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«Vous pénétrez dans le secteur américain.»
Par Israel Shamir
Mondialisation.ca, 20 janvier 2018
UNZ Review
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La Russie avait évité le bourbier syrien en dépit des prédictions les plus sinistres. Poutine a réduit son empreinte au minimum, sa guerre est pratiquement terminée, Daech est en déroute. Trump pourrait également s’écrier :  » accomplie! », et rentrer chez lui. Mais il semble qu’il veuille se précipiter là où même les anges ont peur de mettre les  pieds. Trump n’a même pas peur de faire pour le Premier ministre israélien ce que ses prédécesseurs, tant démocrates que républicains refusaient, concrètement livrer la guerre des israéliens en prolongeant indéfiniment l’occupation illégale et hostile de la Syrie.

Il aurait dû comprendre que la politique étrangère n’est pas son fort. Ses opposants libéraux à demeure neutralisent de fait chacune de ses initiatives. Qui plus est, ses initiatives sont contreproductives. Il réussirait bien mieux s’il décidait d’oublier le monde pour un bon moment, et laissait le monde l’oublier en retour.

Prenons par exemple, ces fameuses manifestations en Iran. Cela avait l’air tellement dangereux pour le régime, quand les foules appelaient à la résurrection du Shah et au retrait de Syrie. Cela aurait pu devenir sérieux, mais tout s’est dissipé grâce à l’opportune intervention du président Trump, dès qu’il a exprimé son soutien aux manifestants.

Même les secteurs les plus pro-américains de l’entité politique européenne ont compris que le véritable establishment US  n’est jamais d’accord avec le vrai Trump, et ils ont refusé d’embrayer sur la rhétorique des droits de l’homme pour condamner l’Iran. Nous pouvons applaudir en douce l’odieuse Nikki Haley, qui est arrivée à consterner la communauté internationale pendant le vote sur Jérusalem, si bien que ses efforts actuels pour appeler aux armes le Conseil de sécurité se retournent contre elle.

Les Russes et les Turcs se sont alignés sur les points de repère fournis par Trump, et ont dénoncé une intervention américaine (qui autrement n’avait guère d’existence) tandis que les Européens restaient à bonne distance. Les protestataires iraniens ont vite compris qui allait se réjouir si les émeutes continuaient, et sont rentrés chez eux, pour refuser à Trump ce plaisir.

Excellente issue pour les Russes qui auraient pu se retrouver en mauvaise posture en Syrie sans les troupes au sol iraniennes.

En Palestine, le génie de l’entêtement de Trump a réussi l’exploit quasi impossible de forcer la direction palestinienne à se retirer des accords d’Oslo. Ces misérables accords, qui avaient la bénédiction des US et de l’UE et qui avaient été condamnés par le grand et regretté Edward Saïd, avaient été le socle de la perpétuation de l’apartheid en Israël Palestine. Tant qu’ils étaient préservés, on ne pouvait pas s’attendre à de grands changements ; c’était ça, le dôme de fer de la politique israélienne, a fait remarquer un témoin israélien sur Ha’Aretz. Les voilà périmés, et de nouvelles règles vont s’implanter, avec la participation de la Russie, on peut le présumer.

Le bras de fer avec la Corée du Nord avait l’air périlleux, et la guerre nucléaire paraissait imminente. Mais l’évident dérangement mental de Trump a ramené le bon sens dans la tête du président sud-Coréen Moon. Il a compris qu’il pouvait se retrouver président d’une capitale incinérée, et a fait signe à son homologue nord-coréen pour un échange amical. Les deux dirigeants coréens ont échangé quelques cigares virtuels et se sont mis d’accord pour présenter une équipe unique aux Jeux olympiques, grave déception pour Trump le va-t-en guerre. Ce bol d’air a si bien vivifié les Russes et les Chinois qu’ils ont refusé de participer au rassemblement de Vancouver ; et sans eux, la rencontre n’avait plus aucun sens, au demeurant.

