« Un gouvernement d’extrême-droite ne réussira pas à éliminer l’activisme au Brésil »
Le mouvement activiste de l'état de Sao Paulo représenté par un siège à la Chambre des députés
La « bancada ativista » est un mouvement activiste qui milite au sein de l’Assemblée législative de l’état de Sao Paulo. Aux élections du 7 octobre 2018, les représentants activistes ont réussi à obtenir un siège comme député. (1) Pour la première fois dans l’histoire du Brésil des candidatures collectives ont réussi à faire élire une représentante.
Dans l’état du Pernambuco, la vendeuse ambulante à Recife, Jô Cavalcanti, s’est fait élire.
C’est la journaliste Mônica Seixas (PSOL) qui a été choisi pour représenter la « candidature collective » à l’Assemblée législative de l’état de Sao Paulo.
La « bancada ativista » est issue entre autres du mouvement Occupation politique de 2017 « Occupa politica » dont Marielle Franco, assassinée, faisait partie. Ce mouvement collectif rejette la personnalisation de partis en privilégiant les diverses représentations de la société, notamment les « minorités ». Les noirs, les Indiens, les femmes, les transgenres, les LGBT, les habitants des favelas… tous souhaitent être écouté grâce à la représentation collective dans les Assemblées législatives (gouvernement d’états du Brésil).
Le groupe activiste à Sao Paulo a ainsi obtenu 149.844 votes se plaçant ainsi au dixième rang parmi les candidatures avec le plus grand nombre de votes. Ce groupe ne possède aucune affiliation à un parti. Il englobe au contraire plusieurs partis de gauche ou progressistes et des personnes qui ne sont pas liées à un parti ou groupe politique.
Les activistes du groupe :
Mônica Seixas, féministe noire connue pour son implication à Sao Paulo durant les graves pénuries d’eau en 2014. Elle a été candidate à la mairie de la ville, aux féministes, aux femmes noires et aux activistes socio-environnementaux.
Jesus dos Santos, immigrant nordestin, militant de la culture, de la communication et du mouvement noir; Paula Aparecida, enseignante d’école publique, militante féministe et défendant les droits des animaux; Raquel Marques, sanitariste, militante pour l’égalité des sexes et l’accouchement humanisé.
Anne Rammi, cycliste et militante des causes pour les mères (maternité); Chirley Pankará, indien et pédagogue; Erika Hilton, transsexuelle, femme noire et militante des droits de l’homme; Fernando Ferrari, militant contre le génocide de la jeunesse périphérique et la participation populaire au budget de l’état de Sao Paulo ; Claudia Visoni, journaliste, environnementaliste et agricultrice urbaine.
Bien que les neuf personnes de la « bancada ativista » travaillent à l’échelle de l’état de Sao Paulo, elles sont également impliquées au niveau national en tentant d’informer la population sur les enjeux électoraux de 2018. Pour Claudia Visoni, journaliste, environnementaliste et « paysanne urbaine », la démocratie brésilienne est en danger et il faut se battre pour maintenir les acquis sociaux. Il est fondamentale de diffuser à l’échelle internationale la crainte de l’élection d’un gouvernement d’extrême-droite au Brésil.
Nous avons rencontré Claudia Visoni à la « Horta de Sao Paulo » (jardins communautaires urbains) dans le quartier de Vila Madalena. Ce développement d’agriculture urbaine au sein de la mégapole bétonnée de Sao Paulo, fait partie de l’un des nombreux projets réalisés par le groupe d’activistes.
Claudia Visoni et Micheline Ladouceur. Photo par Irene Uehara
» La « Bancada ativista » (le groupe activiste) est un mouvement de renouvellement politique qui a surgi en 2016 à partir d’une discussion d’un groupe de jeunes qui ne se conformaient pas à l’absence de représentation réelle de la population brésilienne à la Chambre des députés au niveau fédéral. »
Projet du Mouvement Activiste :Jardin communautaire des Hiboux. Soyez bienvenu. Tout le monde est invité à planter et cueillir…
» L’année de « l’impeachment » de Dilma en 2016, on a assisté à la télévision au vote, pour la destitution de la présidente, des députés faisant des discours qui ne représentaient pas les intérêts de la majorité de la population. Le profil de la Chambre se résume à des hommes, des vieux, des riches, plusieurs des députés sont des propriétaires terriens. »
« Nous ne faisions pas partie de ce mouvement (pour la destitution). Des jeunes ont commencé à converser entre eux à travers les réseaux sociaux. Ils se posaient la question suivante : » Où sont les jeunes, les noirs, les Indiens, les personnes à mobilité réduite, les trans… ? Ils (les députés) ne représentent pas ces groupes. Sur internet, ils ont commencé à faire des blagues en disant qu’il s’agissait du « groupe des rêveurs » « bancada dos sonos » parce que les activistes, je suis une activiste, font de la politique par la pratique et font de la politique tous les jours et défendent des causes… » (contrairement aux députés de la Chambre). »
« L’année de 2016, l’action du mouvement activiste fut de proposer une série de candidatures comme conseillers municipaux au sein de la ville de Sao Paulo. Il désirait aider les personnes qui n’avaient jamais participer à la politique. Ils connaissaient la politique seulement à travers la bureaucratie. Je crois qu’ils n’avaient pas de connaissances, ils n’avaient pas d’argent pour faire de la propagande. Ils n’avaient pas d’aide juridique alors que la loi est très complexe… Le groupe d’activiste a aidé les personnes sans expériences à faire leur campagne. »
Le jardin communautaire à Vila Madalena, Sao Paulo, un projet du mouvement activiste.
