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Une guerre sans fin en Afghanistan : Le peuple afghan dans la tourmente
Par Chems Eddine Chitour
Mondialisation.ca, 03 septembre 2017

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« Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, ils n’empêcheront pas la venue du printemps. » Proverbe afghan

Alors que l’on pensait à une désescalade dans le sillage de la politique obamienne visant à ramener les GI’S à la maison et de continuer à sous traiter soit à des entreprises spécialisées soit à renforcer la politique tragique pour les civils des frappes par drones inaugurés sous l’ère Obama le président Trump a décidé non seulement de maintenir les troupes US en Afghanistan mais d’ne augmenter le contingent pour sécuriser ce pays.

Pour Keith Jones Trump ne se contente pas d’énoncer que les Etats Unis ne quitteraient pas l’Afghanistan, il menace le Pakistan qu’il rend responsable de la situation actuelle. Il écrit :

« Les responsables du gouvernement américain ont commencé à préciser le sens de la menace de Trump de punir le Pakistan si ce dernier ne supprime pas les insurgés afghans qui opèrent depuis ses régions frontalières. Ces punitions incluent non seulement des réductions de l’aide et des paiements pour les services rendus dans la guerre en Afghanistan, mais visent aussi à encourager l’Inde, l’adversaire juré du Pakistan, à jouer un rôle plus important en Afghanistan et à soutenir une position plus pro-indienne dans le conflit vieux de sept décennies au Cachemire ». (1)

Bref rappel des débuts de l’invasion

 Prenant prétexte des attentats des tours jumelles à New York attribués à Oussama Bin Laden un ancien protégé des Etats Unis quand il fallait combattre l’Union Soviétique qui avait soutenu en Afghanistan un régime communiste en la personne de Nadjiboullah,, elle envahit à son tour l’Afghanistan. C’est dire si ce pays n’a jamais connu la paix même du temps du roi d’Afghanistan !

Ainsi, comme rapporté dans la contribution suivante :

« le 7 octobre 2001, les troupes américaines envahissaient l’Afghanistan. Ce qui semblait devoir être une victoire rapide contre le régime des talibans s’est révélé une guérilla sanglante et sans fin.   A l’aide des avions et des soldats américains, les seigneurs de la guerre de l’Alliance du nord ont chassé les talibans des principales villes du pays et se sont emparés de Kaboul, la capitale, vers le milieu du mois de novembre 2001. Un nouveau gouvernement a été mis en place et Hamid Karzai, soutenu par les Etats-Unis,  Initialement l’opération américaine avait été nommée «Infinite Justice»  (justice infinie Quinze ans après l’invasion, il reste encore un peu moins de 9 000 soldats et officiers américains en Afghanistan. Un chiffre à comparer avec un maximum de 100 000 en 2011. » (2)

« Depuis 2002, les Etats-Unis ont dépensé plus de 60 milliards de dollars pour former et équiper les forces de sécurité afghanes, selon Reuters. Les commandants américains en Afghanistan continuaient à demander plus de troupes, mais la quasi-totalité des forces de Washington étaient occupées en Irak, après que l’invasion de 2003 eut pris le même chemin que celle d’Afghanistan : de la victoire rapide au bourbier. Grâce à la combinaison de «poussées» en termes de militaires et des pots-de-vin versés aux dirigeants locaux, les Etats-Unis ont réussi à briser la majeure partie de l’insurrection en Irak. Après son élection, Barack Obama a mis en place un programme similaire en Afghanistan ». En mai 2011, Oussama Ben Laden, est tué rapporte le gouvernement des Etats-Unis. le président américain a annoncé un retrait progressif d’Afghanistan d’ici la fin 2016. L’arrêt des opérations de combat a officiellement été déclarée en décembre 2014. Un an plus tard, les talibans étaient de retour à Kunduz, plantant leur drapeau sur la place principale de la ville »(2) 