En Syrie, les Russes se sont trouvés visés par une attaque des drones, qui a coïncidé avec l’offensive de l’armée gouvernementale dans la province d’Idlib, contrôlée par les rebelles. Les drones venaient aussi d’Idlib, où se joue le dernier acte de la guerre civile en ce moment. La Turquie est censée maintenir la paix à Idlib, et les Turcs ont été indignés par l’offensive. Ils ont dit que les négociations de paix avec les rebelles seraient la seule façon de rétablir l’ordre ;  cela convient aux Russes qui préfèrent généralement négocier plutôt se battre. Mais Damas ne croit pas aux négociations avec les radicaux islamistes ; ces radicaux, une nouvelle réincarnation d’al Qaida, ont des exigences insoutenables du genre « Assad doit partir », et ils mettent à profit le temps passé en négociations pour se renforcer. La confrontation entre les Turcs et « leurs » rebelles d’un côté, les Russes et « leurs » Syriens de l’autre, autour d’Idlib, était imminente, menaçant d’éclater.

Les choses auraient pu devenir déstabilisantes pour les Russes, mais encore une fois, les US ont donné un coup de main en déclarant qu’ils étaient en train d’armer et d’entraîner une nouvelle armée rebelle au Kurdistan syrien. Rien de tel pour pousser les Turcs à l’action qu’un tressaillement du côté des Kurdes. Tout récemment, ils ont réussi à déjouer la tentative de Barzani pour créer un Kurdistan indépendant en Irak, et maintenant avec un Kurdistan bis, certains voudraient remettre le couvert, cette fois-ci en Syrie. Erdogan a promis de noyer la nouvelle armée kurde sous commandement américain dans des fleuves de sang, et a commencé à rassembler des troupes à la frontière d’Afrin, la petite enclave tenue par les Kurdes.

Même Erdogan ne commettrait pas l’imprudence de faire face à la Russie et aux US à la fois, et il a consolidé son alliance avec Poutine. L’assaut des drones  fut réattribué, non plus aux rebelles soutenus par les Turcs mais à ceux qui étaient soutenus par les US, dès lors qu’un patrouilleur Poseidon de la Navy P-8A US avait été  observé dans les airs au bon moment. Voilà comment un grand moment de tension entre la Russie et la Turquie a été détourné, tandis que l’inimitié Turco-US se ravivait immédiatement.

Ce serait vraiment le moment de rentrer chez eux pour les Américains, tant qu’ils le peuvent. La Turquie est bien plus importante pour les US que la Syrie ne pourrait jamais l’être ; pour Israël c’est juste le contraire, c’est la Syrie qui compte. C’était le moment où le président Trump devait choisir : qu’est-ce qui lui tient le plus à cœur, les US ou Israël ? La réponse, c’est le discours de Rex Tillerson qui l’a fournie, à l’Institution Hoover.

Si jusqu’à présent la position officielle US était qu’ils étaient venus en Syrie pour battre Daesch, puis feraient demi-tour dès leur mission accomplie, maintenant nous voilà désabusés. Les Américains ne vont s’en aller nulle part, ils vont rester là pour toujours, ou jusqu’à ce qu’on les mette à la porte ; et ils occuperont un autre morceau de la Syrie, à côté des hauteurs du Golan.

 « Les US vont garder une présence militaire en Syrie… Nous n’allons pas refaire l’erreur de 2011, quand  nous nous sommes retirés d’Irak. Nous allons tout faire pour réduire l’influence iranienne, l’arc [chiite] au nord leur sera retiré, et les voisins de la Syrie [comprenez l’Israël] seront en sécurité. [Nous resterons jusqu’à ce que la Syrie soit] … débarrassée de ses armes de destruction massive…. Les US ne vont pas se retirer tant qu’Assad ne sera pas parti. »

Par conséquent, l’affirmation de Sergueï Lavrov la semaine dernière, selon laquelle les US cherchent à démembrer la Syrie, se trouve confirmée. Un processus de partition de la Syrie s’engage, disait le ministre des Affaires étrangères russe. Et cette prédiction est en cours de réalisation.

A part ça, quoi de neuf? Les Américains ne s’en vont jamais de leur plein gré. Partout où ils débarquent, c’est pour tenter de s’installer définitivement. Ils ont débarqué aux Philippines en 1898, et ils y sont toujours, malgré tous ceux qui ont réclamé leur départ. Ils ont débarqué à Cuba en 1898, et ils y sont toujours, malgré moult promesses de lâcher Guantanamo, leur base gorgée de sang. En 1945, ils ont occupé l’Allemagne et le Japon, et ils y sont toujours, seuls leurs marionnettes changent. Ils ont débarqué en Corée du sud, et ils y sont toujours. Ils ont conquis l’Afghanistan, et ils y sont toujours.