La campagne électorale de 2018 ne concernait non pas les municipalités, mais les états et le fédéral alors qu’on doit élire un président, un gouverneur pour chaque état, des sénateurs et des députés. « Ici dans l’état de Sao Paulo, qui est très peuplé, il faut plus de 100 milles votes pour élire une députée… C’est ainsi que la stratégie du mouvement activiste de rénovation politique fut de proposer une seule candidature…. Les neuf personnes de notre groupe ont fait ensemble la campagne électorale. » « Nous avons réussi à obtenir assez de voix pour élire notre représentante… « , Mônica Seixas (PSOL).
« Nous sommes des activistes de différents horizons, avec des vécus différents. Moi je suis environnementaliste, ma cause est l’environnement, la justice environnementale, la défense de l’écologie… »
Ce groupe utilisent la désignation co-député, plutôt que député, Ce groupe activiste formé de neuf femmes et deux hommes incluent la seule « députée », co-députée, autochtone.
Claudia insiste sur le fait que le mouvement activiste lutte contre les inégalités sociales et la démocratie. Cette démocratie brésilienne est menacée par la possibilité d’élire le candidat d’extrême-droite-droite Jair Bolsonaro.
« Nous sommes dans un contexte politique très menaçant maintenant. On espère que cela ne va pas arriver, car nous sommes de gauche et la démocratie fait partie de nos valeurs. Nous sommes dans un contexte politique qui fait peur… Peur de comportements violents » suite au deuxième tour des élections… Après le premier tour il ya eu beaucoup de violence alors que des individus ont attaqué des gays et des personnes trans. » Nous assisterons à des actions violentes racistes avec l’arrivée d’un président qui prône la haine.
« La société brésilienne en a assez de ces actions violentes d’individus qui ne s’identifient pas au pluralisme socioculturel. »
« Nous ne savons pas ce qui va se passer. Si cela arrive (l’élection de l’extrême-droite) nous allons tenter de se protéger entre nous. Nous allons tenter de maintenir nos objectifs face à la politique (d’extrême-doute) régressive. » Maintenir l’unité de la société brésilienne. Nous devons organiser la » résistance pacifiste » face à l’avenir.
« Bolsonaro a dit qu’il voulait exterminer les activistes. Cela fait peur, mais je ne crois pas que cela arrivera en réalité. Cependant ces propos se traduisent comme une menace vis-à-vis les militants et la gauche brésilienne. »
« En ce moment, notre mouvement a un rôle important dans cette conjoncture politique. Nous devons utiliser des moyens pédagogiques pour informer la population. »
Le fait de vouloir éliminer cette vision activiste se base principalement sur les Fake News (fausses nouvelles) au sujet de la gauche en mettant en perspective la violence.
Message aux Canadiens (en français)
Entrevue réalisée le 19 octobre dans le jardin communautaire, Vila Madalena, Sao Paulo, SP, Brésil.
Transcription du portugais par Micheline Ladouceur pour Mondialisation.ca
Photos par Irene Uehara (première photo) et Micheline Ladouceur.
Autres sources
Bruno Bocchini, Candidatura coletiva é eleita pela primeira vez em São Paulo, Agencia Brasil, le 11 octobre 2018.
Notes
(1) Le Tribunal Supérieur Electoral(TSE) ne reconnaît pas les candidatures collectives, c’est pourquoi une seule personne devait représenter le siège.
Les objectifs fondamentaux du groupe d’activistes :
« lutter contre les inégalités »;
« Education et santé libératrices »; «
Les villes en tant qu’espaces de production culturelle »;
« Logement et mobilité pour être et être »; «
Sécurité publique pour tous »;
« Intégration de la société avec l’environnement »;
et « vraie démocratie ».