Trump menace maintenant le Panama, son « néo-monroeisme » pourrait mettre le feu aux Amériques

Ce lundi, en réponse aux menaces de Trump, la Chine a exprimé son soutien à la souveraineté du Panama à propos du canal de Panama. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a déclaré que le canal de Panama, une « voie navigable dorée pour la connexion entre les pays » est « une grande création du peuple panaméen », et que « la Chine a toujours soutenu le peuple du Panama dans sa juste cause de souveraineté sur le canal ». Elle a ajouté que le canal devrait rester une « voie navigable internationale neutre en permanence ».

La semaine dernière, le président élu Donald Trump a déclaré que le canal était un « atout national vital » pour les États-Unis et a menacé de réaffirmer le contrôle étasunien sur celui-ci. Le président panaméen Jose Raul Mulino a répondu fermement, en disant : « En tant que président, je veux exprimer précisément que chaque mètre carré du canal de Panama et de sa zone adjacente appartient au Panama et le restera. La souveraineté et l’indépendance de notre pays ne sont pas négociables. » Il a ajouté : « Le canal n’est sous contrôle direct ou indirect, ni par la Chine, ni par la communauté européenne, ni par les États-Unis, ni par aucune autre puissance. En tant que Panaméen, je rejette fermement toute manifestation qui déforme cette réalité. »

Trump affirme que le Panama facture des « prix exorbitants » aux navires américains auxquels Mulino a répondu en déclarant que les tarifs d’utilisation du canal sont établis de manière publique, « lors d’une audience ouverte, compte tenu des conditions du marché, de la concurrence internationale, des coûts d’exploitation et des besoins d’entretien et de modernisation de la route interocéanique ». Comme c’est le cas avec les plaintes concernant les frais des membres de l’OTAN et les problèmes frontaliers du Canada, cela semble être un autre exemple de Trump utilisant une rhétorique extrêmement agressive afin de faire des pressions menaçantes sur d’autres États pour qu’ils fassent des concessions ou « se plient » aux intérêts et aux demandes des États-Unis.

Le canal a été décrit comme une voie maritime, reliant les océans Pacifique et Atlantique. Le Panama a obtenu son indépendance de la Colombie en 1903 et a longtemps été la cible d’interventions étasuniennes pour assurer le contrôle des États-Unis sur la soi-disant zone du canal. Ce n’est qu’en septembre 1977 que les traités Torrijos-Carter ont été signés, déterminant ainsi que le 3 décembre 1999, le canal serait rendu sous contrôle panaméen.

Il ne faut pas oublier que la Colombie (un allié très proche des États-Unis) avait autrefois le contrôle du canal et qu’elle l’a perdu après que Washington a soutenu les séparatistes qui se sont séparés de la Colombie pour créer l’État indépendant du Panama. Il s’agissait d’une sorte de manœuvre géopolitique visant à faciliter l’ingérence de Washington dans le nouvel État, plus faible. La mémoire nationale colombienne lui en veut encore aujourd’hui, et la présidence actuelle, malgré son amitié avec les États-Unis, semble n’avoir aucun scrupule à renforcer sa coopération avec la Chine.

Par exemple, avec l’initiative de la « Ceinture et de la Route » [« Belt and Road »], Pékin a prévu de relier les côtes de l’Atlantique et du Pacifique, ce qui pourrait être un développement qui change la donne avec des effets mondiaux qui vont bien au-delà de la stimulation du flux de marchandises entre les continents d’Amérique latine et d’Asie.

Nadia Helmy, chercheuse principale invitée au Centre d’études du Moyen-Orient (Université de Lund, Suède) et directrice de l’Unité d’études sur l’Asie du Sud et de l’Est, a écrit en 2023 que le président colombien Gustavo Petro était en pourparlers avec la Chine pour créer « une alternative au canal de Panama ». Cela pourrait impliquer un « canal sec » par lequel le port colombien de Buenaventura serait relié aux côtes de l’Atlantique (Barranquilla) au moyen d’un chemin de fer traversant le pays. Petro a en fait souligné l’intérêt de la Colombie à faire avancer de tels projets peu après les élections de décembre 2022.

