Une frappe conventionnelle et nucléaire d’Israël contre l’Iran se rapproche
La logique militaire et le prix du vainqueur conditionnent la menace nucléaire impérialiste
La décision israélienne d’attaquer militairement l’Iran avant la fin de l’année rend inévitable une frappe nucléaire ou, au moins, une menace crédible de frappe. La double raison de cette logique est militaire et géostratégique : a) ni Israël ni les USA n’ont la force conventionnelle nécessaire pour étouffer la réaction belliqueuse régionale que générerait leur agression contre l’Iran; b) le prix de cette guerre est le contrôle de la zone géostratégique la plus importante de l’Eurasie, qui va de la Méditerranée orientale via le Moyen-Orient et l’Asie Centrale jusqu’à l’Asie du Sud-Est.
Le scénario de l’attaque
Le scénario militaire est très clair. Israël essaiera de répéter les succès historiques de ses forces aériennes (IAF), entre autres: la destruction de l’aviation égyptienne en trois heures, durant la guerre de 1967; la destruction, en peu de minutes, du réacteur nucléaire irakien « Osiraq », en 1981, par huit F-16; la destruction de la défense antiaérienne syrienne, en peu de temps et pratiquement sans pertes propres, durant l’agression du Liban, en 1982 et l’attaque de l’IAF contre des cibles syriennes le 6 septembre 2007.
La capacité guerrière pour une telle attaque est très considérable. L’IAF a près de mille avions et douze aéroports militaires; elle dispose de fusées Jericho I, II et III, de courte et moyenne portée, certaines avec la capacité de transporter des têtes nucléaires; elle utilise des satellites spatiaux de reconnaissance et de communication propres et des systèmes de missiles très avancés. L’attaque se dirigerait contre trois installations nucléaires au sud de Téhéran – Natanz, Ispahan et Arak-et, selon le Sunday Times, les pilotes ont effectué des vols d’entraînement jusqu’à Gibraltar et essayé des tactiques d’attaque nucléaire. En plus des avions de combat F-15L et F-16L qui peuvent être réapprovisionnés en vol par des avions ravitailleurs, Israël peut utiliser des missiles de croisière lancés depuis les sous-marins fournis par l’Allemagne, et/ou les fusées Jericho. Finalement l’IAF a, sans doute, les meilleurs pilotes du Moyen-Orient et l’expérience d’attaque de cibles à une distance supérieure à celle de l’Iran, comme l’a démontré l’attaque du quartier général de l’OLP à Tunis en 1985.
La frappe surprise Israël-USA-OTAN sera une réussite
L’Iran a considérablement amélioré ses capacités de défense militaire par l’installation d’un système de renseignement optique dans des parties du Golfe Persique, l’emploi d’un satellite spécial, le développement de fusées de courte et moyenne portée et l’acquisition du système antiaérien russe TOR-M1. Malgré tout, néanmoins, l’attaque surprise Israël-USA-OTAN, qui pourra inclure la destruction du système de défense aérienne, des postes de commandement militaire et des centres de communication les plus importants du pays, sera sans doute une réussite pour les agresseurs et impossible à contrer pour l’Iran.
La contre-offensive iranienne et la nécessité militaire de l’option nucléaire impérialiste
Avant cette frappe initiale, le régime iranien peut diriger sa contre-offensive vers trois cibles stratégiques. La première est la fermeture du détroit d’Hormuz, au travers duquel passent plus de quarante pour cent des exportations du pétrole mondial. Les prix du pétrole pourraient monter facilement à 150 dollars, générant une récession économique mondiale. Les USA ne pourront occuper avec des troupes terrestres le territoire de l’Iran, nécessaires pour garantir les passagespar le détroit.
La seconde possibilité est une attaque avec des fusées de moyenne portée contre les villes, les installations militaires, de communications et nucléaires d’Israël. Les militaires israéliens soutiennent que leurs défenses anti-missiles peuvent abattre les fusées, mais cela est douteux. Une telle attaque pourra inclure le Commandement Central de Washington (Centcom) à Al Udeid, au Qatar, ses installations militaires en Irak et les installations énergétiques d’Arabie Saoudite et des États du Golfe.
La troisième option de l’Iran est la guerre asymétrique moyennant l’activation de ses appuis armés et non-armés chiites au Liban, en Syrie, en Arabie Saoudite, en Irak et en Palestine. Les implications guerrières pour Washington et Tel Aviv seraient graves. La défaite de l’armée israélienne dans son agression contre la guérilla du Hezbollah au Liban, en juillet 2006, a été un signal d’avertissement pour de futures aventures de ce type. La Syrie reçoit par an plus de cinq cent mille pèlerins iraniens et, selon l’armée US, plus de soixante dix pour cent de ses pertes en Irak sont causées par des milices chiites. Si l’Iran parvenait à mobiliser le Hamas, le Hezbollah, les milices chiites irakiennes et si la Syrie se trouvait impliquée dans le conflit, nous aurions un théâtre de guerre régional de la côte orientale de la Méditerranée jusqu’aux frontières du Pakistan.
