Une étude révèle que les enfants exposés à l’arsenic présentent un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire
Une étude des National Institutes of Health portant sur des enfants a établi une corrélation entre des concentrations d'arsenic supérieures à la normale dans l'urine et des maladies cardiovasculaires à un stade précoce. L'augmentation de l'exposition était liée à l'ingestion de certains aliments et à la proximité de sites industriels.

Une étude évaluée par des pairs et portant sur des enfants vivant à Syracuse, dans l’État de New York, ou dans ses environs, a révélé que des niveaux d’arsenic supérieurs à la normale dans l’urine étaient associés à des signes de cardiopathie asymptomatique à un stade précoce.
Après avoir pris en compte le régime alimentaire, le tabagisme passif et d’autres facteurs, les chercheurs ont conclu que la proximité de sites industriels était la principale source d’exposition.
Une relation similaire entre l’arsenic et les altérations du cœur et du système circulatoire a été observée précédemment chez les adultes, dont un grand nombre évolue vers une cardiopathie à part entière. Les implications à long terme pour les enfants ne sont toutefois pas claires.
Les cardiopathies infantiles précoces et sans symptômes sont normalement associées à des facteurs de risque chroniques, bien compris et souvent inévitables, tels que la génétique, les maladies rénales et le diabète.
Il est possible de réduire l’exposition à l’arsenic, ce qui réduit vraisemblablement le risque de problèmes cardiaques, en traitant l’eau de manière appropriée ou en évitant certains aliments.
L’exposition par le biais de l’environnement est toutefois un problème plus épineux, car de nombreux sites industriels contaminés par l’arsenic – dont certains sont situés à proximité des habitations – sont des sources d’exposition moins évidentes, par exemple par inhalation.
L’article, publié le 30 juin sur le JAMA Network, est le premier à établir un lien entre les niveaux d’arsenic et les maladies cardiovasculaires subcliniques (MCV) chez les enfants.
L’étude transversale a analysé des échantillons d’urine “ponctuels” (aléatoires ou uniques) de 245 enfants âgés de 9 à 11 ans. (Cela diffère de nombreuses études qui recueillent toute l’urine d’un patient sur une période prescrite, généralement 24 heures).
Les sujets étaient un sous-ensemble d’une étude beaucoup plus vaste, appelée Environmental influences on Child Health Outcomes (ECHO) réalisée sous les auspices des National Institutes of Health (NIH).
Étant donné que la concentration dans l’urine reflète la consommation d’eau, l’état d’hydratation et l’activité physique d’un individu, les niveaux d’arsenic ont été exprimés sous la forme d’un rapport avec les niveaux de concentration de créatinine, un produit de dégradation musculaire et un biomarqueur de la fonction rénale.
La créatinine est présente dans tous les échantillons d’urine des individus en santé.
La normalisation des niveaux d’arsenic par rapport à la créatinine est généralement entreprise lorsque les concentrations d’arsenic dépassent 10 microgrammes par litre dans l’urine. Dans le cas présent, la décision a été prise simplement en fonction de la disponibilité de l’échantillon.
Après ajustement pour d’autres variables indépendantes, les chercheurs ont calculé une concentration moyenne d’arsenic de 7,76 microgrammes par gramme de créatinine. Cette valeur est légèrement supérieure à la moyenne de 7,08 microgrammes par gramme aux États-Unis pour les enfants âgés de 6 à 11 ans.
À propos des maladies cardiovasculaires subcliniques
Les MCV subcliniques sont définies comme des modifications physiques du cœur ou du système circulatoire à un stade précoce qui ne provoquent pas encore de symptômes, mais qui pourraient être dangereuses si elles évoluaient.
Dans cette étude, les chercheurs se sont concentrés sur trois biomarqueurs : l’épaisseur de l’intima carotidienne (CIMT), la vitesse de l’onde de pouls (PWV) et le remodelage cardiaque (CR) déterminé par échocardiographie.
La PWV carotido-fémorale évalue la rigidité de l’aorte, tandis que le remodelage cardiaque implique des changements au niveau des cellules et/ou des tissus qui suggèrent des lésions cardiaques antérieures ou en cours.
La CIMT est une mesure de la maladie vasculaire athéroscléreuse de la carotide, et quantifie l’épaisseur de l’intima et de la média, les deux couches internes de l’artère carotide.
Une détection précoce, avant l’apparition des symptômes, peut suggérer la nécessité d’un traitement agressif pour réduire le risque de maladie cardiaque associé avant que les patients ne développent des symptômes ou ne subissent des événements cardiaques.
Après ajustement des variables confusionnelles – telles que le sexe, la race et le statut socio-économique – les chercheurs ont trouvé une association entre des niveaux élevés d’arsenic (normalisés par rapport à la créatinine) et des augmentations de l’épaisseur de l’intima media de la carotide. Cette relation était également statistiquement significative pour les concentrations totales d’arsenic (non ajustées).
Les concentrations d’arsenic étaient également plus élevées chez les enfants atteints d’hypertrophie concentrique, une forme de remodelage cardiaque dans laquelle les parois du ventricule gauche s’épaississent sans que le tissu lui-même n’augmente de taille. Dans ce cas, les niveaux ajustés d’arsenic étaient de 16,77 microgrammes par gramme de créatinine, ce qui représente plus du double de la valeur de référence pour les individus de ce groupe d’âge.
Un taux élevé d’arsenic n’était pas associé à la vitesse de rotation du vent ou à la rigidité artérielle.
Expositions courantes à l’arsenic
Depuis l’Antiquité, l’arsenic jouit d’une réputation complexe, à la fois remède et poison.
