Washington et le coup d’État au Honduras: Voici la preuve
– Le département d’État avait connaissance du coup a priori.
– Le département d’État et le Congrès des États-Unis ont financé et conseillé les acteurs et les organisations au Honduras qui ont participé au coup.
– Le Pentagone a formé, éduqué, commandé, financé et armé les militaires honduriens qui ont exécuté le coup d’État et qui continuent de réprimer le peuple par la force.
– La présence de l’armée américaine au Honduras, qui occupe la base militaire de Soto Cano (Palmerola), a autorisé le coup d’État par sa complicité tacite et son refus de retirer son appui aux militaires honduriens impliqués dans le coup.
– L’ambassadeur des États-Unis à Tegucigalpa, Hugo Llorens, a coordonné l’expulsion du président Manuel Zelaya, de concert avec le secrétaire d’État adjoint Thomas Shannon et John Negroponte, qui est présentement conseiller à la secrétaire d’État Hillary Clinton.
– Depuis le premier jour du coup d’État, Washington parle de « deux partis » et du besoin de « dialoguer » pour rétablir l’ordre constitutionnel, ce qui donne de la légitimité aux chefs du coup en les considérant comme des joueurs égaux au lieu de criminels qui ont violé les droits humains et les principes démocratiques.
– Le département d’État a refusé de considérer légalement les événements au Honduras comme un « coup d’État », il n’a pas suspendu ou gelé l’aide économique et le commerce avec le Honduras et n’a pris aucune mesure pratique pour exercer des pressions sur le régime de facto.
– Washington a manipulé l’Organisation des États américains (OÉA) pour gagner du temps, permettant ainsi au régime du coup d’État de se consolider et d’affaiblir la possibilité d’un retour immédiat au pouvoir du président Zelaya, suivant en cela une stratégie toujours en vigueur qui vise à légitimer le régime de facto et à épuiser la résistance du peuple hondurien.
– La secrétaire d’État Clinton et ses porte-parole ont cessé de parler du retour au pouvoir du président Zelaya après avoir désigné le président costaricain Oscar Arias comme « médiateur » entre le régime du coup et le gouvernement constitutionnel ; et maintenant le département d’État décrit Roberto Micheletti, le dictateur qui s’est emparé du pouvoir durant le coup, comme étant le président intérimaire (« interim caretaker president »).
– La stratégie de « négociation » avec le régime du coup d’État a été imposée par l’administration Obama comme façon de discréditer le président Zelaya (comme s’il avait provoqué le coup) et de légitimer les chefs du coup d’État
– Des congressistes américains (démocrates et républicains) ont organisé une visite de représentants du régime du coup à Washington, l’accueillant avec les honneurs dans une autre arène de la capitale étasunienne.
– En dépit du fait qu’à l’origine c’est le sénateur républicain John McCain qui a coordonné la visite des représentants du régime du coup à Washington, par l’entremise d’une firme de lobbying liée à son bureau, le groupe Cormac, le régime illégal est maintenant représenté par Lanny Davis, le lobbyiste de renom et avocat de Clinton, qui se sert de son poids et de son influence à Washington pour faire accepter le régime du coup d’État par les congressistes sans considération partisane.
– Otto Reich et un Vénézuélien nommé Robert Carmona-Borjas, qui a joué le rôle de procureur du dictateur Pedro Carmona durant le coup d’État d’avril 2002 au Venezuela, ont aidé à préparer le terrain pour le coup d’État contre le président Zelaya au Honduras.
– L’équipe rassemblée par Washington pour planifier et aider à préparer le coup au Honduras comprend également un groupe d’ambassadeurs américains récemment assignés à l’Amérique centrale, des experts qui ont fait leurs armes dans les efforts de déstabilisation contre la révolution cubaine, et Adolfo Franco, ex-administrateur du programme de « transition vers la démocratie » de l’agence USAID contre Cuba.
