Trump se félicite de la «déclaration pour la paix» sur la péninsule coréenne

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Les discussions chorégraphiées vendredi entre le président nord-coréen Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in se sont conclues par la publication d’une « déclaration commune pour la paix, la prospérité et l’unification de la péninsule coréenne ».

Le document décrit les accords visant à mettre un terme aux «actes hostiles» des uns contre les autres et à atténuer les «tensions militaires», à organiser des réunions des familles séparées entre les deux pays, et des échanges culturels; à rétablir les liaisons ferroviaires et routières; à tenter de parvenir à un traité pour mettre officiellement fin à la guerre de Corée des années 1950-1953; et, le plus soigneusement formulé, réaliser « par dénucléarisation complète, une péninsule coréenne sans nucléaire ».

Les pourparlers ont été provoqués par les menaces du gouvernement Trump de « détruire totalement » la Corée du Nord, combinées à des sanctions sévères qui ont encore plus paralysé l’économie déjà en crise du pays. Le régime militaire dirigé par Kim Jong-un cherche un compromis avec l’impérialisme américain qui garantisse sa survie et protège la richesse et les privilèges de la clique au pouvoir à Pyongyang. La classe capitaliste sud-coréenne veut également un arrangement qui évite une guerre catastrophique sur la péninsule et ouvre, pour l’investissement et l’exploitation, les ressources de la Corée du Nord, sa main-d’œuvre bon marché et ses réseaux de transport.

Le contenu de la déclaration d’hier aurait certainement été approuvé par Mike Pompeo, aujourd’hui secrétaire d’État de Trump, lors de sa visite secrète en Corée du Nord à Pâques. Sa clause la plus importante a déclaré: « La Corée du Sud et la Corée du Nord se sont accordés sur l’idée que les mesures initiées par la Corée du Nord sont très significatives et cruciales pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne ».

La condition imposée par le gouvernement Trump à une réunion entre Trump et Kim Jong-un était des mesures « significatives » de la Corée du Nord vers une « dénucléarisation complète et vérifiable ». Jusqu’ici, le régime de Pyongyang a annoncé la suspension de tout essais nucléaire et de missiles à longue portée. Il l’a fait, cependant, au motif que les essais n’étaient plus nécessaires puisque ses missiles à armement nucléaire sont maintenant opérationnels. Il ne s’est pas engagé à démanteler son petit arsenal nucléaire ni à permettre aux inspecteurs internationaux d’avoir accès à ses installations militaires et scientifiques.

Néanmoins, les pourparlers coréens et le langage de la déclaration ont été suivis de déclarations de Trump et Pompeo indiquant que la préparation d’un sommet Trump-Kim se poursuivra. Trump a salué la déclaration d’une manière typiquement inepte, avec un tweet proclamant « GUERRE DE CORÉE VA PRENDRE FIN ! »

Le changement politique en à peine deux mois – des menaces inquiétantes d’une attaque massive des États-Unis contre la Corée du Nord aux dirigeants coréens se serrant les mains et se donnant des accolades – donne une mesure de l’instabilité engendrée par les tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine.

Pour Beijing, l’État hautement militarisé en Corée du Nord sert des objectifs précis. Depuis 1953, il a servi de tampon entre les frontières nord de la Chine et les forces américaines en Corée du Sud et au Japon, tout en les menaçant en permanence.

L’objectif primordial de l’impérialisme américain est de saper la position stratégique et militaire de la Chine, qui a été désignée dans le document de stratégie de sécurité nationale de janvier 2018 comme le principal concurrent mondial de «grande puissance» de Washington. L’ambition des gouvernements successifs a été, que ce soit par la guerre ou par une entente avec le régime, d’attirer la Corée du Nord dans la sphère d’influence américaine.