Bilan « provisoire » du conflit afghan

Selon un rapport de l’ONU publié le 9 mars 2011, l’année 2010 aura été la plus meurtrière pour les civils afghans dans le conflit qui oppose depuis neuf ans les forces internationales et nationales et les taliban. Avec 2777 civils tués, le nombre de morts dans les affrontements a fait un bond de 15% l’année dernière par rapport à 2009, selon un rapport de la Mission d’assistance de l’ONU en Afghanistan (Manua). Deux attentats suicides ont eu lieu ce samedi 6 avril 2013 en Afghanistan, en pleine visite du nouveau secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, arrivé la veille. Une explosion revendiquée par les taliban s’est produite à Kaboul, tuant neuf civils. Un deuxième attentat a été perpétré dans l’est du pays. Au moins huit enfants ont été tués. A Kaboul, les taliban ont prouvé que, malgré le renforcement du dispositif de sécurité lié à la venue d’un officiel américain, leurs attaques pouvaient toujours atteindre leur cible. (…) La rébellion menée par les taliban n’a toujours pas été matée malgré onze années de présence internationale et plus de 130.000 soldats étrangers sur le terrain.

8 400 militaires américains sont toujours présents en Afghanistan dans le cadre de l’opération « Soutien résolu ».   Jusqu’à 100 000 militaires américains ont été engagés en Afghanistan en 2011 La présence militaire est également étoffée par le recours massif à des sociétés militaires privées (SMP) rétribuées par les Etats-Unis pour assurer des missions de sécurité et de maintien de l’ordre. Ces contractors sont actuellement trois fois plus nombreux que les militaires américains en Afghanistan. Employés par des entreprises anglo-saxonnes (la plus connue étant Blackwater), ils ne sont pas tous de nationalité américaine et ne figurent pas dans les décomptes officiels des victimes de cette guerre.

La guerre en Afghanistan a causé de nombreuses pertes humaines, et les Etats-Unis ont payé le plus lourd tribut, avec 2 403 soldats tués depuis 2001 – ils déplorent deux fois plus de morts que l’ensemble des autres pays de la coalition (1 136 victimes). Près de 500 militaires ont perdu la vie au cours de la seule année 2010. A titre de comparaison, le bilan des pertes civiles est difficile à établir, mais il se montait à au moins 17 000 morts en 2014, et dépasse 3 500 morts par an durant les trois dernières années, selon un rapport de l’institut Brookings.

Le bilan humain se double d’un lourd bilan comptable. Selon un article publié en juillet 2017 par le Center for Strategic and International Studies, les guerres menées par les Etats-Unis après le 11-Septembre (Afghanistan, Irak, Syrie) ont coûté 2 000 milliards de dollars, soit 1 700 milliards d’euros. Les seules dépenses du département de la défense pour l’Afghanistan dépasseront 840 milliards de dollars (714 milliards d’euros) si le budget est voté en l’état.

Selon Anthony Cordesman, de la chaire de stratégie Arleigh Burke, qui a réalisé ce décompte, les sommes versées depuis seize ans pour le conflit afghan dépassent le montant du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe en 1945.

«Le budget militaire ne constitue pas la seule source de dépenses, puisque les Etats-Unis financent aussi   le  développement économique et la reconstruction politique du pays, pour des montants dépassant la centaine de milliard de dollars. Les Etats-Unis ont consacré près de 110 milliards de dollars à la reconstruction de l’Afghanistan Outre les dépenses militaires, les Américains ont versé des aides au développement économique, à la lutte antidrogues ou antiterroriste et à la protection civile » (3).

