Un seul enjeu dans les négociations avec les talibans et les «insurgés»: Le retrait immédiat du Canada et de la coalition

Les semaines se suivent et les déclarations de plusieurs autorités canadiennes nous laissent très perplexes. La semaine dernière, lors du départ pour l’Afghanistan de contingents de la base de Valcartier le maire de Québec a loué le courage des soldats qui vont combattre les «barbares» que sont les talibans ou les insurgés qui résistent à la présence des armées occidentales dans ce pays de l’Asie centrale (P. Pelchat). Cette semaine, le gouvernement de Stephen Harper «affirme que sa politique concernant la négociation avec les talibans est en accord avec celle exprimée récemment par le président des États-Unis» (Cyberpresse). D’un côté on encourage les combattants et l’approche militariste et de l’autre on prône le processus d’une négociation avec «les ennemis».

Après le constat de Stephen Harper qui a reconnu récemment l’impuissance des forces de la coalition et leur incapacité de gagner la guerre ou, ce qui est souvent évoqué, un tel concept de guerre il reste la voie diplomatique qui peut permettre à l’Occident de ne pas capituler ou de ne pas perdre la face avant un retrait définitif. Par la suite, il sera difficile pour le Canada de justifier des dépenses de l’ordre de près de 20 milliards de dollars et on nous dira sans hésiter que c’est le coût que l’on devait assumer «pour défendre le monde libre et la démocratie contre les attaques du terrorisme international».

Le décision du Canada de participer à cette guerre d’invasion a causé une atteinte profonde aux valeurs fondamentales qui caractérisent la politique traditionnelle génératrice de paix qui a marqué la réputation du pays à l’étranger pendant des décennies. Cette rupture avec le passé a entaché notre image et nous a placé dans le giron des Étatsuniens et de leurs projets de conquêtes par la force et la violence armées.

Dans cette atmosphère, la politique canadienne en cette matière a tendance, comme ce fut nettement le cas avec l’Administration Bush, à copier ou à adhérer aveuglément et en l’absence de tout débat sérieux à la Chambre des Communes aux ordres dictés par Washington. Le Canada se comporte ainsi comme le valet qui attend les ordres de son maître et lui obéit illico (Mondialisation.ca).

Ce fait est bien illustré par le comportement de girouette du ministre de la Défense, Peter McKay, qui il n’y pas si longtemps dénonçait ceux qui suggéraient la voie diplomatique pour vaincre la résistance et qui se montre maintenant,  tout d’un coup,  d’accord avec Washington qui suggère que des négociations soient entamées avec des talibans modérés: « Il a affirmé lundi que le gouvernement canadien accueille favorablement les discussions menées entre le gouvernement afghan et les talibans qui renoncent à la violence» (Cyberpresse).

En outre, cette déclaration du ministre laisse croire que la violence qui sévit en Afghanistan est causée par les talibans et les insurgés alors que l’on est à même de comprendre que la seule présence d’armées étrangères dans ce pays est en elle-même une expression de violence permanente, une menace à la sécurité des Afghans et l’origine d’affrontements quotidiens sanglants non seulement en Afghanistan même, mais aussi dans le Pakistan voisin avec le bombardement régulier de villages qui abriteraient des insurgés opérant à partir, notamment, du Warisistan. 

Le temps est venu de stopper ce processus de destruction et de rapatrier toutes les troupes canadiennes de cette région du monde. Nous avons causé suffisamment de dommages. Assez c’est assez! Le Canada doit se retirer dès maintenant et avouer, devant l’opinion publique mondiale, qu’il a commis une grave erreur voire un crime contre l’humanité et que le gouvernement s’engage à rendre des comptes devant la population canadienne et devant l’assemblée des peuples. Cette guerre a fait des dizaines de milliers de victimes chez les soldats et les résistants qui combattent ainsi que parmi la population civile (Mondialisation.ca). L’Afghanistan doit exiger que les Occidentaux reconstruisent ce qu’ils ont détruit et payent pour tous les dommages causés au tissu social et au patrimoine naturel, économique et culturel de ce pays.

Références

BEAUDET, N. 2009. Le retrait immédiat d’Afghanistan : Pourquoi ? Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 14 décembre 2008.

En ligne:

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=11389

DUFOUR, Jules. 2007. Participer à la guerre d’occupation en Afghanistan est une bonne affaire pour les industries de l’aérospatiale et de la défense. Saguenay, Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU). Centre de recherche sur la mondialisation. Le 10 avril 2007.

En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php?context=viewArticle&code=DUF20070410&articleId=5340

Article paru dans l’édition du Journal Le Devoir, les 14 et 15 avril 2007.

DUFOUR, Jules. 2007. Réarmer le Canada aux dépends du développement humain..

Pauvreté au Canada et priorité à la défense nationale. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation. Le 17 mai 2007

En ligne :

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=viewArticle&code=DUF20070517&articleId=5675

DUFOUR, Jules. 2008. Canada: Course effrénée aux dépenses militaires Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation. Le 17 janvier 2008.  En ligne: http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=7826

DUFOUR, Jules. 2008. Le Premier ministre  Stephen Harper et la justification  de la guerre d’invasion de l’Afghanistan par le message. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation. Le 6 avril 2008.  En ligne: http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=8577

DUFOUR, Jules. 2008. Le plan de défense du Canada. Les États-Unis d’abord! Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation. Le 13 mai 2008. En ligne: http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=8960

DUFOUR, Jules. 2008. Les guerres d’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. Un bilan horrifiant de portée mondiale. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation. Le 22 juillet 2008. En ligne: http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=9645

La Presse Canadienne. 2009. Ottawa d’accord pour des négociations avec les talibans. Cyberpresse. Le 9 mars 2009

En ligne: http://www.cyberpresse.ca/dossiers/le-canada-en-afghanistan/200903/09/01-834770-ottawa-daccord-pour-des-negociations-avec-les-talibans.php

PELCHAT, P. 2009. Labeaume pourfend les talibans et les pacifistes. Le Soleil. Le 28 février 2009, pp. 12-13.

 
Jules Dufour, Ph.D., est président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, professeur émérite à l’Université du Québec à Chicoutimi,   membre du cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, membre chevalier de l’Ordre national du Québec.



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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