Depuis 2009, les essais nucléaires de la Corée du Nord et le développement d’un petit arsenal d’armes nucléaires ont servi de prétexte à l’intensification des pressions sur Pyongyang et au renforcement des forces militaires américaines dans la région. Les États-Unis ont déployé certains de leurs avions les plus sophistiqués et des systèmes antimissiles avancés en Corée du Sud et au Japon, qui sont principalement destinés à être utilisés dans une guerre avec la Chine. La «menace» posée par la Corée du Nord a également été utilisée au Japon pour justifier des augmentations majeures des dépenses militaires et pour répudier les obstacles constitutionnels au déploiement par le gouvernement japonais de ses forces armées dans les zones de guerre.

L’escalade de la rhétorique et des sanctions contre la Corée du Nord sous l’administration Trump a été une composante de l’escalade générale des tensions avec la Chine, dont des décisions de guerres commerciales ouvertes et des mises en cause renouvelées des prétentions territoriales chinoises en mer de Chine méridionale.

Dans ce contexte, la Chine a, pour ses propres raisons, exercé sa propre pression sur la Corée du Nord pour qu’elle cesse ses essais nucléaires et de missiles et qu’elle se plie à l’exigence de dénucléarisation. Elle a imposé les sanctions, provoquant un effondrement des exportations nord-coréennes. En conséquence, un désaccord ouvert s’est développé entre Beijing et Pyongyang.

L’issue du dialogue engagé par la Corée du Nord avec la Corée du Sud et les États-Unis est très incertaine. Il ne fait aucun doute que le régime de Kim Jong-un subira des pressions considérables de la part de Beijing pour ne pas conclure d’accords préjudiciables aux intérêts stratégiques chinois. En même temps, l’élite dirigeante nord-coréenne se voit offrir un moyen d’assurer sa survie et d’avoir accès à des investissements à grande échelle et à des retombées financières de la classe capitaliste sud-coréenne, à condition qu’elle réponde aux exigences américaines.

La «réunification» ne signifie pas l’abolition de la frontière entre le nord et le sud. La «politique du rayon de soleil» formulée en Corée du Sud au cours des années 1990 était une variante du modèle «un pays, deux systèmes» de la Chine. L’État policier nord-coréen resterait intact pour réprimer la classe ouvrière nord-coréenne, qui serait empêchée d’aller dans le sud et mise à la disposition des entreprises sud-coréennes comme une main d’œuvre bon marché. L’appareil militaire nord-coréen serait incorporé dans l’alliance américano-sud-coréenne et redéployé à la frontière du nord pour menacer la Chine.

Un aspect de la déclaration coréenne qui aurait alarmé Beijing est la partie du document traitant de la signature d’un traité de paix officiel. Il a déclaré que les Corées organiseraient activement une réunion avec les États-Unis en vue d’une telle éventualité, ou une réunion avec les États-Unis et la Chine. En d’autres termes, un signal a été envoyé par Pyongyang qu’un accord pourrait être conclu sans participation chinoise.

Le plus grand obstacle à un rapprochement est l’arsenal nucléaire de la Corée du Nord. Le gouvernement Trump a engagé sa crédibilité interne sur sa prétention qu’il va arracher un accord à Pyongyang pour le démanteler. Alors qu’un processus de «dénucléarisation» pourrait s’étendre sur de nombreuses années, une forme d’arrangement a été établie par les États-Unis comme condition préalable à la paix.

Lors d’une conférence de presse conjointe hier avec la chancelière allemande Angela Merkel, Trump a affirmé: « Nous ne répéterons pas les erreurs des administrations antérieures. La pression maximale continuera jusqu’à ce que la dénucléarisation s’effectue. » A plusieurs reprises au cours des dernières semaines, Trump a déclaré que les États-Unis « quitteront les pourparlers » avec la Corée du Nord si ses exigences ne sont pas satisfaites.

Dans une allusion ouverte au fait que son gouvernement pourrait revenir à sa menace de «détruire totalement» la Corée du Nord, Trump a déclaré lors de la conférence de presse: «Nous organisons des réunions maintenant. J’ai la responsabilité de voir si je peux y arriver [à la dénucléarisation]. Si je ne peux pas, ce sera une période très difficile pour beaucoup de pays et beaucoup de gens. »

James Cogan

 

Article paru en anglais, WSWS, le 28 avril 2018



Articles Par : James Cogan

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