Personne ne doute que les empreintes de Washington sont partout dans le coup d’État contre le président Manuel Zelaya qui a commencé le 28 juin dernier. Beaucoup d’analystes, activistes, journalistes et même présidents l’ont relevé. Mais la majorité ont en commun le désir de blanchir l’administration Obama de toute responsabilité dans le coup d’État et de blâmer plutôt les vestiges de l’administration Bush-Cheney et les faucons de la guerre qui continuent de longer les couloirs de la Maison Blanche. Il peut être démontré que si d’une part il est certain que les suspects habituels, qui planifient et exécutent habituellement les coups d’État et les activités déstabilisatrices en Amérique latine, sont dans le coup, il y a aussi amplement de preuves confirmant que la nouvelle administration à Washington a joué un rôle direct dans le coup d’État au Honduras.
Le département d’État
La nouvelle forme de diplomatie des États-Unis, connue sous l’appellation « smart power » (« pouvoir intelligent »), a joué un important rôle avant, durant et après le coup d’État au Honduras. Lors d’un point de presse le 1er juillet, les porte-parole du département d’État ont admis qu’ils avaient une connaissance a priori du coup d’État lorsqu’ils ont dit que des diplomates américains avaient rencontré les groupes et les acteurs qui ont planifié le coup pour les encourager à opter pour une autre « solution » à leur mécontentement envers le président Zelaya. Le département d’État a également confirmé que deux hauts représentants du département, dont le secrétaire adjoint aux Affaires de l’hémisphère occidental Thomas Shannon et le secrétaire d’État adjoint Craig Kelley, étaient au Honduras une semaine avant le coup et qu’ils ont rencontré des groupes civils et militaires qui ont plus tard participé au renversement illégal du président démocratiquement élu. Ils affirment que leur mission était de « déconseiller » le coup (« urge against »), mais que, de toute évidence, la pression verbale n’a pas suffi à dissuader les acteurs du coup, surtout quand on sait que les actions manifestées par Washington ont contredit cette pression verbale.
Le jour du coup, la secrétaire d’État Hillary Clinton a publié une déclaration sur la situation au Honduras. Si les gouvernements partout dans le monde ont vite déclaré qu’il s’agissait d’un coup d’État, Mme Clinton ne considérait pas ces événements comme un « coup d’État » et n’a pas demandé le retour au pouvoir du président Zelaya. Ce qui est remarquable, c’est que dès le début les déclarations de Mme Clinton ont fait référence à « tous les partis concernés », prêtant ainsi de la légitimité aux chefs du coup d’État et rejetant en quelque sorte, publiquement, le blâme sur le président Mel Zelaya, qui aurait provoqué la situation : « Le geste contre le président hondurien Mel Zelaya viole les préceptes de la Charte démocratique interaméricaine et doit par conséquent être condamné par tous. Nous faisons appel à tous les partis au Honduras à respecter l’ordre constitutionnel et la primauté du droit, à réaffirmer leur vocation démocratique et à s’engager à résoudre les conflits politiques pacifiquement et par le dialogue. Le Honduras doit épouser les principes de la démocratie que nous avons réaffirmés au sommet de l’OÉA dont il a été l’hôte il y a moins d’un mois. »
Et depuis, bien qu’il ait parlé à plusieurs reprises d’un « coup », le département d’État a refusé de préciser que ce qui s’était produit était en effet un coup d’État. S’il le faisait, il serait obligé de suspendre l’aide économique, diplomatique et militaire au Honduras, ce qu’il n’est semble-t-il pas prêt à faire, puisque cela affecterait de façon considérable les intérêts américains dans ce pays et dans Amérique centrale en général. Le 1er juillet, des porte-parole du département d’État ont expliqué leur hésitation concernant la désignation des événements : « En ce qui concerne le coup comme tel, je crois qu’il serait préférable de dire que c’était un effort coordonné entre militaires et quelques acteurs politiques civils. L’armée est évidemment l’entité qui a exécuté le retrait forcé du président et qui a agi comme défenseur de l’ordre public durant ce processus. Mais pour que le coup devienne plus qu’un insurrection ou une rébellion, il doit y avoir un effort de transfert de pouvoir. Et à cet égard, le congrès, la décision du congrès d’assermenter son président, Micheletti, comme président du Honduras indique que le congrès et des membres clés du congrès ont joué un important rôle dans ce coup. »