« Plus de 4 000 soldats de la coalition et 15 000 soldats afghans sont morts au cours de l’opération «Liberté immuable». Les pertes américaines au cours de ces 4 830 jours d’opération se sont élevées à 2 356 morts et 19 950 blessés alors que chez les talibans, on dénombre de 25 000 à 40 000 victimes. Les estimations du nombre de victimes civiles varient entre 31 000 pour l’Institut Watson d’études internationales et 170 000, répertoriées dans le rapport Body Count, édité par Physicians for Social Responsibility and the Prevention of Nuclear War. Le coût estimé de la guerre en Afghanistan s’élève à 685,6 milliards de dollars, selon le service américain de recherches du Congrès (CRS)» (3).

S’agissant des civils et il est curieux que les articles notamment du journal le Monde (donneur de leçons avec un Decodex à géométrie variables) sont hémiplégiques, il ne parle que du côté américain et là encore il faut savoir que les Américains sous-traitent la guerre à des compagnies privées dont c’est le métier de …tuer : En clair des tueurs à gage sur contrat ; C’est le cas de la plus connu Black Water… Il a fallu chercher ailleurs l’information.   L’ONG Amnesty International estime a 100.000 le nombre de civils afghans tués dans cette guerre. civile.

Une singularité obamienne : La guerre par drones interposés

Il semble que la guerre a pris un tournant sous l’ère du président Obama Prix Nobel de la paix. Au nom de la doctrine « zéro mort  chez nous et me maximum chez l’adversaire » la guerre des drones est une singularité c’est une guerre asymétrique où l’adversaire n’est pas vu si ce n’est à travers l’écran radar :

«  Comme lu sur l’encyclopédie Wikipédia La guerre d’Afghanistan débutée en 2001 est la première guerre qui voit une utilisation massive des drones et autres avions sans pilote tel le MQ-1 Predator ou le MQ-9 Reaper,   Fin 2011, les forces armées américaines disposent de plus de 160 Predator, d’une cinquantaine de Reaper   Outre ces drones de combat et les drones de reconnaissance des drones logistiques sont utilisés depuis décembre 2011 par l’US Marine Corp pour le transport et le largage de fret   permettant d’éviter le recours aux convois de camions, vulnérables (Les drones qui opèrent au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen sont contrôlés à partir du Nevada , peuvent viser en direct avec leur caméra d’une grande précision des insurgés cachés derrière un rocher » (4)

« Et désormais, l’US Air Force forme plus d’opérateurs de drones que de pilotes de combat. Ainsi, en 2025, un tiers de la flotte américaine devrait être composé de drones de combats, soit plus de 900 appareils. Les nouveaux Predators, baptisés Avenger, seront propulsés par des réacteurs leur permettant d’atteindre plus de 700 km/h  (…) Ils sont aussi engagés dans des opérations d’assassinats ciblés sur le territoire pakistanais où 93 attaques ont été menées de début 2008 à fin 2009 et 204 attaques de début 2010 à fin 2011. Au total, de 2004 à 2013, 368 attaques ont été menées (dont 316 sous le mandat de Barack Obama) au Pakistan, occasionnant 2 537 à 3 533 morts . Plusieurs responsables talibans et d’Al-Qaida, comme Baitullah Mehsud ont ainsi trouvé la mort » (4)

La mort en joystick

Une technologique infernale concernant la mort est le drone avec des noms qui font froid dans le dos : drone Predator, drones furtifs, drones reapers (faucheuses).   Ils sont expérimentés sur les faibles qui pensent échapper en vain à l’attaque sans pitié.  Dans cet ordre, l’histoire que nous allons rapporter est celle d’une bavure parmi des dizaines :

