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Une controverse éclate sur les déploiements américains de bombardiers B1 en Australie
Par James Cogan
Mondialisation.ca, 18 mai 2015
wsws.org
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Des informations selon lesquelles les États-Unis comptent déployer des bombardiers B1 en Australiedans le cadre du « pivot vers l’Asie » contre la Chine ont provoqué, le 15 mai, une vive controverserse politique en Australie.

L’épisode met en lumière deux faits. Tout d’abord, les préparatifs de guerre par les États-Unis et leurs alliés sont à un stade très avancé. Deuxièmement, les gouvernements, les militaires et les médias mentiront sans vergogne pour maintenir la classe ouvrière dans l’ignorance sur les immenses dangers qu’elle confronte.

La controverse a commencé avec le témoignage de hauts fonctionnaires de l’administration Obama mercredi devant la commission des Relations étrangères du Sénat américain, intitulé « La protection des intérêts américains en mer de Chine est et méridionale ». Le jour avant, le Wall Street Journalavait révélé que le secrétaire à la Défense, Ashton Carter, proposait une déploiement provocateur de forces navales et aériennes américaines pour contester les prétensions territoriales chinoises en mer de Chine méridionale.

Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry était en Chine ce week-end pour exiger que Pékin mette fin à la construction d’infrastructures militaires présumées sur les territoires contestés et affirmant les droits des États-Unis d’y envoyer des navires de guerreUn tel cours d’action imprudente par Washington pourrait déclencher la guerre (Voir:  » Le danger croissant d’une guerre américaine contre la Chine « ).

Lors de l’audience du Sénat, le śenateur démocrate Ben Cardin a interrogé David Shear, le secrétaire adjoint américain à la Défense pour l’Asie et le Pacifique, pour savoir si le déploiement des forces américaines était une « réponse directe aux préoccupations en matière de sécurité maritime », et si les Etats-Unis « avaient les moyens en place pour faire face à ces problèmes potentiels» – c’est-à-dire, pour mener une confrontation avec la Chine.

Shear a détaillé les forces aériennes et navales au Japon, à Singapour et Guam. Il a ajouté: «Nous opérons un changement important dans le positionnement de nos forces … nous allons déployer un nombre important de marines à Hawaii, Guam et en Australie. Nous allons aussi déployer un dispositif aérien supplémentaire en Australie, avec des bombardiers B1 et avions de surveillance. Nous étudions d’autres déploiements dans les Philippines par roulement une fois que nous avons mis en œuvre l’accord de coopération renforcée … Nous aurons une présence très forte … ».

En Australie, la révélation que les avions B1 arriveraient dans le pays pour resserrer l’étau américain autour de la Chine, a été signalée jeudi soir puis dans les journaux vendredi matin. Au départ, le ministère de la Défense australien n’a pas contesté les déclarations de Shear ; il s’est borné à dire aux journalistes de Fairfax Media que les « détails de la future coopération sont encore à finaliser ».

Alors qu’un débat s’installait sur le déploiement de bombardiers B1, le gouvernement du Premier ministre Tony Abbott cherchait à limiter les dégâts.

L’arsenal meurtrier des B1

Le ministre de la Défense Kevin Andrews a publié une déclaration affirmant que Shear « s’était mal exprimé ».

Lors d’une conférence de presse hâtivement convoquée, Abbott a dit : «Je crois savoir que le fonctionnaire [Shear] s’est mal exprimé et que les États-Unis ne projettent pas de baser ces avions en Australie ». Il a prétendu que l’alliance australo-américaine « ne visait personne » et que son but était de maintenir la paix et la stabilité régionale.

Un responsable australien a attribué une « gaffe » de Shear à « un briefing du Pentagone mal préparé ». Un autre a affirmé qu’«il n’y a eu aucune discussion avec les Américains officiellement ou officieusement à propos de fichus B1s … un tel déploiement est hors de question ».

Peu après, l’ambassade américaine a publié sa propre déclaration via Twitter: « Contrairement aux reportages, pour mettre les choses au clair, les États-Unis n’ont pas de projets pour baser des bombardiers B1 ou des avions de surveillance en Australie ».

Ces démentis ne sont pas crédibles. L’accord de Posture conjointe convenu entre l’ancien gouvernement travailliste du Premier ministre Julia Gillard et l’administration Obama, lors de l’annonce du «pivot» en novembre 2011, comprenait des accords sur le déploiement d’avions. Les bombardiers B-52 ont effectué des visites périodiques aux bases aériennes nord de l’Australie depuis ce temps ; les autorités australiennes « ne confirment ni infirment » s’ils sont armés avec des bombes nucléaires ou conventionnelles.

Ces engagements ont été renforcés lors des pourparlers ministériels annuels entre l’Australie et les États-Unis (AUSMIN). Les réunions de novembre 2013, par exemple, ont prévu des « rotations accrues d’avions de l’Armée de l’Air US dans le nord de l’Australie ».

Même si le Pentagone n’avait pas encore informé le gouvernement australien, c’était un secret de polichinelle que ces «rotations» comprendraient des bombardiers B1. L’avion a été spécifiquement affecté à des missions de longue portée antinavires comme une composante militaire du «pivot».

En août 2012, le major-général Michael Holmes, le chef d’état-major adjoint pour les opérations de logistique de l’Armée de l’air, a dit à USA Today: « Le B1 est particulièrement bien adaptés aux vastes distances et des défis du Pacifique ». L’article a rapporté que Washington équiperait les B1s de « missiles antinavires» pour « dépister les navires en mer et lancer les missiles ‘depuis des centaines de km’ ».

Le Nord de l’Australie est l’endroit idéal pour installer les B1s, selon le plan stratégique américain « Bataille Air/Mer », qui prévoit d’imposer un blocus des principales voies maritimes entre les océans Indien et Pacifique, de paralyser l’économie chinoise, et de détruire des cargos ou des navires de la marine chinoise qui tenteraient de briser le blocus.

« L’erreur » de Shear était de dire publiquement une vérité: que l’utilisation de bases, d’aérodromes et des ports en Australie par Washington est explicitement liée à des préparatifs pour une guerre contre la Chine. Depuis l’annonce du «pivot vers l’Asie», l’establishment politique et médiatique australien entretient une conspiration du silence sur ce fait. Il n’y a eu presque aucune discussion publique, et certainement pas de débat, sauf dans des milieux obscurs des militaires et de la politique étrangère. Tout est fait pour empêcher une opposition de se faire entendre.

Les tentatives d’Abbott et Cie de nier que l’alliance américano-australienne est dirigée contre la Chine sont en partie motivées par le désir d’éviter, pour aussi longtemps que possible, une rupture dans les relations avec la Chine, le plus grand partenaire commercial et le plus grand marché d’exportation de l’Australie.

Plus fondamentalement, toutefois, le recours instinctif aux mensonges témoigne de l’immense nervosité dans les cercles dirigeants australiens et américains quant à la réaction des masses de travailleurs et de jeunes une fois qu’ils deviendront conscients du danger d’une guerre.

Alors que l’administration Obama complote activement une provocation dans la mer de Chine méridionale dans les prochains mois, il devient de plus en plus difficile pour l’establishment d’empêcher le débat public sur les conséquences potentiellement catastrophiques de cette politique impérialiste téméraire.

James Cogan

Article original, WSWS, publié le 16 mai 2015

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