trois fois. C’est la seule raison pour laquelle vous m’avez accueilli si gentiment. »

Malgré l’amère guerre entre factions à Washington, il existe un accord bipartite écrasant sur l’expansion vaste et perpétuelle de l’armée. En juin dernier, le Sénat a approuvé, par 85 voix contre 10, une augmentation de 82 milliards de dollars du budget du Pentagone, portant les dépenses annuelles à 716 milliards. Les niveaux colossaux des dépenses militaires ne sont presque jamais discutés dans les médias et l’argent est alloué sans question.

Le détournement de fonds vers les crédits militaires et les poches des industriels de la défense est encore plus éhonté dans le domaine de la défense antimissile que dans d’autres types de dépenses militaires, car l’efficacité de la défense antimissile est, selon les experts, largement illusoire.

La défense antimissile est « l’escroquerie la plus ancienne de l’histoire du département de la défense », a écrit Joseph Cirincione, président du Ploughshares Fund, et « le nouveau rapport annuel sur la défense antimissile poursuit cette fière tradition. »

Depuis que le président Reagan a annoncé pour la première fois son projet « Star Wars », les États-Unis ont dépensé quelque 300 milliards de dollars en systèmes de défense antimissiles. Cirincione a observé qu’« une décennie après le début de la Guerre des étoiles, après avoir dépensé des dizaines de milliards de dollars en lasers à rayons X, armes à énergie dirigée, armes à faisceau de particules, intercepteurs kinétiques basés dans l’espace et « brillant pebbles » [galets brillants – un concept finalement abandonné de milliers de petits missiles autonomes en orbite au-dessus de la Russie qui intercepteraient les missiles nucléaires dès leur lancement], le Pentagone a été forcé de conclure qu’aucun de ces concepts fantaisistes ne fonctionnerait. Nous nous sommes retrouvés avec un concept d’intercepteurs terrestres limités, capables d’intercepter une ou deux ogives primitives de longue portée. »

Mais l’efficacité extrêmement limitée des systèmes de défense antimissile américains n’a pas empêché Trump de faire de grandes déclarations sur les capacités américaines. « Notre objectif est simple : faire en sorte que nous puissions détecter et détruire tout missile lancé contre les États-Unis n’importe où, n’importe quand et à n’importe quel endroit », a-t-il dit.

« Nous détruirons tout type d’attaque de missile contre toute cible américaine, que ce soit avant ou après le lancement », a-t-il ajouté.

En réalité, les défenses antimissiles américaines actuelles ne sont pas capables de détruire de manière fiable les ICBM (missiles balistiques intercontinentaux) modernes possédés par la Russie ou la Chine, encore moins la nouvelle génération de véhicules de rentrée hypersoniques que les deux pays sont en train de déployer.

Les déclarations de Trump reflètent les deux caractéristiques les plus essentielles de la politique militaire américaine depuis la chute de l’Union soviétique : un orgueil sans bornes, souvent illusoire, et un manque total de retenue. Compte tenu de la série de chèques en blanc que le Congrès continue de signer, il est probable que l’annonce de Trump sera le début d’un nouveau grand projet de type « Star Wars » complètement inutile mais fournissant des centaines de milliards de dollars de plus pour des propositions fantaisistes.

Cependant, l’efficacité douteuse de ces initiatives n’en diminue pas moins leurs implications mortelles. L’ensemble du programme s’inscrit dans le cadre de l’accélération des préparatifs en vue d’une guerre nucléaire, dans laquelle l’impérialisme américain se prépare à utiliser des armes nucléaires de manière offensive.

Malgré tout l’argent que le nouveau système de défense antimissiles de Trump consommera, le principal mécanisme pour s’assurer qu’aucun missile n’atteindra les États-Unis en cas de guerre est la menace de détruire le territoire entier d’un adversaire potentiel avec des armes nucléaires. « Les États-Unis continueront de compter sur la dissuasion nucléaire pour les attaques nucléaires stratégiques des grandes puissances », déclare le CSIS.

L’objectif central de la Nuclear Posture Review (Revue de la position nucléaire) de l’administration Trump, publiée l’année dernière, était de décomplexer l’utilisation des armes nucléaires en élargissant l’éventail des scénarios possibles où le président pourrait réagir par une frappe nucléaire.

Comme de nombreuses études l’ont clairement montré, un échange nucléaire entre les États-Unis et la Russie ou entre les États-Unis et la Chine, au-delà d’un bilan initial de centaines de millions de morts, entraînerait un phénomène climatologique appelé un hiver nucléaire, entraînant une baisse durable des températures mondiales qui rendrait l’agriculture impossible et détruirait toute l’espèce humaine.

Andre Damon

Article paru en anglais, WSWS, le 19 janvier 2019

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