Cette ambiguïté, qui consiste à qualifier les événements du Honduras de violation de l’ordre constitutionnel mais sans aller jusqu’à les désigner comme un coup d’État et sans appeler au rétablissement du président Zelaya dans ses fonctions, a été réitérée après la rencontre entre la secrétaire d’État Clinton et le président Zelaya le 7 juillet. Mme Clinton a fait la déclaration suivante : « Je viens de conclure une rencontre fructueuse avec le président Zelaya. Nous avons parlé des événements des neuf derniers jours et de ce qui va se produire. Je lui ai répété que les États-Unis sont en faveur du rétablissement de l’ordre constitutionnel au Honduras. Nous continuons de soutenir les efforts régionaux par l’entremise de l’OÉA pour un règlement pacifique qui correspond aux dispositions de la Charte démocratique interaméricaine. Nous faisons appel à tous les partis à renoncer aux actes de violence et à rechercher une solution pacifique, constitutionnelle et durable aux graves divisions au Honduras par le dialogue. À cette fin, nous collaborons avec plusieurs de nos partenaires dans l’hémisphère pour créer une négociation, un dialogue qui puisse mener à une résolution pacifique. »
Il était clair, après cette rencontre, que Washington ne considérerait plus le retour de Zelaya à la présidence comme une solution nécessaire et qu’il ferait plutôt pression en faveur d’une « négociation » avec le régime du coup, ce qui à la fin favorise les intérêts américains. Selon des sources présentes aux réunions de l’OÉA qui ont eu lieu après le coup d’État, la présence d’une délégation américaine de haut rang a accru les pressions sur les autres États en faveur d’une solution « négociée » qui ne comprend pas nécessairement le retour au pouvoir du président Zelaya.
Cette méthode qui consiste à contourner l’enjeu principal, à manipuler la situation pour obtenir un résultat précis et à donner l’impression qu’on défend une certaine position alors que les actions démontrent le contraire, fait partie de la nouvelle doctrine Obama, le « smart power », qui se propose d’atteindre les objectifs impérialistes sans démoniser le gouvernement. Le « smart power » est « la capacité de combiner le « pouvoir dur » et « le pouvoir mou » (« hard power with soft power ») pour donner une stratégie victorieuse. Stratégiquement, le « smart power » utilise la diplomatie, la persuasion, le renforcement de la capacité, le pouvoir militaire et l’influence économique et politique en les concertant de manière efficace à une légitimité économique et politique. » Il s’agit essentiellement d’associer la force militaire à toute forme de diplomatie, en mettant l’accent sur la « promotion de la démocratie » comme tactique principale pour influer sur la destinée des sociétés, par opposition à l’invasion militaire. [Note : Le « smart power » met l’accent sur l’utilisation d’agences comme USAID et le National Endowment for Democracy (NED) pour faire le « sale travail » de pénétrer et d’infiltrer silencieusement les organisations de la société civile pour faire la promotion des politiques des États-Unis. Cela explique pourquoi Obama a demandé 320 millions $ de plus pour un fonds de « promotion de la démocratie » dans le budget 2010 uniquement pour l’Amérique latine. Il s’agit d’une somme considérablement plus élevée que celle demandée et utilisée pour la « promotion de la démocratie » en Amérique latine durant les huit années combinées de l’administration Bush.]
L’ambassadeur
Le journaliste Jean-Guy Allard a révélé les origines de l’ambassadeur actuel des États-Unis au Honduras, Hugo Llorens. Selon lui, Llorens, qui est né à Cuba et qui est arrivé aux États-Unis dans le cadre de l’Opération Peter Pan, est « un spécialiste du terrorisme ». « La Maison Blanche de George W. Bush va nommer le rusé Llorens en 2002 comme ni plus ni moins que directeur des Affaires andines au Conseil national de sécurité à Washington, ce qui fait de lui le principal conseiller du président sur le Venezuela. Il se trouve que le coup d’État en 2002 contre le président Hugo Chavez s’est déroulé alors que Llorens était sous l’autorité du sous-secrétaire d’État aux Affaires de l’hémisphère, Otto Reich, et du très controversé Elliot Abrams. » En juillet 2008, Llorens a été nommé ambassadeur au Honduras.
