Un système économique structurellement irrécupérable

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La récession est terminée, c’est vrai. La dépression commence juste et le chômage de masse en est le révélateur. Nous ne sommes pas en 1929, c’est bien plus grave. Je ne reviendrai pas sur mes différentes analyses car bientôt les évènements vont s’enchaîner (guerres, faillites, krach boursier, etc).

Pour comprendre pourquoi la bourse fonctionne encore il suffit de lire ce que Pierre Jovanovic écrit sur son blog (http://www.jovanovic.com/blog.htm).

Il explique ainsi que « 40% du volume du NYSE est généré par 5 titres » ce qui a été confirmé par l’analyste financier Olivier Crottaz qui a même publié le graphique idoine. Source : http://blog.crottaz-finance.ch/wp-content/uploads/2009/09/volume-journalier-contre-nyse1.jpg.

Pour résumer, ils se refilent des paquets d’actions en faisant monter la mayonnaise et tout ceci déconnecté de toute réalité économique. Ubuesque!

J’ai donc décidé d’écrire une série d’articles afin de démontrer que ce que certains nomment le capitalisme est non seulement une monstruosité mais de plus est totalement irrécupérable.

J’ai souvent employé le terme crise systémique pour analyser le crack actuel, il faudrait plutôt parler de crise structurelle.

En effet, on a énormément commenté l’échec du communisme et ses dérives dictatoriales (Staline, Mao), mais il existe très peu d’analyses de fond concernant notre système économique actuel qui, lui aussi, ne peut que nous conduire au désastre et à la dictature.

Tout d’abord, il convient de noter que Karl Marx a commis 2 erreurs fondamentales.

Premièrement, son analyse repose sur l’idée que c’est « la baisse tendancielle du taux de profit qui est à l’origine des crises qui ponctuent l’histoire du capitalisme. »

Or, l’économiste Philippe Simmonnot a réfuté formellement cette théorie. Pour ceux qui veulent approfondir, l’explication de L’erreur de Marx est sur mon blog.

Deuxièmement, Marx a « oublié » Freud (il est arrivé plus tard) et ses travaux sur l’inconscient, ce que Bernard Stiegler résume en affirmant que « le capitalisme du XXe siècle a capté notre libido et l’a détournée des investissements sociaux. » Je peux ajouter qu’il a fini par nous formater au travers du fétichisme de l’objet.

L’ensemble des médias appartenant au petit groupe dominant, la réalité a fini par nous échapper et nous ne voyons plus le monde tel qu’il est. Ce « psycho-pouvoir » qui permet de fabriquer notre conscience collective est le seul qui soit véritablement à détruire car « la vérité seule est révolutionnaire. »

D’ailleurs, pour Hannah Arendt, le totalitarisme est avant tout une dynamique de destruction de la réalité et des structures sociales.

Pour mieux comprendre, il faut relire « Le Meilleur des mondes », d’Aldous Huxley qui n’est pas un roman, mais un programme politique résumé dans la préface de 1946 :

« Un Etat totalitaire vraiment « efficient » serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population d’esclaves qu’il serait inutile de contraindre, parce qu’ils auraient l’amour de leur servitude. »

Il fait d’ailleurs la synthèse de notre époque : «À mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation. »

Claude Lévi-Strauss  avait lui aussi donné le ton : « La fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l’asservissement. »

Nous sommes donc une population d’esclaves, une idée que met en avant le film de Jean-François Brient « De la servitude moderne ». Source : De la servitude moderne n°1, De la servitude moderne n°2, De la servitude moderne n° 3 (sur mon blog).

Pourtant, il convient d’analyser pourquoi le capitalisme nous conduit in fine à la dictature.

En effet, les économistes qui sont devenus des mathématiciens ont oublié que ce qui caractérise notre système économique est son caractère mafieux régit par une seule loi, celle du plus fort.

Pots de vin, menaces, assassinats font partie intégrante du processus de conquête des marchés. Le livre «  Gomorra » de Roberto Saviano est l’exact reflet de notre société.

Sur le plan mathématique (car le monde est écrit en langage mathématique) ceci est illustré par la loi de Pareto (que l’on nomme aussi loi de puissance) qui démontre que  les revenus se répartissent toujours selon une loi mathématique décroissante d’allure exponentielle. L’économiste Moshe Levy explique que  « la loi de Pareto, loin d’être universelle et inéluctable, ne serait que le mode de fonctionnement particulier d’une société égocentrique » et que «ce sont les effets stochastiques (et non l’intelligence et le travail) de la concurrence qui enrichissent certains au détriment de la majorité, menant à la répartition de Pareto. » Source :http://bschool.huji.ac.il/segel/moshe-l/SF.pdf.