« Brandon Bryant était pilote de drone au sein d’une unité spéciale de l’armée de l’air américaine. Depuis l’Etat du Nouveau-Mexique, il a tué des dizaines de personnes. Jusqu’au jour où il a déclaré forfait. Pendant plus de cinq ans, Brandon Bryant a travaillé dans un container allongé de la taille d’une caravane, sans fenêtres, à température constante de 17 °C, et dont la porte était condamnée par mesure de sécurité. Devant les yeux de Brandon et de ses collègues scintillaient quatorze écrans. Sous leurs doigts, quatre claviers. Il suffisait que Brandon presse un bouton au Nouveau-Mexique pour qu’un homme meure à l’autre bout de la planète. A l’intérieur du container, des ordinateurs ronronnent. C’est le cerveau d’un drone. Dans l’US Air Force, on appelle cette pièce un « cockpit ». A cette différence près que les pilotes du container ne volent pas – ils se contentent de piloter. Brandon était l’un d’entre eux.     Il se souvient très précisément des huit que décrivait le Predator dans le ciel afghan, à plus de 10.000 kilomètres de l’endroit où il se trouvait. » (5)

« Dans le réticule du drone, une maison aplatie en terre, avec une étable pour les chèvres, se rappelle-t-il. Lorsque l’ordre de faire feu tombe, Brandon presse un bouton de la main gauche, « marque » le toit au laser, et le pilote assis à côté de lui déclenche le tir à l’aide d’un joystick. Le drone lance un missile de type Hellfire. Il reste alors seize secondes avant l’impact.   Plus que sept secondes, pas l’ombre d’un humain. Soudain, un enfant qui court à l’angle de la maison. Au moment de l’impact, le monde virtuel de Brandon et le monde réel d’un village situé entre Baghlan et Mazar-e Charif se télescopent. Brandon voit une lueur sur l’écran- l’explosion. L’enfant a disparu. Brandon a l’estomac noué. « On vient de tuer le gamin ? » demande-t-il à son collègue assis à côté. « Je crois que c’était un gamin », lui répond le pilote. « C’était un gamin ? » C’est alors que quelqu’un qu’ils ne connaissent pas intervient, quelqu’un qui se trouve quelque part dans un poste de commandement de l’armée et qui a suivi leur attaque : « Non, c’était un chien. » (…) Un beau jour, Brandon Bryant n’a plus eu qu’une seule envie, partir, faire autre chose. L’espoir d’une guerre confortable, sans séquelles psychologiques, a fait long feu ». (5)

Les causes d’une. guerre sans fin:  business et richesses minières 

On peut se demander pourquoi  cet acharnement sur un peuple sans défense depuis 17 ans.  Ce peuple qui n’a jamais connu la paix quand on sait que la CIA avait formé Oussama ben Laden pour lutter contre l’URSS qui avait envahi l’Afghanistan,  en le dotant de missiles Stinger qui qui firent des ravages dans les blindés soviétiques. Ce fameux Ben Laden devenu ennemi n°1 après le 11-Septembre et rechercher wanted  dead or alive  d’après Bush Jr.  Ben Laden mort , le motif sera d’éradiquer les talibans -anciens alliés  des Etats-Unis- , et qui sont toujours là après 16 ans d’un conflit sanglant.

Pour Pepe Escobar la situation actuelle est un piège de la guerre sans fin  pour les Etats Unis, leur ‘nouvelle stratégie’ pour l’Afghanistan est avant tout une question de business. Du fait d’un pays riche du point de vue minier et qu’ils ne veulent pas laisser tomber dans l’orbite  la Chine ou la Russie voire du BRIC’S. Il écrit :

« Déplaçons-nous jusqu’en Afghanistan. “Mad Dog” Mattis avait dit dans le passé à quel point tuer des combattants talibans l’amusait. Don Rumsfeld, l’homme des « inconnues connues » a été plus réaliste ; il est parti d’Afghanistan (et s’est reporté sur l’Irak) parce qu’il n’y avait pas assez de bonnes cibles à bombarder. Tout ceux qui ont passé quelque temps à travailler/faire des reportages sur l’Hindou Kouch afghan et les déserts du sud-est savent pourquoi aucune solution militaire n’est possible ici. Il y a des multiples raisons, à commencer par le clivage ethnique profond, radical des Afghans (en gros, 40% sont des Pachtounes tribaux ruraux, dont nombre de recrues des talibans ; presque 30% sont des Tadjikes, dont nombre de lettrés, de citadins et de membres du gouvernement ; plus de 20% sont des chiites hazaras et 10% sont des Ouzbèkes) ».  (7)

