Un nouveau mur à Bagdad, qui sépare et inquiète
Les inscriptions sur le mur n’y ont rien changé. « Non, non, au mur ». « Oui, oui, pour l’Irak ». Imposant et gris, le rempart de béton de cinq mètres de haut, qui sépare un quartier chiite et sunnite de la capitale, a été érigé en moins d’une semaine par l’armée américaine. Et les habitants des deux quartiers de Bagdad dorénavant séparés, Chola et Ghazaliya, doivent apprendre à vivre avec cette nouvelle barrière.
« Le mur ne peut qu’inspirer plus de haine et encourager l’isolement entre les communautés, alors que nous débutons à peine le mois de Ramadan », soupire Um Ali, une mère de famille qui réside à Ghazaliya, un quartier majoritairement sunnite. « Rendre visite à la famille ou à des amis est devenu difficile, parce que le mur bloque des rues et des ponts qui reliaient les deux quartiers », ajoute-elle.
Affrontements confessionnels
« Le mur ne nous apportera que des ennuis », estime-t-elle. « Il empêche les voisins de se regarder ». Mais aussi de se tirer dessus, assure le commandement américain. Pour les stratèges de la « zone verte », immense dédale de fortifications où résident les officiers et les diplomates envoyés à Bagdad par les Etats-Unis, ériger des murailles entre sunnites et chiites est la seule manière d’éviter les affrontements confessionnels.
Dès le début des violences à Bagdad et ailleurs, les habitants ont dressé des barricades et mis en place des barrages, pour contrôler les accès de leurs quartiers. Les immeubles officiels, les administrations, les commerces et les résidences privées se sont entourés de grands pans de béton censés les protéger des explosions de véhicules piégés. Mais c’est en avril 2007 que le cloisonnement confessionnel a pris une nouvelle dimension. L’armée américaine a construit un mur de quelque cinq km de long entre une zone sunnite de Bagdad, Adhamiyah, et des quartiers majoritairement chiites.
Coincés
Le Premier ministre Nouri al Maliki a bien essayé de s’opposer à l’érection de ce qu’il considère comme des « barricades sectaires », mais en vain. Malgré les protestations et des manifestations de résidents mécontents, l’armée américaine a récidivé cette semaine en dressant sur plusieurs centaines de mètres des blocs de béton entre Chola et Ghazaliya.
Mais le tracé de cette barrière a causé un nouveau problème, explique Sayed Dhya, un cordonnier chiite de 33 ans. « Ce mur nous protège contre qui? », demande-t-il. « De l’autre côté, ce sont également des chiites. Ils se retrouvent coincés entre les sunnites et le mur! ». Le nouveau mur a en effet laissé du côté sunnite toute une section chiite du quartier de Ghazaliyah, illustrant la difficulté et le danger d’imposer un découpage confessionnel à une ville où la population a vécu mélangée.
« Les sunnites ne trouvent rien à redire à ce mur, ils en sont trop loin », ajoute Ali, un vendeur de cigarettes. « Mais les familles chiites qui vivent à proximité vont être une cible facile pour les terroristes ». Malgré la crainte de voir leur cité se transformer en une mosaïque de quartiers ethniquement purs, bien des Bagdadis, épuisés par la violence des extrémistes de tous bords, se résignent.