Le 4 juin 2009, quelques semaines à peine avant le coup d’État contre le président Zelaya, l’ambassadeur Llorens a déclaré à la presse hondurienne : « On ne peut pas enfreindre la constitution pour créer une autre constitution, parce que si l’on ne respecte pas la constitution, nous vivons tous sous la loi de la jungle. » Ces déclarations ont été faites en référence au sondage d’opinion national sur la possibilité de convoquer une assemblée constitutionnelle en 2010, plébiscite qui devait avoir lieu le 28 juin s’il n’y avait pas eu un coup d’État contre le président Zelaya. Les commentaires de Llorens démontrent non seulement son opposition au sondage, mais aussi son ingérence dans les affaires intérieures du Honduras.
Mais Llorens n’était pas seul dans la région. Après sa nomination au poste d’ambassadeur des États-Unis au Honduras (position qui lui a été assignée à cause de l’urgence de neutraliser la présence grandissante de gouvernements de gauche dans la région et de freiner la croissance potentielle de l’ALBA), plusieurs autres ambassadeurs américains ont été nommés dans des pays voisins, tous des experts dans les techniques de déstabilisation contre la révolution cubaine et de la guerre psychologique.
Le diplomate Robert Blau est d’abord arrivé à l’ambassade des États-Unis au Salvador le 2 juillet 2008, comme second en chef. En janvier 2009, il est devenu chargé d’affaires à l’ambassade. Avant son arrivée au Salvador, Blau était directeur adjoint du département d’État aux affaires cubaines à Washington, après avoir passé deux années à l’emploi de la Section des intérêts américains à La Havane comme conseiller politique. Il a eu tellement de succès auprès des dissidents cubains qu’il s’est vu décerner le prix d’excellence James Clement du département d’État. Llorens et Blau sont de vieux amis, ayant travaillé ensemble au sein de l’équipe d’Otto Reich au département d’État.
Peu après, le 5 août 2008, Stephen McFarland a été nommé ambassadeur des États-Unis au Guatemala. McFarland, un diplômé du National War College aux États-Unis, comme Hugo Llorens et Robert Blau, et ancien membre du Combat Team Number 2 de la marine américaine en Irak, était le deuxième responsable à l’ambassade des États- Unis au Venezuela durant le mandat de William Brownfield. Brownfield est connu pour avoir obtenu une augmentation considérable du financement et de l’appui stratégique du département d’État pour l’opposition au Venezuela. Après le Venezuela, McFarland a été envoyé à l’ambassade américaine au Paraguay pour superviser la construction de la grande base militaire des États-Unis dans ce pays qui est voisin de la Bolivie. Il a également été directeur des Affaires cubaines au département d’État et dans son curriculum vitae il affirme être un expert en matière de « transitions démocratiques, droits humains et sécurité ».
L’ambassadeur Robert Callahan est également arrivé à Managua, au Nicaragua, au début d’août 2008. Il a été attaché à des ambassades américaines à La Paz, en Bolivie, et à San José, au Costa Rica, et il a été professeur émérite au National War College. En 2004, il a été envoyé en Irak comme attaché de presse de l’ambassade américaine à Bagdad. À son retour, il a établi le bureau de presse et de propagande au niveau Directorate of National Intelligence (DNI) à Washington, qui est aujourd’hui le bureau qui a le plus de pouvoir dans la communauté du renseignement aux États-Unis.
Ensemble, ces ambassadeurs, experts en coûts d’État, déstabilisation et propagande, ont préparé le terrain pour le coup d’État contre le président Zelaya au Honduras.
