La déstabilisation de l’Ukraine : Une opération classique de « false flag » ou de « faux pavillon ».

Vue perspective et les dessous de la crise en Ukraine

« Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. »

Sun Tzu (c. 544– 496 av. J.C), « L’art de la guerre »

« Je ne sais pas comment on fera la Troisième Guerre mondiale, mais je sais comment on fera la quatrième : avec des bâtons et des pierres. »

Albert Einstein (1879-1955)

« La Troisième Guerre mondiale sera une guerre de la guérilla de l’information, sans division entre les militaires et la participation des civils. »

Marshall McLuhan (1911-1980)

Même si ce qui suit est de notoriété publique, il est quand même important de relier les points pour comprendre pleinement ce qui s’est passé récemment en Ukraine. En effet, les évènements semblent se dérouler selon un plan de politique élaboré au cours des dernières décennies par divers gouvernements américains.

La Secrétaire adjointe aux affaires européennes et euroasiatiques au Département d’État des États-Unis

Présentement, la figure de proue de la politique étrangère américaine d’intervention systématique dans les affaires internes d’autres pays est Victoria Nuland (1961- ), ci-devant Secrétaire adjointe aux affaires européennes et euroasiatiques au Département d’État des États-Unis. Elle occupe cette position depuis le mois de mai 2013, quoiqu’elle ait collaboré dans le passé avec des gouvernements tant démocrates que républicains.

Madame Nuland est l’épouse de l’historien Robert Cagan, lequel est membre du Council on Foreign Relations, et il est co-fondateur avec William Kristol du tristement célèbre projet intitulé « Projet pour le Nouveau Siècle américain » (ou PNCA en anglais), lequel fut lancé en 1997. C’est le PNCA, par exemple, qui suggéra, entre autres, que les États-Unis renversent le régime de Saddam Hussein en Irak dans le cadre d’une stratégie de contrôle mondial par les USA.

Le PNCA regroupe une coterie de penseurs néo-conservateurs qui ont fourni des justifications pour la décision américaine d’envahir militairement le pays de l’Irak en 2003.

Un de ses membres les plus en vue est Richard Perle, qui rédigea, en 1996, un rapport célèbre intitulé “A Clean Break: A New Strategy for Securing the Realm”dans lequel on retrouvait la recommandation de renverser le président irakien Saddam Hussein, de même que d’autres propositions similaires pour le Proche-Orient. Ce rapport fut remis en mains propres au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Et, en 1998, Richard Perle et d’autres membres importants du PNAC—Paul Wolfowitz, R. James Woolsey, Elliot Abrams, et John Bolton—signèrent une lettre ouverte et adressée au Président Bill Clinton lui demandant de mettre en marche une politique pour renverser le Président Hussein de l’Irak.

En septembre de l’an 2000, le PNCA rendit public un rapport de 90 pages encore plus controversé sous le titre de “Rebuilding America’s Defenses: Strategies, Forces, and Resources For a New Century.” Les présidents du projet étaient identifiés comme étant Donald Kagan et Gary Schmitt. Ils y exprimaient l’idée que « les États-Unis devaient viser à conserver et à consolider leur position dominante dans le monde en maintenant des forces militaires de premier ordre. »

La controverse du  « Nouveau Pearl Harbor »

Le chapitre V du rapport de l’an 2000 Rebuilding America’s Defenses, portant le titre de « Comment créer une force militaire dominante pour l’avenir », contenait une phrase-clé qui se lisait comme suit : « En outre, le processus de transformation, même s’il apporte des changements révolutionnaires, est susceptible d’être long, en l’absence d’un événement catastrophique et catalyseur – comme un nouveau Pearl Harbor ».

Coïncidence ou non, une année jour pour jour plus tard, les auteurs du rapport recevaient tout cuit leur «  nouveau Pearl Harbor », avec les attentats du 11 septembre 2001, lesquels entraînèrent dans la mort 3000 américains et citoyens étrangers.