Jusqu’à présent, il est difficile de dire à quel point il est probable que de tels plans puissent se concrétiser même à long terme. En tout cas, dans ce jeu complexe, tout en soutenant la souveraineté du Panama sur le canal existant contre les menaces américaines, la Chine (et la Colombie, d’ailleurs), pourraient également avoir leurs propres plans alternatifs – qui ne manqueront pas de déplaire à la fois au Panama lui-même et aux États-Unis.

Il y a environ quatre ans, j’ai écrit sur la façon dont la présence chinoise dans les Caraïbes au milieu de la nouvelle guerre froide menaçait la domination américaine dans la région et pouvait s’étendre à l’Amérique latine en général. L’influence diplomatique, commerciale et militaire chinoise sur le continent a en effet fait boule de neige, comme je l’ai écrit l’année dernière. Bien sûr, Washington conserve toujours sa position hégémonique dans les Amériques, mais elle est visiblement en déclin. Ainsi, les menaces stridentes de Trump sont également un signe de faiblesse.

Avec le style hyperbolique de Trump, ses menaces ne devraient pas toujours être prises pour argent comptant.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les considérer comme de la « simple » rhétorique. En politique, parler c’est agir et c’est un outil pour exercer des pressions et augmenter les tensions.

Prenez les « menaces » de Trump contre l’OTAN, par exemple : si elles sont prises au pied de la lettre, pour ceux d’une position « occidentale » hystérique, elles signifient « isolationnisme » et donc la fin de l’Alliance et les problèmes pour l’Europe dans un scénario apocalyptique. Alors que pour ceux d’une position anti-impérialiste plutôt naïve, ils sont plutôt la promesse d’un nouveau monde multipolaire pacifique sans OTAN. En réalité, comme je l’ai écrit, il s’agit plutôt de transférer davantage les « fardeaux » de l’OTAN sur les partenaires européens et de renforce [proxifying] davantage la guerre d’usure par procuration menée par les États-Unis contre la Russie en transformant le bloc européen en un véritable mandataire étasunien.

Une chose similaire se produit en ce qui concerne le néo-monroeisme de Trump. Plutôt que de simplement se retirer des échecs géopolitiques mondiaux plus larges pour se concentrer sur le continent américain ; il s’agit, plus probablement, de ramener davantage la concurrence des grandes puissances aux États-Unis et ainsi de faire de l’Amérique latine la scène de ce différend géopolitique.

En d’autres termes, il ne s’agit pas de projeter le pouvoir au niveau régional sur le continent ou d’être engagé à travers l’Atlantique et le Pacifique : selon toute vraisemblance, ce sera l’un plus l’autre, plutôt que l’un ou l’autre. Les menaces de Trump contre le Groenland le démontrent clairement, d’ailleurs.

Avec les plans d’intervention de Trump pour le Mexique, ainsi que ses attaques verbales contre le Canada et le Panama, il est assez clair que, bien que Trump soit apparemment un peu plus disposé à discuter d’un plan de paix pour l’Ukraine par exemple, les États-Unis pendant sa présidence resteront néanmoins un centre de gravité pour augmenter les tensions régionales et mondiales, comme cela a été le cas avec tous ses prédécesseurs au cours des dernières décennies.

Uriel Araujo

 

Article original en anglais :

Trump Now Threatening Panama, His “Neo-Monroeism” Might Set Americas Ablaze

Cet article en anglais a été publié. initialement sur le site InfoBrics.

Traduit par Maya pour Mondialisation.ca

Image en vedette : InfoBrics

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Uriel Araujo est un chercheur spécialisé dans les conflits internationaux et ethniques. Il contribue régulièrement à Global Research et Mondialisation.ca.


Articles Par : Uriel Araujo

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