Le financement des chefs du coup d’État
Un mois seulement avant le coup d’État contre le président Zelaya, une coalition de différentes organisations, associations d’affaires, partis politiques, haut-placés de l’Église catholique et médias privés a été formée en opposition aux politiques de Zelaya. La coalition a été nommée l’« Union civile démocratique du Honduras ». Son seul objectif était d’écarter le président Zelaya du pouvoir pour faire obstacle à la possibilité future d’une convention constitutionnelle de réforme de la Constitution, qui permettrait à la population d’avoir une voix et un rôle dans son processus politique.
L’« Union civile démocratique du Honduras » est composée d’organisations incluant le Conseil national contre la corruption, l’archevêque de Tegucigalpa, le Conseil hondurien de l’entreprise privée (COHEP), le Conseil de l’université Deans, la Fédération des travailleurs du Honduras (CTH), le Forum national de convergence, la Fédération nationale du commerce et de l’industrie du Honduras (FEDECAMARA), l’Association of Communication Media (AMC), le Groupe paix et démocratie et le groupe étudiant Génération pour le changement.
La majorité de ces organisations ont bénéficié annuellement de plus de 50 million de dollars déboursés par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et la Fondation nationale pour la démocratie (NED) pour la promotion de la démocratie au Honduras. En fait, le rapport du USAID concernant son financement et son travail avec COHEP décrit comment la discrétion entretenue par USAID dans ce projet a permis d’assurer la crédibilité de COHEP en tant qu’organisation hondurienne et non comme un bras de USAID. En fait, cela signifie que COHEP est un bras de USAID.
Les porte-parole de l’Union civile démocratique du Honduras représentant, selon eux, la « société civile », ont déclaré à la presse hondurienne le 23 juin — cinq jours avant le coup d’État contre le président Zelaya — qu’ils « avaient confiance que les forces armées se conformeront à leur responsabilité de défendre la Constitution, le droit, la paix et la démocratie. » Lorsque le coup a eu lieu le 28 juin, ils ont été les premiers à déclarer immédiatement qu’un coup n’avait pas eu lieu, mais plutôt que « la démocratie avait été sauvée » des mains du Président Zelaya, dont le crime a été de tenter de donner une voix et une visibilité à la population. Représentant la haute bourgeoisie, l’Union civile démocratique du Honduras a qualifié les supporteurs de Zelaya de « hordes ».
L’International Republican Institute (IRI), une entité qui reçoit des subventions de la NED, a reçu plus de 1,2 million de dollars en 2009 pour travailler avec des groupes politiques au Honduras. Le travail de l’IRI a été consacré à appuyer les « think tanks » et les « groupes de pression » à influencer les partis politiques et à « soutenir les initiatives visant à mettre en oeuvre des positions politiques durant les campagnes en 2009. » C’est un exemple clair de l’intervention dans la politique interne du Honduras et la preuve que la NED et l’IRI ont financé les groupes impliqués dans le coup.
Le lobby de Washington
Le sénateur républicain John McCain, ex-candidat à présidence des États-Unis, a aidé à coordonner la visite d’une délégation du régime putschiste à Washington la semaine dernière. McCain est bien connu pour son opposition aux gouvernements du Venezuela, de Bolivie et des autres pays de la région considérés comme « anti-impérialistes ». McCain maintient aussi des liens très étroits avec la communauté exilée cubaine à Miami. McCain est aussi le président du conseil d’administration de l’IRI qui a financé les participants au coup d’État au Honduras. McCain a offert les services d’une firme de lobby de Washington, liée à lui de très près, le Groupe Cormac, qui a organisé une conférence de presse pour la délégation du régime putschiste au Club de la presse nationale le 7 juin. McCain a également contribué à l’organisation de plusieurs réunions du Congrès avec les représentants traditionnels cubano-américains ainsi que des personnes connues comme « ennemis de Chávez », comme Connie Mack, Ileana Ros-Lehtinen et Mel Martinez
Mais au-delà de la connexion républicaine au coup d’État au Honduras, il y a un lien encore plus accablant à l’actuelle administration démocrate à Washington. L’avocat Lanny Davis avait été embauché par le Conseil des entreprises de l’Amérique latine (CEAL) pour faire pression en faveur du régime putschiste et convaincre les pouvoirs à Washington d’accepter et de reconnaître de facto le gouvernement au Honduras.
