Violence massive contre des dizaines de milliers de manifestants rassemblés le long de la frontière entre Gaza et Israël: 15 Palestiniens tués

Quinze Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza ce vendredi, quand Israël a recouru à une violence massive contre des dizaines de milliers de manifestants qui s’étaient rassemblés le long de la frontière entre Gaza et Israël.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, il y a eu près de 1 500 blessés, dont près de la moitié par des tirs à balles réelles. Vingt d’entre eux seraient dans un état critique.

Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, 30 mars 2018. Un Palestinien blessé est évacué lors des protestations de masse le long de la frontière entre Gaza et Israël. (Photo : Ashraf Amra APA images)

« Les équipements médicaux à Gaza, qui ont déjà été très durement mis à contribution en raison des longues pénuries de fournitures médicales, d’électricité et de carburant, luttent pour pouvoir traiter l’afflux débordant de victimes », a expliqué l’OCHA, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires.

Le ministère de la Santé de Gaza « a fait état d’une pénurie des fournitures médicales essentielles, y compris les médicaments pour les urgences, les produits anesthésiques et tous ceux à usage unique, en sus des matériaux essentiels de laboratoire », a ajouté l’institution des Nations unies.

L’une des personnes tuées vendredi était le fermier Omar Wahid Samour, 26 ans, qui a perdu la vie quand les forces israéliennes ont tiré des obus d’artillerie sur lui alors qu’il était sur ses terres, à plus de 700 mètres de la clôture de frontière, dans le sud de Gaza.

L’association des droits de l’homme Al Mezan, installée à Gaza, a confirmé le décès de huit manifestants vendredi, tous tués par des tirs à balles réelles.

Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, 30 mars 2018. Une Palestinienne réagit aux gaz lacrymogènes lancés par les forces israéliennes d’occupation lors d’une manifestation de long de la frontière entre Gaza et Israël. (Photo : Ashraf Amra APA images)

Deux manifestants ont été tués à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza : Amin Muhammad Muammar, 22 ans, d’une balle dans la tête, et Ibrahim Salah Abu Shaar, 20 ans, d’une balle dans le cou.

À l’est de Gaza City, les forces israéliennes ont tué quatre protestataires : Muhammad Naim Muhammad Abu Amro, 35 ans, touché à l’estomac, Mahmoud Saidi Younis Rahmi, 34 ans, touché à la poitrine, Ahmad Ibrahim Ashour Awda, 19 ans, frappé d’une balle dans la tête, et Jihad Muhammad Farina, 35 ans, touché d’une balle en plein visage.

Dans le nord de Gaza, Al Mezan a confirmé la mort de deux manifestants :Muhammad Kamal al-Najjar, 25 ans, touché à l’estomac, et Abd al-Fattah Bahjat Abd al-Fattah abd al-Nabi, 19 ans, frappé à la tête.

Le ministère de la Santé de Gaza a annoncé la mort de six autres Palestiniens : Sari Walid Abu Awda, Abd al-Qader Mardi al-Hawajri, Hamdan Ismail Abu Amsha, Jihad Zuheir Abu Jamous, Badr Faiq al-Sabbagh et Naji Abdallah Abu Hujeir.

30 mars 2018. Un drone israélien largue des grenades lacrymogènes sur une manifestation de masse le long de la frontière entre Israël et Gaza, à l’est de Gaza City. (Photo : Dawoud Abo Alkas APA images)

Vendredi également, les forces d’occupation ont dit qu’elles avaient échangé des coups de feu avec deux Palestiniens armés qui s’étaient approchés de la clôture de frontière dans le nord de Gaza, au cours de ce qu‘Israël a qualifié d’« attaque déjouée ».

Les militaires ont déclaré qu’ils avaient frappé trois positions du Hamas à l’aide de tirs de chars et d’avions de combat, peu après l’incident.

L’armée a refusé de dire si elle avait tué des Palestiniens, rapporte The Times of Israel, mais le ministère de la Santé de Gaza a affirmé que les deux Palestiniensavaient été tués par des tirs de char au cours de l’incident même.

