Une lettre de Mumia Abu-Jamal à l’Humanité et au congrès mondial

Journaliste nord-américain, Mumia Abu-Jamal a été condamné en 1982 à la peine capitale au terme d’un procès inique. Depuis le couloir de la mort, il clame son innocence et ne cesse de dénoncer le système judiciaire et carcéral. Grâce à la complicité de son avocat, Me Robert Bryan, et de son collectif de soutien français, Mumia a fait parvenir ce message à l’Humanité. (Spécial pour l’Humanité, à Paris)

La vie quotidienne dans le couloir de la mort, c’est la négation totale de la vie. C’est la vie dans une boîte ou une cage pendant vingt heures chaque jour, cinq jours par semaine, attendant une date pour mourir, des années durant.

C’est une vie passée pratiquement seul. Pendant que vous êtes 20 heures par jour dans cette boîte (ou 24 heures durant le week-end). Des camarades dans le couloir de la mort au Texas ont répondu à un tel traitement par le suicide.

C’est une vie loin de votre famille, souvent à des centaines de miles d’eux. Si, par chance, il arrive qu’ils vous rendent visite, c’est une « visite » sous surveillance, derrière des vitres épaisses. C’est une visite sans contact, une visite en menottes.

La vie quotidienne dans le couloir de la mort est une vie sous la menace quotidienne de la mort.

C’est une vie où le sort de quelqu’un peut dépendre d’un caprice. Où des stéréotypes racistes interfèrent souvent avec des réalités troubles ; où l’État cherche à tuer à petit feu… jour après jour.

Le couloir de la mort est une prison dans la prison, sous une prison, où un entourage restreint se moque bien de savoir si vous êtes en bonne santé ou malade, sain d’esprit ou fou.

Vous êtes livré uniquement à vous-même. Votre journée est ce que vous en faites.

Laissez-moi vous donner un exemple pour montrer combien les choses ne sont pas déglinguées uniquement dans le couloir de la mort, qu’elles sont même déglinguées après !

En novembre 2005, Harold C. Wilson (de Philadelphie) a été acquitté lors d’un rejugement pour 3 meurtres, après dix-sept ans dans le couloir de la mort.

Aujourd’hui, Harold ne peut toujours pas trouver un emploi à cause de ses mises en accusation (même après acquittement) ; sa santé aussi s’est tellement détériorée, après des années à avoir dû marcher sur le sol bétonné avec les pantoufles bon marché, sans épaisseur, fournies par l’État, qu’il souffre en permanence des pieds et des – genoux.

Il a été acquitté par un jury et le linceul des stigmates du couloir de la mort le couvre encore comme une nuée.

Il n’est plus dans le couloir de la mort, mais, dans un sens, il est encore dans le couloir de la mort dans les rues de Philadelphie.

Mumia Abu-Jamal, couloir de la mort, États-Unis, le 24 janvier 2007.



Articles Par : L'Humanité

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