« Le gros de « l’aide » poursuit Pepe Escobar,  de Washington à Kaboul au cours de ces dernières 16 années s’est concentré sur le front des bombardements, pas de l’économie. La corruption du gouvernement est catastrophique. Les seigneurs de la guerre règnent. (…) Et nous ne parlons même pas de ceux qui profitent réellement du commerce de l’opium/héroïne à grande échelle du pays. Il y a deux mois, l’ambassadeur afghan à Washington, Hamdullah Mohib, expliquait d’une voix haletante à quel point « le président Trump est intéressé par le potentiel économique de l’Afghanistan », notamment « nos estimations d’1 trillion de dollars en cuivre, minerai de fer, terres rares, aluminium, or, argent, zinc, mercure et lithium. » (7)

«  Cela a mené les habituels « officiels américains » anonymes à déclarer à Reuters, le mois dernier, que ce que Trump veut est que les USA exigent une partie de cette richesse en minerais en échange de son « assistance » à Kaboul ». Une étude géologique américaine vieille d’une bonne décennie avait effectivement identifié des richesses potentielles en minerais afghans – de l’or, de l’argent, du minerai de fer, de l’uranium, du zinc, du tantale, de la bauxite, du charbon, du gaz naturel et du cuivre – plus d’un trillion de dollars estimés, avec force références à l’Afghanistan en tant que « Arabie Saoudite du lithium ». Et la concurrence – encore cette fois, la Chine – est déjà là, confrontée à une multitude de problèmes d’infrastructures et d’administration, mais concentrée sur l’incorporation de l’Afghanistan, à long terme, dans la nouvelle Route de la soie, alias Initiative Belt and Road, et de son bras armé, l’Organisation de coopération de Shanghai. Que le partenariat stratégique Russie-Chine veuille une solution afghane élaborée par les Afghans et supervisée par l’OCS (dont l’Afghanistan est membre observateur et futur membre à part entière) n’est un secret pour personne. Donc, du point de vue des éléments néocons/néoliberalcons du Parti de la guerre de Washington, l’Afghanistan ne tient debout que s’il sert à harceler/entraver/handicaper l’Initiative Belt and Road ». (7) 

Le projet militaire des États-Unis pour le monde : La tentation d’empire

A côté  de l’accaparement des ressources énergétiques et minières, Thierry  Meyssan connu pour avoir dénoncé le « récit officiel du 11-Septembre »,  décrit un pays qui refuse de comprendre que le monde a changé et que des pôles nouveaux émergent. La tentation d’empire est toujours aussi vivace et les Etats-Unis feront tout pour maintenir le statut quo ante . Il écrit :

« (…) le président Bachar el-Assad est la seule personnalité à s’être adaptée à la nouvelle « grande stratégie états-unienne »  Depuis 70 ans, l’obsession des stratèges états-uniens n’aura pas été de défendre leur peuple, mais de maintenir leur supériorité militaire sur le reste du monde. Durant la décennie allant de la dissolution de l’URSS aux attentats du 11 septembre 2001, ils cherchaient les manières d’intimider ceux qui leur résistaient. Harlan K. Ullman développait l’idée de terroriser les populations en leur assénant un formidable coup sur la tête (Shock and awe, le choc et la stupeur) [1]. C’était idéalement l’usage de la bombe atomique contre les Japonais, dans la pratique, le bombardement de Bagdad par une pluie de missiles de croisière ». (8)

Meyssan s’en refaire au gourou Leo Strauss qui a formaté l’imaginaire des va-t-en guerre des néo-conservateurs. Il poursuit :

