Une nouvelle guerre pour le pétrole du Soudan
Au-delà des troubles au Darfour, la reprise de la guerre entre le nord et le sud représente la pire menace contre la stabilité du Soudan. L’enjeu, c’est le contrôle des richesses pétrolières par Khartoum, avec en toile de fond la compétition entre la Chine et les occidentaux.
Les experts ont mis en garde : si la guerre entre le Nord et le Sud du Soudan doit reprendre, ce sera d’abord à Abyei, une localité du centre du pays dans la région où le Nord arabe et musulman et le Sud noir et animiste ou chrétien viennent au contact.
Les combats ont éclaté le 14 mai à Abyei, à la suite d’incidents provoqués par des miliciens soutenus par Khartoum et l’armée soudanaise, apparemment préparée, a rasé la ville à peine reconstruite.
L’enjeu de cette région du Soudan : c’est le gisement pétrolier de Heglig. Celui-ci produit quotidiennement 250.000 barils de pétrole brut, soit la moitié de la production du pays.
Exploité par un consortium contrôlé par la Chine, la Greater Nile Petroleum Operating Company, le site a rapporté depuis sa mise en exploitation 1,8 milliard de dollars entièrement versés au gouvernement de Khartoum malgré les protestations des autorités du Sud Soudan.
Des affrontements, au mortier et à la mitrailleuse lourde ont repris à Abyei il y a quinze jours dans des conditions mal éclaircies.
A peine reconstruite après la guerre civile, la localité a été détruite une deuxième fois et abandonnée par la quasi-totalité de ses 50.000 habitants.
Les représentants des Nations Unies sur place ont du être évacués mais l’exploitation pétrolière se poursuit.
Les combats entre l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) et les forces gouvernementales du gouvernement de Khartoum avaient duré une vingtaine d’années et coûté cher aux populations civiles : deux millions de tués et quatre millions de réfugiés.
Un accord de paix, endossé entre autres par les Etats-Unis, l’Union Européenne et l’Union Africaine, avait mis fin en 2005 aux hostilités.
Il prévoit la mise en place d’une administration autonome au Sud, la participation au gouvernement central à Khartoum du Mouvement politique de libération du Soudan (SMPL), la branche politique du SPLA ainsi que l’organisation en 2011 d’un référendum pour ou contre l’indépendance.
Cet accord renvoyait à une commission d’arbitrage le règlement du statut de Abyei.
La quasi-totalité des dirigeants de la SPLA et du SPLM en sont originaires mais Khartoum soutien qu’il fait partie de son territoire. La commission a tranché en faveur du Sud mais, contrairement à son engagement dans le cadre de l’accord de paix, le gouvernement central soudanais refuse d’accepter la décision.
Depuis, soldats gouvernementaux de Khartoum et forces du SPLM cohabitaient difficilement à Abyei dont l’administration n’est pas reconnue par le gouvernement central.
La première conséquence de la reprise des combats : c’est l’exode des habitants.
Un mouvement de population qui ôte par avance toute signification à la consultation qui devait être organisée auprès de la population d’Abyei et de la région amenée à se prononcer pour leur rattachement au Nord ou au Sud.
Une réponse massivement défavorable à Khartoum était plus que probable et le gouvernement soudanais ne voulait pas courir ce risque.
Une autre possibilité est que le président soudanais Omar al-Béchir cherche avec cet incident à rendre impossible la mise en œuvre de l’accord de paix lui-même.
Avec tout particulièrement en ligne de mire, l’organisation en 2011 d’un référendum offrant à l’ensemble de la population du Sud la possibilité de se prononcer pour ou contre l’indépendance.
Les autorités de Khartoum savent très bien que cette population leur est massivement hostile. Elles n’avaient accepté un tel référendum que sous la pression occidentale.
Elles en connaissent la réponse et savent que l’indépendance leur ferait perdre les revenus pétroliers du Sud Soudan.
Depuis, l’incapacité des Etats-Unis et de leurs alliés malgré leurs déclarations et menaces tonitruantes, a organiser une mobilisation efficace pour mettre un terme aux atrocités au Darfour, a montré à Khartoum les limites des moyens de pression des pays occidentaux.
Surtout contre un pays producteur de pétrole qui compte la Chine parmi ses clients et partenaires.
C’est donc bien plus qu’un énième affrontement entre le nord arabe et musulman, et le sud et l’ouest africains animistes ou chrétiens, qui reprend ces jours-ci.
Avec pour toile de fond : la compétition diplomatique et économique entre, d’une part les Etats-Unis et ses alliés occidentaux, et, d’autre part, la Chine et autres pays asiatiques à la recherche de matières premières et, plus particulièrement, de pétrole.
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