Une alliance à entretenir…

Le point de vue d'un commandant du "deuxième front"

Au lendemain de sa récente guerre contre le Hezbollah, Israël traverse un processus difficile, mais nécessaire, d’auto-examen. Les questions posées sont nombreuses, ainsi que les leçons à retirer et à assimiler.

Mais si les juifs américains se contentent tout juste de suivre ce processus à l’intérieur d’Israël avec intérêt, ils perdront une opportunité essentielle d’en retirer une leçon pour leur gouverne personnelle. Tout au long du mois écoulé, les USA ont joué un rôle fondamental, qui s’avère tout aussi critique pour l’essentiel de la ‘vie israélienne’ [sic ! NDT] C’est une leçon que nous ferions bien d’apprendre par cœur…

Il n’est écrit nulle part, dans la Constitution des USA, que la relation spéciale [le « mariage catholique », NDT] entre les USA et Israël ferait partie des principes fondamentaux de l’Amérique. C’est là une des raisons qui font que, personnellement, je n’ai jamais pris un seul instant pour argent comptant je ne sais quels liens uniques entre l’Amérique et Israël, et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai consacré une bonne part de ma vie professionnelle à convaincre mes coreligionnaires juifs américains de ne jamais succomber à la complaisance, ni à la notion erronée qui voudrait que cette relation soit sur pilotage automatique…

On sait que les pays reconsidèrent parfois leurs intérêts géopolitiques et qu’ils opèrent des virages en épingle à cheveux. Le meilleur exemple, en la matière, est celui de la France, qui a joué un rôle central dans la ‘vie israélienne’ [re-sic !] dans les années 1950 et  au début des années 1960, puis qui sembla tirer la conclusion que ses intérêts à long terme seraient sans doute mieux servis en prenant ses distances d’avec Israël et en caressant le monde arabe dans le sens du poil… Cette décision a coûté très cher à Israël, mais Israël a eu du bol : les USA se sont empressés de combler la brèche. Ils ont joué, en particulier au cours des quarante années écoulées, un rôle unique – que dis-je ? : indispensable ! – dans l’existence d’Israël.

Mais imaginons un instant que les USA aient, en lieu et place de cette idylle, poursuivi une approche « équilibrée » envers la région du Moyen-Orient, voire, pire, qu’ils aient suivi l’exemple de la France, en invoquant l’argument que ç’aurait été Realpolitik dictée par la masse démographique des Arabes, leurs ressources énergétiques et leurs marchés à l’export qui auraient dicté un tel revirement.

Quel en aurait été, dès lors, l’impact pour Israël ? A n’en pas douter, Israël a des relations amicales avec un certain nombre de pays, ainsi, faudrait-il ajouter, qu’une relation spéciale avec l’Allemagne. Mais, disons la vérité : aucun pays n’a pu, dans le passé – ni ne peut, actuellement – se substituer au jeu américain.

Aucun autre pays n’a jamais été prêt à définir une relation aussi intime avec Israël dans toutes les sphères bilatérales – depuis les ventes d’armes, l’aide financière à l’étranger et le partage de renseignements jusqu’à la zone de libre-échange commercial, les coopérations scientifiques et le soutien diplomatique. Aucun autre pays n’a la capacité, par leur simples dimensions et statut, d’aider Israël à poursuivre sa recherche d’une paix sûre et durable, ainsi que la normalisation au sein de la communauté des nations.

Y a-t-il jamais eu, en effet, un autre membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu qui fût prêt à exercer le droit de veto, même seul, afin de s’assurer qu’Israël n’était pas mis sur la sellette de manière inamicale par une des agences de l’Onu dotée de pouvoirs aux décisions pouvant être légalement imposées ? Y a-t-il jamais eu un autre pays qui ait été prêt à se tenir aux côtés d’Israël – et donc, quitter la salle en même temps qu’Israël… – quand la Conférence contre le racisme, tenue à Durban, à la veille des attentats du 11 septembre 2001, avait tourné à un festival haineux antisémite et antisioniste ? Y a-t-il jamais eu un autre pays que les USA, qui fût désireux de réapprovisionner l’armée israélienne durant la Guerre d’Octobre [1973], au moment où le destin d’Israël était sur le fil du rasoir ?