« Les Straussiens (c’est-à-dire les disciples du philosophe Léo Strauss) rêvaient de mener et de gagner plusieurs guerres à la fois (Full-spectrum dominance, la domination tous azimuts). Ce furent donc les guerres d’Afghanistan et d’Irak, placées sous un commandement commun. L’amiral Arthur K. Cebrowski préconisait de réorganiser les armées de manière à traiter et à partager une foule de données simultanément. Ainsi des robots pourraient un jour indiquer instantanément les meilleures tactiques. Comme nous allons le voir, les profondes réformes qu’il a initiées n’ont pas tardé à produire des fruits vénéneux ». (8)

Parlant de la tentation de l’hyper-puissance à tout prix dans le sillage du PNAC ( Project for New American Century) «  Projet pour un Nouveau Siècle Américain, , il écrit :

« Ces idées et ces phantasmes ont d’abord conduit le président Bush et la Navy à organiser le    plus vaste système d’enlèvement international et de torture, qui a fait 80 000 victimes. Puis, le président Obama à mettre sur pied un système d’assassinat, principalement par drones mais aussi par commandos, qui opère dans 80 pays et dispose d’un budget annuel de 14 milliards de dollars  À partir du 11-Septembre, l’assistant de l’amiral Cebrowski, Thomas P. M. Barnett, a dispensé de nombreuses conférences au Pentagone et dans les académies militaires pour annoncer ce que serait la nouvelle carte du monde selon le Pentagone . Ce projet a été rendu possible par les réformes structurelles des armées US ; réformes dont découle cette nouvelle vision du monde. Il semblait si délirant que les observateurs étrangers le considérèrent hâtivement comme une rhétorique de plus pour susciter la peur des peuples à dominer ». (8)

« Barnett affirmait que pour maintenir leur hégémonie sur le monde, les États-Unis devaient « faire la part du feu », c’est-à-dire le diviser en deux. D’un côté, des États stables (les membres du G8 et leurs alliés), de l’autre le reste du monde considéré comme un simple réservoir de ressources naturelles. À la différence de ses prédécesseurs, il ne considérait plus l’accès à ces ressources comme vital pour Washington, mais prétendait qu’elles ne seraient accessibles aux États stables qu’en passant par les services des armées états-uniennes. Dès lors, il convenait de détruire systématiquement toutes les structures étatiques dans ce réservoir de ressources, de sorte que personne ne puisse un jour ni s’opposer à la volonté de Washington, ni traiter directement avec des États stables ».

« C’est très exactement cette politique poursuit Thierry Meyssan, qui a été mise en œuvre depuis le 11-Septembre. Aucune des guerres qui ont été menées ne s’est terminée. Depuis 16 ans, les conditions de vie des Afghans sont tous les jours plus terribles et dangereuses. La reconstruction de leur État, que l’on annonçait planifier sur le modèle de l’Allemagne et du Japon d’après la Seconde Guerre mondiale, n’a pas eu lieu.  Les stratèges US aiment à comparer leur pouvoir à celui de l’Empire romain. Mais celui-ci apportait sécurité et opulence aux peuples qu’il conquérait et qu’il intégrait. Il construisait des monuments et rationalisait leurs sociétés. Au contraire, le néo-impérialisme états-unien n’entend rien apporter ni aux peuples des États stables, ni à ceux du réservoir de ressources naturelles. Il prévoit de racketter les premiers et planifie de détruire le lien social qui soude les seconds. Il ne veut surtout pas exterminer ces derniers, et a besoin qu’ils souffrent pour que le chaos dans lequel ils vivent empêche les États stables d’aller chercher chez eux des ressources naturelles sans la protection des armées US » (8).