Les trois scénarios de la contre-attaque iranienne ont un élément en commun: l’axe du mal « Israël-USA-Union Européenne » n’a pas les forces militaires conventionnelles nécessaires pour vaincre l’Iran dans ses trois fronts de contre-attaque. Cette situation laisse au front sioniste-impérialiste seulement trois options :
1. Négocier et accepter un Iran nucléaire, comme il l’a déjà fait avec Israël, l’Inde et le Pakistan. L’élite israélienne, usaméricaine et européenne, néanmoins, rejette catégoriquement cette solution.
2. Obtenir que l’Iran se dénucléarise, suivant les pas de la Corée du Nord, de la Libye, de l’Afrique du Sud, de l’Argentine et du Brésil, et acceptant son statut néocolonial devant l’Occident. Le délai donné par Israël pour un tel processus est jusqu’à fin 2007; mais en raison de la dénucléarisation de la Corée du Nord, signée hier, il est possible qu’il se prolonge. À l’heure qu’il est, il n’y a pas d’indices que l’élite théocratique en Iran accepte ce destin néocolonial.
3. Détruire le projet iranien avec des forces conventionnelles et le cas échéant nucléaires.
Israël a carte blanche pour une attaque nucléaire de l’Iran
Israël est l’unique État qui peut agresser nucléairement l’Iran sans être condamné unanimement par l’opinion publique mondiale. L’histoire de l’holocauste nazi et les commentaires suicides de Ahmadinejad et d’autres leaders iraniens à ce sujet, ont donné à l’élite sioniste l’excuse du bellum iustum (guerre juste) préventif dont elle avait besoin. Si l’Iran ne se soumet pas, cette élite ne laissera pas passer cette occasion en or, pour démontrer aux pays limitrophes qu’il défendra ses intérêts jusqu’à l’holocauste nucléaire
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Les classes politiques de la bourgeoisie transatlantique qui gouvernent encore le monde, acceptent, avec plus ou moins de pudeur démagogique, l’idée d’une frappe nucléaire. La chancelière allemande, Angela Merkel a comparé l’ascension de l’Iran avec l’ascension d’Hitler et a affirmé que « l’Iran n’est pas seulement une menace pour Israël, mais aussi pour les pays démocratiques de ce monde ». Le 16 septembre 2007, le ministre français des Relations Extérieures, Bernard Kouchner, a affirmé qu’un Iran avec des armes nucléaires « est un danger réel pour toute la planète » et que « nous devons être préparés au pire et le pire est la guerre ». Le 26 septembre, le chef de l’impérialisme français, Nicolas Sarkozy, a utilisé l’Assemblée Générale de l’ONU pour répéter qu’il « n’y aura pas de paix dans le monde si la communauté internationale laisse l’Iran se doter d’armes nucléaires; nous prendrions un risque inacceptable pour la stabilité dans la région et dans le monde entier ».
Bush menace d’un holocauste nucléaire, Carter d’un « suicide » de l’Iran
Dans un discours devant des vétérans de guerre, fin août, George W. Bush a menacé directement l’Iran d’un holocauste nucléaire. « L’acharnement actif de l’Iran à obtenir une technologie qui pourrait générer des armes nucléaires menace de mettre une région déjà connue pour son instabilité et sa violence, sous le spectre d’un holocauste nucléaire ». Bush a ajouté : « J’ai autorisé nos commandants militaires » à confronter « les activités meurtrières de l’Iran ». Nous devons affronter « ce danger avant qu’il ne soit trop tard ».
La colombe impérialiste James Carter, pendant ce temps, a averti l’Iran d’un possible suicide: « Nous espérons tous que nous pourrons faire tout ce qui est possible pour éviter que l’Iran se transforme en un pouvoir nucléaire », et il a ajouté : « Je crois qu’il serait pratiquement inconcevable que l’Iran commette un suicide en lançant un ou deux missiles de quelque type que ce soit contre la nation d’Israël ». Évidemment, le « suicide » de l’Iran est seulement possible à travers une attaque nucléaire.
Que Bush soit d’accord ou non avec une telle attaque est, à ce niveau, secondaire, parce qu’aucun des partis dominants aux USA n’osera refuser son appui à Israël dans un conflit militaire avec l’Iran; parce que le refuser signifierait perdre les élections de l’année prochaine. Washington a appuyé dans les cinquante dernières années tous les crimes de guerre d’Israël et le ferait aussi dans ce cas, à plus forte raison s‘il peut compter sur l’appui des puissances européennes.
Le dilemme de l’Iran
L’Iran se trouve dans une situation d’isolement politique et médiatique qui rappelle celle de Saddam Hussein avant l’invasion de 2003. Bien sûr que son pouvoir militaire, tant en termes conventionnels qu’asymétriques, est très supérieur à celui de l’Irak d’alors, mais il est très douteux qu’il se risque à utiliser les scénarios ébauchés, face à la menace réelle d’une attaque nucléaire.
Dans une telle situation le gouvernement iranien n’aura d’autre issue que de chercher une solution négociée; et il doit la rechercher rapidement, avant que le piège se referme, comme ce fut le cas pour Saddam Hussein et les Talibans. S’il ne comprend pas le temps qui lui reste et le rapport de force réel, il est très probable que la « révolution islamique » des ayatollahs termine comme la « révolution socialiste » des partis Baaths au Moyen-Orient: en ruines.
Article original, El golpe convencional-nuclear de Israel contra Iran se acerca, publié le 5 octobre 2007.
Publié en français sur Tlaxcala le 7 octobre.
Traduction de l’espagnol par Gérard Jugant et Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.