Parmi bien des puissances coloniales, les US sont l’exception par leur entêtement collant. Il est plus facile de se débarrasser d’un chewing gum collé à sa semelle que de la présence américaine.

C’est difficile, mais pas impossible. Les Vietnamiens l’ont fait. Cela leur a pris plusieurs années, ça leur a coûté cinq millions de morts, cinquante mille soldats US y ont laissé leur peau, ils ont connu la ruine de leur économie, la destruction des forêts, des villes bombardées, My Lai brûlée et violée, mais ils ont réussi à renvoyer les Yankees dans leurs pénates.

Les Libanais l’ont fait. Un conducteur suicide seul, qui avait franchi la porte du camp de Marines, avait tué plus de deux cents Marines. Les fusiliers marins US bombardèrent les villages libanais sans protection dans les montagnes, puis les Yankees ont viré de bord et sont repartis.

Les Somaliens l’ont fait. Ils ont coulé deux hélicoptères Black Hawk et en une journée de combat, ils ont descendu deux douzaines des meilleurs combattants ennemis. Après quoi, les Américains ont plié bagages.

La question, c’est maintenant combien de cadavres faudra-t-il à Trump pour comprendre qu’on n’est jamais mieux que chez soi, et que la présence US en Syrie n’est pas la bienvenue? Les Israéliens seront outrés si les Yankees font leurs valises. Rien ne vaut une présence militaire US en Syrie, à leurs portes, du point de vue israélien. Mais le président Trump a été élu par les Américains, et il va falloir qu’il fasse le bon choix, au plus tôt.

Ben Cardin et le butin qu’il convoite

Si après m’avoir suivi jusqu’ici, chers lecteurs américains, vous êtes tentés de regretter d’avoir voté pour Trump, voici une autre histoire qui devrait vous réconforter.

Ben Cardin, membre important du lobby juif, un sénateur démocrate qui entendait déjà tinter pour lui les trompettes de la renommée en tant qu’auteur d’un projet de loi qui aurait fait du soutien au boycott des produits israéliens une trahison, Ben Cardin donc, vient de franchir un grand pas. Il a produit un long rapport accusant Poutine d’interférence avec le monde et de subversion de la démocratie.

On peut l’interpréter comme un avertissement pré-électoral au président russe pourtant bien élevé. D’un autre côté, c’est un appel du pied pour que Trump déclare la guerre à la Russie, pour l’isoler et la sanctionner à mort.

Pourquoi est-ce que cet éminent dirigeant juif a tellement envie d’attaquer la Russie ? Poutine et Netanyahou ont l’air d’être copains comme cochons, et les juifs sont heureux en Russie. Mais ces gens-là ne connaissent pas la gratitude.

Dans un article récent, l’éditorialiste en chef de The Russia Insider Charles Bausman s’est vanté de ce que la Juiverie soit en première ligne dans la campagne anti-russe. Ce long article (5000 mots) a embarrassé bien des gens, en a encouragés encore plus, tandis que certains juifs américains s’en prenaient à Poutine pour…  sa silhouette. Mais c’est plus compliqué que ça.

Certes, il y a beaucoup de juifs férocement anti-russes et anti-Poutine (telle Masha Gessen, outre Ben Cardin), mais en généeral ce sont des libéraux, haïsseurs de la virilité et anti-Trump, à la botte de Max Boot.  Les juifs pro-Trump sont assez indifférents envers la Russie, ni pour ni contre. Tout ce qu’ils veulent, c’est que Trump livre des guerres pour Israël au Moyen-Orient. Si vous trouvez un juif américain non sioniste et bien disposé envers la Russie, vous aurez trouvé la perle rare, mais il n’est probablement pas membre du Congrès.  La simple pensée que Mr Cardin et ses pairs auraient pu gouverner les US à la place de Trump (en cas de victoire de Mrs Clinton) devrait vous guérir de vos regrets.

Or Cardin est encore plus stupide que Trump, en plus. Les accusations de Cardin sont bêtes et triviales. Les Russes essaieraient de peser sur l’opinion publique US : et alors ? Toute personne ayant une opinion personnelle essaie d’en influencer d’autres, et ces influences passent aisément les frontières. Les Russes influencent les Américains, tandis que les Américains influencent les Russes. Les US exercent une influence bien plus forte en Russie (et partout ailleurs, de fait) que la réciproque.