Au cours du récent conflit contre le Hezbollah, une fois encore, les USA ont démontré leur volonté de se tenir aux côtés d’Israël, de lui fournir un soutien vital, et de maintenir les pressions émanant de nombreux amis des USA, qui auraient souhaité une fin plus rapide du conflit, même si cela signifiait maintenir un Hezbollah aux forces largement inentamées, et dans la place…

Il y a eu un long débat au sujet des raisons de cette relation unique entre l’Amérique et Israël, ainsi que du fort soutien dont bénéficie Israël dans l’opinion publique américaine. D’aucuns suggèrent l’idée que l’explication première résiderait dans le rôle joué par la communauté juive aux USA ; d’autres pensent que ce sont les réalisations impressionnantes d’Israël en tant que pays démocratique et qu’allié fiable des USA qui font toute la différence ; d’autres encore avancent que c’est avant tout la religiosité de l’Amérique qui l’explique, ainsi que leur lien avec l’héritage judéo-chrétien [sic ! NDT] ; enfin, certains insistent sur l’importance d’une chimie personnelle entre, disons, un Lyndon Johnson et un Lévi Eshkol, ou un George W. Bush et un Ariel Sharon.

Quel que soit le facteur essentiel, il n’y a aucun doute quant au fait que la communauté juive (Jewry) américaine est un élément essentiel dans cette équation. Raison de plus pour affirmer que les juifs américains doivent œuvrer jour après jour afin de s’assurer que ce lien mutuellement bénéfique ne cesse de se renforcer.

Les relations bilatérales entre Israël et les USA risquent-elles de connaître le même sort que le précédent français ? Sans doute pas avant très longtemps, mais il est évident qu’il y a, aux USA, des organisations arabes et musulmanes qui croient en la possibilité d’un changement, dans le long terme, de l’orientation américaine au Moyen-Orient. C’est la raison pour laquelle ces organisations travaillent d’arrache-pied, par exemple dans les universités, dans l’espoir de former la vision des choses des générations de dirigeants américains à venir. Et, en ceci, elles sont aidées par les largesses de bienfaiteurs saoudiens bien trop heureux d’établir des pied-à-terre sur les campus universitaires où se forment ces élites. C’est aussi pourquoi ils s’efforcent d’établir des relations avec les syndicats, les minorités ethniques, le mouvement anti-guerre, d’anciens arabisants du Département d’Etat, persuadés qu’ils sont qu’un jour, ces efforts finiront par créer la masse critique à même de détourner la politique extérieure américaine de ses relations spéciales avec Israël – et par conséquent, de saper l’engagement de l’Amérique vis-à-vis de l’unique véritable démocratie dans la région [re-re-sic ! NDT]

Les amis d’Israël, aux USA, y compris les organisations juives, doivent demeurer en alerte face à ces efforts et avoir conscience de leurs conséquences potentiellement désastreuses. Regardons les faits en face : tout coin d’importance majeure enfoncé entre les USA et Israël pourrait avoir des conséquences fatales pour celui-ci.

Les Israéliens, qui ont sans doute assez de soucis comme cela pour le moment, n’en doivent pas moins garder présente à l’esprit l’importance de la communauté juive américaine, comme acteur clé sur ce « deuxième front ».

A.B. Yehoshua, s’exprimant devant l’American Jewish Committee lors de la célébration du centenaire de sa fondation, cette année, a rejeté l’idée d’une quelconque importance, tant pour Israël que pour l’avenir du peuple juif [sic] des juifs américains, ce qui a fait grand bruit…

Rien n’est plus faux.

Original : The Jerusalem Post, 25 août 2006

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs .

Dessin de Yasar Ahmed, Syrie, août 2006. Source : www.irancartoon.com



Articles Par : David A. Harris

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