Une feuille de route vers l’enfer

Palestine ne devait pas exister, et Palestine n’existera pas, parce que l’identité palestinienne a finalement été détruite, massacrée dans les corps et humiliée dans l’esprit. Peut-être que, pour elle aussi, on parlera d’une épave du 20ème siècle, et comme telle, à juste titre, balayée. Le feu dévorant fait rage à Gaza, nourri par de l’essence d’importation que la direction palestinienne, dans son ensemble, a bue avec avidité, parce que on ne lui a aussi jamais vraiment offert d’autres aliments alternatifs, plus propres, plus sains et justes, et que, dans le désert créé par l’injustice et l’isolement, ceux qui apportent des secours méritent gratitude et écoute. Même si tôt ou tard, ils demanderont des comptes. Même si tôt ou tard arrivera, inévitable, l’effondrement de ce sens du « nous » qui avait permis à tout un peuple de se reconnaître dans « sa » diversité. Une altérité qui, si elle l’a condamné dans le monde arabe, lui a toujours permis de sauver son âme, dans les défaites infligées par une Histoire bâtie par d’autres où, depuis une certaine date, un peuple entier n’a plus été prévu. D’autre part, comment ne pas qualifier de plaisanterie grotesque de l’Histoire, l’appel du « pharaon » égyptien Hosni Moubarak au peuple palestinien, pour qu’il descende dans la rue et demande la fin du massacre. Lui, président à vie d’une nation tenue sous le fouet, lui qui n’a certainement gagné honnêtement aucune élection, lui qui a fait des souffrances du peuple palestinien une marchandise d’échange avec Israël.

« C’est la guerre civile », « Vous voyez ? Les Palestiniens se massacrent entre eux ». Des gradins du cirque arrivent les commentaires de ceux qui ont soigneusement cultivé cette lacération, une feuille de route vers l’enfer bâtie au chevet de l’adversaire, une fresque de guerre trempée dans le désespoir et dans l’injustice. Et quelle satisfaction quand les Palestiniens, une fois de plus, ont montré qu’ils n‘étaient dignes d’aucune justice et quand, dans l’atmosphère empoisonnée des lieux sans issue, ils ont choisi, par voie démocratique, un parti aussi mal vu par leurs ennemis que par leurs généreux donateurs. Voilà, ont dit les belles âmes, eux aussi dans le tas du rebut intégriste. Un affront, une ingratitude à punir durement, sans aucune pitié. Et sans aucune conscience de l’impressionnante similitude étalée désormais par tous les conflits que l’Occident a « pris à sa charge ». Vous parlez d’une exaltation et exaspération des identités… Dans cette boucherie de champ de bataille qu’est devenu le « Grand Moyen-Orient » rêvé par les Etats-Unis, et désormais amas de ruines, on en arrive à ne plus rien distinguer de projets, avenir, espoir, horizon partagé. Ce qui se déploie est un domaine barbare, un Grand Jeu de contrôle du territoire et de négation de l’autre.

Un châtiment grotesque de l’histoire est en cours dans cette réplique à l’infini du conflit originel, israélo-palestinien, plaie infectée qui ne pouvait générer que des mutilations irrécupérables à une capacité de cohabitation.

Mais ce qui fait le plus mal dans l’affrontement fratricide qui se consume dans les Territoires martyrisés par l’occupation israélienne, c’est la confirmation qu’on finit toujours, et en plusieurs manières, par ressembler à son propre ennemi, surtout quand celui-ci n’entend assumer aucune autre identité, car même ne serait-ce que la cohabitation,  lui paraît être une défaite et une menace.

S’affronter avec un ennemi qui de jour en jour érode la terre où tu vis, menace ta survie, vit de ta peur, ne se sent rassuré que par ta faiblesse, ne peut qu’induire un bouleversement intérieur, une paralysie de l’âme.

A la fin, n’importe quelle altercation, n’importe quel conflit,  même celui avec ton frère, se transformera en défi mortel pour le contrôle de cette terre sur laquelle tu crois vouloir vivre et pour laquelle  tu es prêt à tuer.

Aux chefs palestiniens ce qui leur échoit, quant aux responsabilités de cette guerre intestine, dernier clou au cercueil de l’état palestinien. Mais que personne ne se sente soulagé, parce que ce cercueil était prêt depuis longtemps.

Editorial de mercredi 13 juin 2007 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



Articles Par : Angela Pascucci

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