Il a également été utilisé comme pesticide, mais contrairement aux insecticides et désherbants organiques, qui finissent par se décomposer dans l’environnement, l’arsenic persiste parce qu’il s’agit d’un métal. Bien que certaines formes d’arsenic, comme les composés organo-arséniés (que l’on trouve principalement dans les organismes aquatiques), soient moins toxiques que d’autres, l’ingestion d’arsenic, sous quelque forme que ce soit, présente un risque.
Les enfants ingèrent de l’arsenic principalement par le biais des aliments et de l’eau. Presque toutes les eaux contiennent de l’arsenic, les concentrations dans l’eau potable aux États-Unis allant d’environ un microgramme par litre, en moyenne, à environ 9 microgrammes dans des échantillons prélevés dans le Nevada et jusqu’à 166 microgrammes par litre dans certaines régions de l’Utah.
Bien que l’arsenic ait été ajouté aux aliments transformés au début des années 1900, cette pratique a cessé. Néanmoins, l’arsenic est présent partout et ne peut être totalement éliminé des aliments.
Selon une étude européenne, l’adulte moyen consomme près de 40 microgrammes par jour (0,56 microgramme par kg de poids corporel) d’arsenic inorganique, qui est facilement éliminé en raison de sa solubilité dans l’eau.
De nombreux aliments sont riches en arsenic, y compris certains dont la consommation modérée est normalement associée à une bonne santé : le riz et les produits à base de riz, les champignons, la volaille et certains jus de fruits.
L’environnement artificiel est une autre source potentielle d’arsenic, par exemple les sites industriels tels que les verreries et les fonderies, ainsi que certains produits tels que le bois traité sous pression.
Compte tenu de son omniprésence dans la nature, il se pourrait que la toxicité de l’arsenic, comme celle de nombreuses autres substances, soit une question de dosage. Au cours des années 1970 et 1980, plusieurs groupes de recherche ont étudié la possibilité que cet élément, comme le sélénium et le bore, soit nécessaire en quantités infimes pour être en bonne santé.
L’arsenic joue un rôle dans le métabolisme de la méthionine, un acide aminé essentiel, et dans le silençage des gènes, un processus naturel et continu par lequel l’organisme désactive (et active) les gènes. D’autres études suggèrent qu’il pourrait interagir de manière bénéfique avec le sélénium, un autre “poison” naturel dont les bienfaits à très faibles doses sont bien documentés.
Sur la base de ces travaux, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a concluque “les informations provenant d’études expérimentales sur des rats, des poussins, des miniporcs et des chèvres démontrent la plausibilité que l’arsenic, au moins sous forme inorganique, est un nutriment essentiel”.
Une évaluation ultérieure a toutefois suggéré que le sujet devait faire l’objet de recherches plus approfondies.
Est-ce une question de géographie ?
Les chercheurs n’ont pas trouvé de lien significatif entre les niveaux d’arsenic dans leur cohorte d’étude et le tabagisme passif, la consommation d’eau ou les catégories d’aliments relevant de l’indice d’alimentation saine du ministère américain de l’agriculture (USDA).
Ils ont toutefois noté des concentrations d’arsenic plus élevées dans plusieurs aliments sains consommés par les enfants, notamment les haricots, les légumes verts, les fruits de mer et les protéines végétales. Ces quatre aliments ont en fait contribué à plus de la moitié de l’apport quotidien en arsenic des sujets.
Les auteurs ont trouvé des groupes de niveaux élevés et faibles d’arsenic urinaire dans toute la région géographique étudiée, et les régions à niveaux élevés avaient tendance à être proches de sites industriels ou d’anciens sites industriels.
Ils ont trouvé un “groupe significatif” d’arsenic total élevé au sud-est du lac Onondaga, près de Syracuse, dans une zone “alignée sur les vents dominants et le ruissellement du bassin versant”. Le sud-est d’Onondaga est actuellement un site dit ‘superfund’ (défini aux Etats-Unis comme une site pollué requérant un traitement à long-terme en raison de la présence de matières dangereuses NdT) à cause des rejets d’eaux usées industrielles et municipales au cours des 100 dernières années.
Cette zone, concluent les auteurs, est “la voie probable d’exposition aux espèces inorganiques d’arsenic dans notre cohorte” et “pourrait représenter un point chaud pour l’exposition à l’arsenic”.
La détection précoce est essentielle
Comme cette étude n’examine qu’un moment de la vie de ces sujets, il est impossible de prédire les résultats à long terme pour un individu donné. Cependant, les MCV subcliniques, y compris celles associées à des niveaux élevés d’arsenic, sont considérées comme des ” tremplinsasymptomatiques vers les MCV cliniques et les accidents vasculaires cérébraux, et prédisent une variété de mauvais résultats pour la santé, y compris le vieillissement accéléré, la fragilité, le déclin cognitif et la mortalité toutes causes confondues”.
Des études à long terme sur des personnes présentant ces facteurs de risque ont montré que les hommes qui atteignent l’âge de 50 ans sans aucun facteur de risque majeur ont un risque inférieur de 90 % de subir un événement cardiaque majeur au cours de leur vie. Pour les femmes, la réduction du risque est de 79 %.
La bonne nouvelle, c’est qu’il y a suffisamment de temps pour diagnostiquer, surveiller, atténuer et traiter les enfants et même les adultes touchés. Les technologies d’imagerie avancées, qui ont permis l’étude approfondie du CIMT et du remodelage cardiaque, fournissent également un moyen de surveiller l’impact des changements de régime et de mode de vie, en particulier dès les premiers signes de troubles.
Angelo DePalma, Ph.D.