Une zone franche sur des terres agricoles au mepris des revendications paysannes
Le Président haïtien Jean Bertrand Aristide fonce a vive allure dans ses projets avec son homologue dominicain, Hypolito Mejia, malgré les préoccupations exprimées dans divers secteurs. Aristide et Mejia ont pausé le 8 avril dans la plaine de Marie Bahoux, zone frontalière nord-est d’Haïti, la première pierre d’une zone franche industrielle.
Des officiels des deux gouvernements et des entrepreneurs ont pris part a cette cérémonie, qui s’est déroulée sous haute surveillance de l’armée dominicaine et des corps d’élites de la police haïtienne. Contrairement aux journalistes haïtiens, dont la présence a été très timide, en raison du fait qu’ils ont été avertis a la toute dernière minute, les journalistes dominicains ont été nombreux à se rendre sur place.
Les manifestations prévues par les paysans pour marquer leur désaccord avec ce projet n’ont pu avoir lieu en raison de diverses manouvres et pressions des autorités locales, selon des témoignages recueillis sur place. Des groupements paysans liés au réseau Solidarité Frontalière ont fait savoir que les banderoles et pancartes préparées pour la circonstance en Créole et Espagnol ont été saisies par les autorités de la Délégation du Nord-Est.
Il y a peine trois semaines, les paysans faisaient part de leur préoccupation du fait que cette fertile plaine allait être couverte de bétons pour recevoir des usines d’assemblage textiles. Selon la presse dominicaine, le projet sera réalisé avec des investissements dominicains et devrait commencer par créer environ 1500 emplois avant d’assurer à l’avenir 8.000 emplois.
Cette zone franche est le « premier fruit » du « mariage sans perspective de divorce » entre Haïti et la République Dominicaine, a déclaré le président Aristide au cours de son allocution. D’autres projets pareils devraient être développés sur l’ensemble de la frontière qui mesure 300 kilomètres. Le Président Mejia a fait savoir que le processus d’installa tion de zones franches a déjà été enclenché dans plusieurs villes frontalières dominicaines.
La Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) et le Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés (GARR) ont exprimé ce 8 avril leurs plus vives inquiétudes et leur indignation face à de telles démarches engageant l’avenir d’Haïti, mais entreprises quasiment dans la clandestinité.
La présidence avait simplement annoncé le week-end écoulé une tournée du Chef de l’état dans le Nord, sans faire allusion a sa rencontre prévue avec le Président dominicain. Presque la totalité des informations disponibles sur le sujet nous sont parvenues via la presse dominicaine, ont affirmé les deux organisations. Aucun débat n’a été organisé avec la participation des secteurs concernés et l’accord n’a pas été examiné par le Parlement comme le prévoit la Constitution de 1987.
Le GARR et la PAPDA déclarent appuyer fortement les revendications lancées par des organisations paysannes du Nord-Est contestant la décision d’installer la zone franche sur dans l’une des régions les plus fertiles du pays, qui permet aux familles paysannes de réaliser des revenus annuels relativement substantiels.
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