Leur principale proposition était à l’effet que les États-Unis se devaient de contourner les Nations Unies, et ils affirmaient que « la politique américaine ne peut pas continuer à être paralysée par une insistance fautive sur l’unanimité au sein du Conseil de sécurité des Nations unies », instance où les Etats-Unis doivent partager un droit de veto avec la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni.

En lieu et place, ils proposèrent d’élargir l’alliance militaire qu’est l’OTAN et de la transformer d’une alliance militaire européenne de défense en une alliance militaire offensive mondiale, sous contrôle américain.

On se souviendra qu’en mars 2003, l’administration Bush-Cheney s’appuya sur cette doctrine pour lancer une invasion militaire de l’Irak, en violation de la Charte des Nations unies et en justifiant publiquement le geste avec la fabrication des « armes de destruction massive » devant supposément se retrouver en Irak, armes qui ne furent jamais découvertes.

La crise ukrainienne de 2014

Plusieurs indices pointent du doigt la Secrétaire adjointe aux affaires européennes et euroasiatiques au Département d’État des États-Unis, Victoria Nuland, comme l’éminence grise derrière le coup d’Etat en Ukraine.

Voici ce qu’elle disait le 13 Décembre 2013:

« Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les États-Unis ont soutenu les Ukrainiens dans leur marche pour acquérir des compétences et des institutions démocratiques, car ils favorisent la participation citoyenne et la bonne gouvernance, qui sont des conditions préalables pour que l’Ukraine réalise ses aspirations européennes. Nous avons [le gouvernement des États-Unis ] investi plus de 5 milliards de dollars pour aider l’Ukraine à atteindre ces objectifs et d’autres qui assureront une Ukraine prospère, sécuritaire et démocratique ».

Madame Nuland s’est rendue célèbre en traitant l’Union européenne avec désinvolture lorsqu’elle proféra les mots « Fuck l’UE », dans un entretien téléphonique, le 6 Février 2014, avec l’ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey R. Pyatt.

Néanmoins, les «investissements» politiques américains en Ukraine semblent avoir porté fruits parce les manifestations anti-gouvernementales se sont intensifiées considérablement, au début de 2014, culminant avec le renversement armé du gouvernement élu de Viktor Ianoukovitch, le 28 Février 2014. Cela s’est produit après que des tireurs d’élite eurent tiré des toits du carré Maïdan et abattu des manifestants et des policiers, un événement qui causa plus de 70 morts.

Les responsables occidentaux et les médias occidentaux, de même que de nombreux observateurs ignorants, furent naturellement très prompts à condamner le gouvernement Ianoukovitch renversé pour les coups de feu qui avaient tué des manifestants et des policiers à Kiev.

Toutefois, un appel téléphonique enregistré entre la responsable des affaires étrangères de l’UE, Catherine Ashton, et le ministre estonien des Affaires étrangères Urmas Paet, le 25 Février, semble plutôt indiquer le contraire. En effet, il a été allégué, à partir de preuves balistiques prélevées sur les victimes, que l’opposition pro-américaine était responsable de l’embauche de tireurs d’élite pour abattre des manifestants et des policiers à Kiev et non pas le gouvernement déchu de Viktor Ianoukovitch, que les responsables américains et les médias américains ont largement accusé. Le coup d’Etat ukrainien aurait pu reposer sur une opération classique de « false flag » ou de « faux pavillon ».

Si cette évaluation est confirmée, ce serait une autre guerre à être provoquée par de faux prétextes, selon le modèle de la guerre en Irak, laquelle fut lancée en 2003 avec des fabrications similaires.

Rodrigue Tremblay

 

Rodrigue Tremblay :  Économiste et humaniste, auteur des livres “Le Code pour une éthique globale, vers une civilisation humaniste”, éditions Liber, Montréal, 2009, et “Le nouvel empire américain”, éditions L’Harmattan, Paris, 2004.

N.B. : On peut consulter le blogue du professeur Tremblay pour des articles en plusieurs langues à cette adresse:

http://www.thenewamericanempire.com/francais.htm

On peut aussi contacter l’auteur à l’adresse suivante : [email protected].



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