L’Union soviétique de jadis ne pesait guère dans l’opinion occidentale (en dehors du milieu étroit de l’extrême gauche) mais la Russie moderne exerce bien moins d’influence que l’URSS ne l’a jamais fait, parce que la Russie n’est pas si différente, et n’offre pas d’alternative véritable à grande échelle. La Russie a ses propres milliardaires, ses propres immigrés du Sud global, les Russes ont arrêté de fumer et les vendeuses jadis revêches sourient maintenant aux clients. Le battage anti-russe ne repose sur rien.

Que font les Russes? Ils essaient de compenser et de contrecarrer la vicieuse campagne antirusse conduite aux US par le gang de Cardin, c’est sûr. C’est raisonnable et prévisible. Mais répandent-ils des idées qu’ils abhorrent pour miner l’Occident ? C’est ce que j’appellerais une propagande pour affûter les armes, et c’est ce que faisaient les US pendant la Première Guerre froide, quand avec La Voix de l’Amérique et Radio Liberty ils encourageaient les dissensions internes, le nationalisme ethnique en Ukraine ou en Transcaucasie, et ce tout en prônant l’antiracisme chez eux.

Les Russes ne le font pas. Ils sont sincères. Ils font la promotion de ce qu’ils aiment. Les Russes ont des points de vue conservateurs. Dans leur interaction avec l’Occident, les Russes expriment ces points de vue. Ils sont contre l’Union européenne, et par conséquent favorables au Brexit  et à la dissolution de l’UE. Pour les Russes, les US sont trop libéraux, et de toute façon, l’UE refuse l’étreinte russe (alors que les Russes auraient voulu la rejoindre). Pour ce qui est des US, les Russes soutiennent les facteurs conservateurs, les facteurs traditionnels et les éléments anti-mondialistes, chauvins, qui ont contribué à l’ascension de Trump. Leur soutien à Trump n’a pas pour but de le manipuler, c’est une attitude sincère.

Chez les Russes, le politiquement correct n’a pas de prise. Ils disent Juif comme vous diriez Polonais ou Cherokee. Ils n’aiment pas les immigrations de masse. Ils n’aiment pas les Grecs et les Géorgiens, les Arabes et les Arméniens, ni les Tajiks, d’ailleurs, en tout cas pas en Russie, ni en grandes quantités, et ils expriment cette pensée – interdite selon vos critères – sans la moindre hésitation. Les Russes sont des racistes, pour un libéral new-yorkais, mais ils se marient et fraternisent facilement sans souci des barrières ethniques ou raciales. Aussi, quand les Russes expriment leur horreur devant l’intrusion d’étrangers basanés en Europe, ils ne cherchent pas à semer la pagaille, mais se bornent à dire ce qu’ils ressentent. Les Russes désapprouvent la confusion des sexes autant que votre père jadis. Ils apprécient les hommes virils et les femmes féminines, et n’ont pas honte de l’admettre.

Les voilà, les transgressions des Russes, telles que les a découvertes Ben Cardin dans son rapport. Mais pourquoi est-ce que ça ennuie Cardin et sa clique au point de menacer la Russie de guerre et de sanctions ?

Le sénateur qui a trempé toute sa vie, depuis l’âge de vingt-quatre ans, dans la politique est un archétype du juif haut placé, l’un de ces acteurs de l’Etat profond qui font la loi aux US de fait, sinon en titre. Autrefois, ces juifs puissants avaient quelques non juifs formatés à l’identique avec qui jouer en équipe et qu’il pouvaient envoyer au front pour eux.  C’est bien fini. Les vrais Américains de cet acabit n’existent plus, ou on ne peut plus leur faire confiance.

Voilà pourquoi le lobby juif veut élire une femme noire au sommet de la Maison blanche, que ce soit Oprah ou Michelle ou même Condolezza, peu importe. Elles peuvent toutes être téléguidées par Ben Cardin ou ses semblables en coulisse, dans le rôle du Magicien d’Oz. Car maintenant les démocrates n’arrivent pas à trouver un homme normal, qui fasse l’affaire, même pour les derniers échelons du pouvoir.