L’armée israélienne a déclaré qu’elle avait déployé plus de 100 snipers de l’armée pour tirer sur les protestataires qui tentaient de franchir la frontière au cours de la manifestation baptisée la Grande Marche du Retour.

30 mars 2018. Le dirigeant du Hamas, Ismail Haniyeh, lors de sa prière du vendredi midi, pendant une manifestation organisée sous forme d’un village de tentes, le long de la frontière entre Gaza et Israël. (Photo : Mohammed Dahman APA images)

Les manifestations ont débuté vendredi, date de la Journée annuelle de la Terrecommémorant la mort de six Palestiniens au cours des protestations contre les confiscations de terres par les Israéliens en 1976 en Galilée.

Des tentes ont été dressés en cinq endroits la long de la frontière orientale de Gaza,et ce, pour six semaines de protestations qui prendront fin le 15 mai, date à laquelle les Palestiniens commémoreront la Nakba, l’expulsion de masse qui précéda et suivit la création de l’État d’Israël en 1948.

Deux Palestiniens sur trois à Gaza sont des réfugiés. Israël a refusé aux Palestiniens le retour dans les terres dont ils avaient été chassés, alors qu’il s’agit d’un droit repris dans les lois internationales.

Edo Konrad @edokonrad sur Twitter : Peu de temps après la création d’Israël, le Premier ministre David Ben-Gourion avait ordonné à l’armée d’abattre et de tuer tout Palestinien qui osait franchir les nouvelles frontières dans l’intention de retourner dans ses terres. 70 ans plus tard, les FDI appliquent exactement la même politique contre la « Grande Marche du Retour » de Gaza. 30 mars 2018.

En 2011, les forces israéliennes avaient tué environ trois douzaines de réfugiés palestiniens qui avaient quitté le Liban et la Syrie pour retourner dans leur terre natale.

Gaza connaît une crise humanitaire chronique et est au bord d’un désastre complet, après plus de dix années de siège israélien et trois agressions militaires massives au cours de la même période.

30 mars 2018. Des Palestiniens réagissent aux gaz lacrymogènes lancés par les forces israéliennes d’occupation au cours d’une manifestation de masse le long de la frontière entre Gaza et Israël. (Photo : Yasser Qudih APA images)

Sans perspective de fin du siège israélien, les Palestiniens de Gaza sont isolés politiquement, ils sont de plus en plus pauvres et n’ont que très peu d’espace pour se mouvoir.

– Le porte-parole de la Grande Marche du Retour, Ahmad Abu Artema, a estimé que 150 000 personnes avaient participé aux protestations et « avaient adressé à l’occupation un message émanant du pouvoir du peuple »

– Une participante a expliqué que sa famille était réfugiée d’un village situé aujourd’hui en Israël et qu’elle voulait adresser à l’armée israélienne et au monde arabe un message disant qu’« un jour, nous retournerons sur nos terres, qui se trouvent là, juste derrière nous »

– Un rassemblement sans précédent : des Palestiniens qui manifestent non pour de la nourriture ni pour de l’aide. Les Palestiniens marchent contre sept décennies d’occupation israélienne, d’apartheid, d’oppression et de barbarie. La Palestine marche pour la liberté et pour l’égalité des droits. #GreatReturnMarch, 30 mars 2018.

Shujaiya: La plupart de ces Palestiniens n’ont jamais été aussi près de leurs villages ou villes d’origine détruits / dépeuplés par les milices terroristes juives avant et après 1948. #GreatReturnMarch, 30 mars 2018

Les organisateurs des protestations et les autorités dirigeantes du Hamas à Gaza, soucieux d’éviter toute autre confrontation avec Israël, ont appelé à une mobilisation pacifique et ont insisté auprès des manifestants pour qu’ils ne s’approchent pas de la clôture de frontière.

Le dirigeant du Hamas, Ismail Haniyeh, a déclaré vendredi que les protestations marquaient le commencement du retour dans « toute la Palestine ».