Thierry Meyssan parle des vassaux qui acceptent de se faire « protéger » par l’empire et n’ont droit qu’aux miettes et qu’il n’y a pas libre arbitre pour les vassaux européens (Royaume Uni, France, Allemagne Italie, Espagne..) en dehors de l’adoubement par l’Empire. Il conclut :

« Le néo-impérialisme états-unien conclut suppose que les autres États du G8 et leurs alliés acceptent de laisser « protéger » leurs intérêts à l’étranger par les armées US. Si cela ne pose pas de problème avec l’Union européenne, qui est déjà émasculée depuis fort longtemps, cela devra être discuté avec le Royaume-Uni et sera impossible avec la Russie et la Chine. Rappelant sa « relation spéciale » avec Washington, Londres a déjà réclamé d’être associé au projet US pour gouverner le monde. C’était le sens du voyage de Theresa May aux États-Unis en janvier 2017, mais elle n’a pas reçu de réponse Il est par ailleurs impensable que les armées US assurent la sécurité des « routes de la soie » comme elles le font aujourd’hui avec leurs homologues britanniques pour les voies maritimes et aériennes. De même, il est impensable de faire plier le genou de la Russie, qui vient d’être d’ailleurs exclue du G8 en raison de son engagement en Syrie et en Crimée ». (8)

Conclusion

On dit que la guerre a couté cher ! Cela dépend pour qui ! Est-ce pour les entreprises de fabrique d’armement notamment des drones et   autres appareils sophistiqués ? Certainement pas !   Si les coûts mentionnés dans cet article représentent ce qui est à la charge des contribuables américains, en revanche, les profits (que l’on s’autorise à imaginer juteux) des entreprises américaines réalisés sur sol afghan doivent bien atterrir à quelque part, là résident les raisons du maintien des troupes américaines sur sol afghan.

Aujourd’hui, l’Afghanistan produit plus de 90% de l’héroïne dans le monde, dans des quantités beaucoup plus importantes qu’avant 2001. La culture de l’opium, interdite en vertu de l’interprétation stricte de l’islam par les talibans, a fait un splendide retour pendant la guerre. Un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a estimé l’ampleur de la culture de l’opium en Afghanistan à plus de 200 000 hectares. Les chiffres définitifs pourraient encore dépasser le record de 2014 (224 000 hectares).   Le commerce de l’héroine rapporte des milliards de dollars et tout le monde se sert même les services secrets des différents pays de l’Otan et les seigneurs de la guerre qu’il faut corrompre. L’aide éventuelle s’évapore avant d’arriver aux citoyens lambda mais ce sont eux qui payent tragiquement cet état de guerre sans fin.

Plus largement le monde est en train de changer et l’Occident n’a pas encore pris la mesure de l’inéluctabilité du déplacement du barycentre du monde vers l’Asie ; les tentatives occidentales notamment de la vieille Europe qui a perdu son magister moral en se mettant à la remorque américaine sont vaines. Comme le martèle le président chinois il y a de la place pour tout le monde il n’y a pas lieu de continuer un combat d’arrière garde tendant à maintenir en vain un monde unipolaire , mais aller vers un monde multipolaire pour combattre la misère, les changements climatiques comme c’est le cas tragique de ce qui arrive au Texas. La paix est à ce prix. Ainsi va le monde…

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Notes

1.Keith Jones : http://www.mondialisation.ca/les-etats-unis-intensifient-la-guerre-en-afghanistan-et-menacent-le-pakistan/5605721

2.https://francais.rt.com/international/27301-guerre-sans-fin-afghanistan

3.http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/08/22/2-400-morts-20-000-blesses-840-milliards-de-dollars-le-lourd-bilan-americain-en-afghanistan_5175241_4355770.html

4.https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Afghanistan_(2001-2014)

5.Nicola Abé : Drones:Un ancien pilote américain raconte Der Spiegel 3 janvier 2013

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130407.OBS7064/afghanistan-l-ot…

7.Pepe Escobar http://www.atimes.com/article/korea-afghanistan-never-ending-war-trap/

8.Thierry Meyssan http://www.voltairenet.org/article197539.html

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