Ben Cardin veut se présenter au Sénat encore une fois; il va devoir affronter [un autre démocrate, dans le même Etat du Maryland] Bradley Manning (“Chelsea”), l’homme qui a passé les câbles  diplomatiques du Département d’Etat à Wikileaks. Béni soit-il d’avoir fait connaître ces câbles : les gens ont le droit de savoir les sales secrets qui se mijotent dans l’Etat profond.

Je sympathise aussi avec lui pour ses souffrances. Après des mois de torture, il a été forcé de se prêter à une castration pour pouvoir sortir de prison. Ceci étant, c’est une bonne pâte, ce n’est pas quelqu’un qui puisse tenir une position d’autorité avec une volonté inflexible. Il s’était mis dans de beaux draps parce qu’il ne savait pas tenir sa langue. Il a fallu qu’il se vante de son exploit, et s’est rapidement retrouvé  sous les verrous. Son prédécesseur « Gorge Profonde » avait su garder son identité secrète jusqu’à son dernier jour.

Le problème assez cocasse c’est que les opposants à Ben Cardin sont aussi horribles que lui. Glenn Greenwald écrit dans The Intercept : « Les centristes démocrates lancent une campagne de dénigrement contre une jeune femme transgenre, juste pour garder un  vieux macho blanc au pouvoir ». Chaque terme dans cette phrase est accablant. Manning n’est pas une femme, parce qu’une femme n’est pas un homme castré (vous pouvez vous renseigner auprès de Germaine Greer, si mon opinion ne vous convainc pas).

Qualifier Cardin de vieux macho blanc est un parfait exemple de racisme, de sexisme et d’âgisme: c’est une attaque  ad hominem de la pire espèce, mais ces types-là n’hésitent pas à donner aux autres des aperçus de la délicatesse qu’ils détestent chez les autres. Je déteste Cardin non en tant que « vieux macho blanc  » car cette définition conviendrait à Lincoln et à Tolstoï, mais parce que c’est un va-t-en-guerre, un laquais du lobby et un ennemi des travailleurs américains.

Je déteste tout autant Greenwald, non pas parce qu’il s’agit d’un jeune juif de couleur et queer, mais parce qu’il a privatisé l’inestimable mine d’informations, le trésor qu’il avait reçu de Snowden et en a fait une source d’enrichissement personnel au lieu d’en partager le contenu avec le peuple, comme le lui avait ordonné Edward Snowden. Je le déteste, Greenwald, parce qu’il a balancé les précieuses données aux agences d’espionnage pour qu’elles mettent leur nez dedans  et en laissent filtrer seulement ce qui leur paraîtrait servir leurs intérêts. Mais surtout je le déteste pour son soutien à la politique communautariste, pour ses efforts afin que les Américains ordinaires trouvent étranges et étrangères nos positions en faveur de la liberté et contre les fauteurs de guerre.

Greenwald et Cardin, ce sont les deux faces d’une même médaille. Ils sont tout à fait semblables : pas seulement par leur judéité, mais par leur refus de permettre aux Américains hommes et normaux (ceux qui sont chrétiens, blancs, et machos, dans leur patois) de décider de leur sort. Pour Greenwald comme pour Cardin, les positions faisant autorité devraient être réservées aux travestis, aux queer, aux femmes et aux personnes de couleur, ou encore aux juifs qui, apparemment, n’ont ni race, ni âge, ni sexe.

Nous observons le même phénomène en Israël, où les libéraux utilisent le pronom «on » pour ne pas faire le choix sexiste de dire « il » ou « elle », où ils acclament en héros une personne autiste, métisse, indéfinie sexuellement, insistent pour garder les immigrants illégaux africains, mais sont incapables d’autoriser leurs compatriotes non juifs palestiniens à jouir des libertés élémentaires pour se déplacer, pour travailler ou pour voter. Il y a une même explication : les réfugiés, les autistes ou les dissidents sexuels ne vont pas faire obstacle à ceux qui jouissent actuellement du pouvoir, alors que les Palestiniens ne s’en priveraient pas. Ne quittez pas la balle des yeux, souvenez-vous que toutes ces tergiversations  délicates n’ont qu’un enjeu : le pouvoir.

Israel Shamir

 

Article original en anglais : « You Are Now Entering the American Sector »

Traduction: Maria Poumier  pour Entre la plume et l’enclume

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