Tuer avec un joystick , à 12.000 kilomètres de distance

« L’aviation étasunienne effectue chaque mois, en moyenne, plus de 2.000 « missions d’appui aérien rapproché aux troupes Isaf en Afghanistan ». L’information est donnée par les communiqués de l’Us Air force elle-même. Elle n’est cependant pas assortie des chiffres que les morts et les blessés provoqués dans la population par les bombardements, officiellement dirigés contre les « talibans » ou cibles qualifiées sans trop de détail d’« ennemis » ou d’« insurgés ».

Participent aux raids, en plus des chasseurs bombardiers F-15E  Strike Eagles, les F/A-18 Super Hornets du porte-avion Abraham Lincoln, déplacé du Golfe persique au Golfe d’Oman pour mieux atteindre ses objectifs. On emploie aussi en Afghanistan des B-1B Lancer, des bombardiers stratégiques pour l’attaque nucléaire, utilisés avec des bombes non-nucléaires. Un B-1B peut larguer en une seule mission 24 Gbu-31 Jdam dirigé par Gps de 2.000 libres, (presque une tonne),  84 Mk-82 de 500 libres, 30 bombes à fragmentation de divers types et des dizaines d’autres munitions. Les bombes Jdam peuvent être lancées simultanément sur plusieurs objectifs, à plus de 60 Kms de distance.

Autre avion utilisé en Afghanistan, le A-10 Thunderbolt, spécialisé dans l’appui aérien rapproché aux forces terrestres. Il peut transporter plus de 7 tonnes de bombes et missiles. Mais son arme létale est le canon Gau-8 Avenger de 30 mm, qui tire 3.900 coups à la minute en utilisant un mélange de projectiles incendiaires hautement explosifs et de projectiles pénétrants à l’uranium appauvri. Ces avions peuvent opérer à basse altitude – car leurs habitacle et appareils sont protégés par une cuirasse de titane- et  en pleine obscurité grâce au viseur nocturne du pilote.

Ceux qui courent encore moins de risques sont les pilotes qui bombardent l’Afghanistan avec les MQ-9 Reaper. Il s’agit de la dernière génération des Uav (véhicules aériens sans équipage), commandés à distance. Le Reaper (« moissonneur », de vies humaines évidemment), est en mesure de voler  pendant 30 heures jusqu’à 15 mille mètres d’altitude, il transporte une charge  de plus d’une tonne et demi, quatre fois supérieure à celle de son prédécesseur, le Predator (« prédateur »), (pour ceux qui ne connaissent vraiment pas l’anglais…NdT) : il est composé de missiles Hellfire («  feu d’enfer »…) Agm-114, des bombes guidées par laser Gbu-12 Paveway II et Jdam Gbu-38.

Les Reaper décollent d’une base en Afghanistan, où se trouve le personnel spécialisé pour la manutention, mais ces avions sont conduits par un pilote et un spécialiste des capteurs, qui eux sont commodément assis à une console de commande à 12 mille kilomètres de distance, dans la base de Creech, au Nevada. L’avion possède des capteurs infrarouges et vidéo caméras qui, par le réseau satellitaire, permettent aux opérateurs d’identifier les objectifs. Ces derniers sont souvent  signalés par des « contrôleurs aériens tactiques » qui, en Afghanistan, indiquent aux pilotes les cibles à toucher.

 
Reaper

Tuer en manipulant un avion au moyen d’un joystick, à 12 mille kilomètres de distance est la dernière frontière des technologies guerrières. « Voir ces mauvais sujets sur l’écran, et comment on les envoie dans l’autre monde, et descendre ensuite au fast food pour le déjeuner, est une expérience surréelle », déclare à CNN le capitaine Matt Dean, un des pilotes Reaper de la base de Creech.

Qui sait s’ils étaient au courant tout ça, les membres de la Commission  Défense de la Chambre des députés italienne qui, en février dernier (pendant le gouvernement Prodi), ont  approuvé l’acquisition  de 4 Reaper, qu’on ajoutera aux  5 Predator de l’aéronautique militaire : tout cela étant fondé sur  l’assurance qu’ils  allaient être utilisés sans armes à leur bord (ce qui revient à acheter un char d’assaut, en garantissant qu’on va s’en servir de camion). En réalité, la puissance destructrice du Reaper est ensuite accrue.

Un porte parole du ministère de la Défense britannique a  déclaré que les Reaper  de la Raf, eux aussi pilotés depuis la base de Creech, seront armés du nouveau missile Hellfire Agm-114N. C’est une arme thermobarique, déjà utilisée par les hélicoptères britanniques en Afghanistan qui, lancée contre des édifices ou des cavernes, fait le vide d’air et tue quiconque se trouve là. Voilà comment l’Isaf/OTAN contribue à « apporter  en Afghanistan sécurité et stabilité », en aidant le gouvernement à « désarmer les groupes illégalement armés ».

 

Publié pendant l’été 2008 par il manifesto.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio.



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra…, Ed. Kappa Vu 2014.

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