Or, pour rester dans le cadre des mathématiques, il est important de comprendre ce que l’on nomme les fractales. Les objets fractals s’apparentent à des structures gigognes ce qui s’applique à la loi de puissance. Pour faire simple, 20% des plus riches détiennent 80 % du capital mais au sein de ces 20 % la loi de Pareto s’applique aussi, etc, etc.

D’ailleurs, les 20 personnes les plus riches du monde ont une fortune personnelle estimée en 2009 à 415 milliards de dollars soit un peu moins que le PIB de la Suisse (500 milliards de dollars)! Source : Liste des milliardaires du monde en 2009.

Les 1% les plus riches représentaient 10% du PIB en 1979 et 23% aujourd’hui. 53 % en 2039 ?

Il faut donc comprendre que la tare fondamentale de notre système économique réside dans l’accumulation du capital. En effet, le capitalisme conduit structurellement à la dictature par une accumulation colossale de richesses par un petit nombre.

Il est donc par essence non redistributif. En effet de par sa structure basée sur la dette il favorise le capital et place la banque et la finance au coeur du système. Or, l’essentiel des intérêts sont perçus in fine par un petit nombre de personnes qui finissent par s’emparer du système. Je nomme cela l’effet Monopoly (célèbre jeu dans lequel ne subsiste qu’un seul vainqueur ayant ruiné les autres).

Ceux qui croient encore dans les bienfaits de la main invisible du marché, devraient se rendre compte qu’elle est en train de fouiller dans nos poches au profit de quelques-uns. L’actualité nous le prouve tous les jours.

De plus, un placement d’argent est sur le plan mathématique une exponentielle. Vous pouvez d’ailleurs le constater en cliquant sur Exponentielle et capital ».

Cette accumulation de capital a une contrepartie : l’accumulation de dettes, car au final l’argent n’est pas créé ex nihilo contrairement à ce que l’on essaie de vous faire croire (seules les banques centrales peuvent faire cela). Notre système économique est donc devenu une vaste pyramide de Ponzi, ce que confirme Nouriel Roubini lui-même : « Américains, regardons-nous dans le miroir : Madoff, c’est nous, et Monsieur Ponzi, c’est nous ! Source : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2583

 

J’avais déjà montré du doigt ce problème dans mon article Crise systémique – Les solutions (n°5 : une constitution pour l’économie) et affirmé que ce système qui fonctionne sur la dette et la captation par quelques-uns de l’essentiel des intérêts impose au fil des ans d’élargir la base de crédit. Et, lorsque l’on commence à prêter à des gens qui ne peuvent rembourser (les pauvres), le système s’écroule.

Pourtant, toutes les religions ont condamné (avec des nuances parfois) le prêt à intérêt car elles le considéraient comme amoral ce que l’on retrouve dans le verset 275 de la 2ème sourate du Coran : « Dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt. »

N’oublions pas que tout le système actuel repose sur la formule : dette = consommation = travail. Et donc sans dette, pas de travail ! C’est d’ailleurs pour cette raison que les états soutiennent à fonds perdus les banques.

Robert H. Hemphill, gestionnaire de crédits à la Fed d’Atlanta avait déclaré : « Si les banques créent assez d’argent synthétique, nous prospérons ; sinon, nous sombrons dans la misère. »

Face à une exponentielle du capital accumulé nous nous retrouvons avec une exponentielle de dette. Par exemple, pour les Etats-unis, nous avons une dette totale (publique et privée) de 52 859 milliards de dollars soit 375 % du PIB US et plus que le PIB mondial. Source: http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1r-2.pdf.

La dette, il faut le rappeler conduit à l’esclavage, ce qu’à résumé Jean Baudrillard : « on revient avec le crédit à une situation proprement féodale, celle d’une fraction de travail due d’avance au seigneur, au travail asservi. »

Le sociologue Immanuel Wallerstein a raison lorsqu’il affirme que » nous sommes entrés depuis trente ans dans la phase terminale du système capitaliste ».