Un autre haut responsable du Hamas a expliqué : « Nous avons attendu trop longtemps pour retourner aux terres dont nos grands-parents ont été chassés il y a 70 ans. »

30 mars 2018. Lors d’une manifestation sous forme de village de tentes le long de la frontière entre Gaza et Israël, dans la partie centrale de la bande de Gaza, une Palestinienne brandit une banderole sur laquelle on peut lire : « Nous retournons dans notre village de Karatia ». (Photo : Mahmoud Khattab APA images)

Jeudi, l’association israélienne des droits de l’homme, B’Tselem, a condamné l’intention d’Israël de recourir à des moyens meurtriers pour contrer les protestations.

« Des fragments d’information rapportés par les médias indiquent que les soldats auront l’ordre d’abattre toute personne qui s’aventurera à moins de 300 mètres de la clôture ; des snipers tireront sur toute personne qui l’atteindra ; des balles réelles seront également utilisées dans des circonstances ne posant aucune menace vitale », avait déclaré B’Tselem.

« [Israël] a fait de Gaza une énorme prison et interdit pourtant, sous peine de mort, qu’on manifeste contre la chose », a ajouté l’association.

Est de la bande de Gaza, 30 mars 2018. Des Palestiniens participent à une manifestation sous forme de village de tentes le long de la frontière entre Gaza et Israël et réclament pour les réfugiés le droit au retour dans leur terre natale. (Photo : Mohammed Dahman APA images)

Vendredi, l’association palestinienne des droits de l’homme Adalah a réclamé une enquête sur l’utilisation de moyens meurtriers contre les manifestants de Gaza.

« Tirer à balles réelle sur des civils désarmés constitue une violation très grave de l’obligation légale internationale de faire la distinction entre civils et combattants », a déclaré Adalah.

Human Rights Watch a également protesté contre « le nombre choquant de Palestiniens tués et blessés » par les forces israéliennes vendredi :

« Le nombre choquant de Palestiniens tués et blessés aujourd’hui par les militaires qui ont ouvert le feu depuis l’autre côté de la clôture de Gaza soulève de graves questions à propos de l’utilisation, depuis très longtemps, de munitions réelles afin d’assurer l’ordre dans les manifestations. Les allégations israéliennes concenant la violence de certains manifestants ne modifient en rien le fait qu’utiliser des moyens meurtriers dans ce cas est interdit par les lois internationales, sauf s’il s’agit de faire face à une menace vitale imminente »

Dans les zones frontalières de Gaza, les soldats israéliens opèrent apparemment selon une politique visant à « tirer pour tuer ». Les dimensions exactes de la zone n’ont pas été précisées, mais on estime généralement qu’elle va jusqu’à 300 mètres de la frontière entre Gaza et Israël.

D’après B’Tselem, entre le début 2017 et le 3 mars 2018, les forces israéliennes ont tué 19 Palestiniens du côté gazaoui de la frontière.

Pour le seul mois de décembre 2017, huit Palestiniens ont été tués à l’intérieur de Gaza alors qu’ils protestaient contre la déclaration de Donald Trump à propos deJérusalem en tant que capitale d’Israël.

Ce vendredi a connu le plus grand nombre de Palestiniens tués en une seule journée par les forces d’occupation depuis qu’un cessez-le-feu a mis un terme aux 51 jours de l’agression militaire israélienne contre la bande de Gaza durant l’été 2014. Plus de 2 200 Palestiniens avaient perdu la vie au cours de cette offensive.

Les forces israéliennes ont tué 34 Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, depuis le début de cette année. Cinq Israéliens ont été tués en Cisjordanie, durant la même période.

Cet article a été remis à jour depuis sa première publication afin d’y inclure les citations de l’OCHA, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires et d’y faire mention des 20 personnes blessées se trouvant dans un état critique.

Maureen Clare Murphy

 

Article original en anglais : publié le 303/2018 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Version française publiée par Pour la Palestine



Articles Par : Maureen Clare Murphy

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