 

Ivan Illich un des premiers penseur de l’écologie politique a développé la notion (appelée illichienne) de contre-productivité qui démontre que lorsque les entreprises atteignent une taille critique en instaurant une situation de monopole, elles finissent par nuire au fonctionnement normal de l’économie. On peut même ajouter qu’elles finissent par s’emparer du pouvoir. Le 4 juin 1943, le sénateur Homer T. Bone déclarait au comité du sénat américain pour les affaires militaires : « Farben était Hitler et Hitler était Farben. »

Albert Einstein, en mai 1949, dans un article paru dans la Monthly Review reprenait la même idée : « Le capital privé tend à se concentrer entre quelques mains, en partie à cause de la compétition entre capitalistes et en partie parce que le développement technologique et la division croissante du travail encouragent la formation d’unités de production plus grandes au détriment des plus petites. Le résultat de ces développements est une oligarchie de capital privé dont le pouvoir exorbitant ne peut effectivement pas être contrôlé même par une société dont le système politique est démocratique. » 

 

Aujourd’hui, 500 entreprises transnationales contrôlent 52 % du PIB mondial ce qui fait dire à Jean Ziegler ((membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies) que nous allons vers « une reféodalisation du monde. »

 J. K. Galbraith économiste et conseiller des présidents Roosevelt et Kennedy nous avait pourtant mis en garde :

« L’économie de marché est volontiers décrite comme un héritage ancien. En l’occurrence, c’est une escroquerie , ou plus exactement une erreur communément admise. Trop de gens apprennent l’économie dans des manuels qui entretiennent encore les dogmes de la production concurrentielle des biens et des services et de la capacité d’acheter sans entraves. En fait, il peut n’y avoir qu’un ou quelques vendeurs assez puissants et persuasifs pour déterminer ce que les gens achètent, mangent et boivent ». Source : « Les nouveaux mensonges du capitalisme » Publié dans le Nouvel Observateur (4/11/05) Interview de John Kenneth Galbraith par François Armanet.

Quelles sont les solutions ? Ne vous inquiétez pas, nos maîtres ont tout prévu. Pour comprendre, il faut savoir que la dialectique Hégélienne est maîtrisée sur le bout des doigts avec maestria. Ainsi, la thèse étant le capitalisme, l’antithèse, le communisme, nous finirons par avoir la synthèse : un socialisme corporatif ou social fascisme (mondial).

Je le rappelle ici, Benito Mussolini avait donné sa définition du fascisme : «Le fascisme devrait plutôt être appelé corporatisme, puisqu’il s’agit en fait de l’intégration des pouvoirs de l’état et des pouvoirs du marché. » Or, le corporatisme peut être assimilé à une entreprise criminelle car, comme l’affirme l’économiste Howard Scott : «Un criminel est une personne avec des instincts prédateurs qui n’a pas suffisamment de capital pour former une corporation. » Source : Une constitution pour l’économie, pourquoi ?

Associer socialisme et fascisme, deux principes opposés peut sembler étonnant mais Edgar Morin nous explique ce qu’il nomme le principe dialogique :

« il unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l’un l’autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité ».

Vous pensez que cela est impossible ? Voici mon analyse.

Il convient tout d’abord de remarquer que tout le monde tire à boulet rouge sur les méchants banquiers (la thèse) et met en avant la nationalisation des banques (l’antithèse). Nous aurons donc un FMI, une BRI et une banque mondiale (la synthèse) qui contrôleront la future monnaie mondiale {les DTS qui remplaceront le dollar : Crise systémique – Les solutions (n°5 : une constitution pour l’économie)} et réguleront le système. Or, ces organismes sont contrôlés par une petite poignée de personnes.

En effet, la crise actuelle aura pour conséquence directe la destruction des nations car les sommes perdues dépassent les capacités des états et les taux d’endettement s’envolent. Des pôles continentaux avec des structures régionales se développeront partout : le glocal. J’ai d’ailleurs réalisé une étude précise à ce sujet : Crise systémique – Les solutions (n°4 : régions et monnaies complémentaires).

L’avenir est au « socialisme » a dit Schumpeter, un socialisme sans servitude, mais avec une liberté limitée. Il faudrait plutôt employer le terme exact : social fascisme et préciser que la liberté disparaîtra si nous ne faisons rien. Quoi qu’il en soit, une dictature échouera.

N’oublions pas le principe « hologrammatique » d Edgar Morin : la partie est dans le tout, mais le tout est dans la partie, car toutes les formes d’existence sont liées les unes aux autres, ce qui est la définition exacte de ce que Bouddha, Rabbi Jeschuth-notzerith (le vrai nom de Jésus, encore un mensonge !) et Mahomet ont défini par le mot amour.

Fascisme et socialisme n’étant au final que les reflets de notre dualité qui nous pousse soit vers les autres, soit vers le repliement sur soi, l’égoïsme et la violence. Nous devons donc changer nous-mêmes si nous voulons changer le monde, ce que l’Islam nomme le djihad, la kabbale juive le combat par le zaïn (le combat intérieur) et que Bakounine résume en quelques mots : « Pour se révolter contre cette influence que la société exerce sur lui, l’homme doit au moins en partie se révolter contre lui-même. »

Gilles Bonafi est professeur et analyste économique.



Articles Par : Gilles Bonafi

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