Lanny Davis a été conseiller spécial pour l’ex-président Bill Clinton à partir de 1996-1998 et il est un ami intime et conseiller de la secrétaire d’État Hillary Clinton. Davis est l’organisateur d’une offensive diplomatique et de relations publiques éclair en faveur du régime putschiste, y compris la stratégie de placement de publicités dans des médias américains qui cherchent à légitimer de facto le gouvernement hondurien ; il organise aussi des réunions et des auditions avec les membres du Congrès, le Département d’État et la Maison Blanche.
Le CEAL représente la communauté d’affaires conservatrice d’Amérique latine, incluant ceux qui ont encouragé et participé à de précédentes tentatives de renverser des gouvernements démocratiques par des coups d’État et / ou d’autres formes de sabotage. Par exemple, le représentant du CELA au Venezuela est Marcel Granier, président de RCTV, la station de télévision qui a participé activement en 2002 au coup d’État contre le président Chávez et qui a toujours violé la loi vénézuélienne dans le but de promouvoir son programme politique.
Dans le cadre de cette offensive, Lanny Davis a organisé la tenue d’une audience spéciale devant la Commission des relations extérieures de la Chambre, en présence des membres haut placés du Congrès, supervisée par Elliot Engel (un membre du Congrès de New York). À l’audience, les témoignages ont été faits par les représentants du régime putschiste du Honduras et d’autres qui ont soutenu le coup d’État – directement et indirectement – dont Michael Shifter du Dialogue interaméricain, Guillermo Pérez-Cadalso, ex-ministre des Affaires étrangères du Honduras et juge de la Cour suprême, et le fameux Otto Reich, un Cubano-Américain bien connu pour son rôle dans la majorité des activités de déstabilisation des gouvernements progressistes et de gauche en Amérique latine tout au long des années 80. Reich, qui a été nommé conseiller spécial sur l’Amérique latine pour le président George W. Bush, a également joué un rôle clé dans le coup d’État de 2002 contre le président Chávez. Depuis la tenue de cette audience, le Congrès américain tente actuellement d’adopter une résolution qui reconnaît le régime putschiste au Honduras en tant que gouvernement légitime.
Une autre conséquence des activités de lobby de Lanny Davis a été la réunion organisée par le Conseil des Amériques au bureau de Washington le 9 juin. Jim Swigert, directeur des programmes en Amérique latine et aux Caraïbes pour l’Institut démocratique national (NDI), l’entité qui reçoit son financement de la NED et USAID, Cris Arcos, ancien ambassadeur des États-Unis au Honduras, et Adolfo Franco, ex-administrateur de l’USAID pour l’Amérique latine et les Caraïbes et directeur du programme de « transition à la démocratie » pour Cuba ont participé à cet événement. Ces trois personnages travaillent comme conseillers auprès de l’administration Obama sur la crise au Honduras. Franco, qui était auparavant conseiller sur la politique étrangère pour John McCain au cours de sa campagne présidentielle de 2008, a été accusé de corruption pour sa mauvaise gestion des fonds du USAID destinés au programme « Démocratie » à Cuba. Franco a détourné une grande quantité de ces fonds, totalisant plus de 40 millions de dollars, à des groupes tels que le Comité pour une Cuba libre et l’Institut d’études cubaines à Miami, sans suivre un processus transparent de distribution des fonds.
Negroponte et Reich, une fois de plus
Plusieurs analystes et spécialistes de l’Amérique latine ont spéculé sur le rôle joué par l’ancien ambassadeur au Honduras John Negroponte qui a dirigé les forces paramilitaires et les escadrons de la mort connus sous le nom de « contras » contre des mouvements de gauche en Amérique centrale pendant les années 1980. Negroponte a occupé plusieurs postes de haut niveau sous l’administration Bush, dont ceux d’ambassadeur des États-Unis en Irak, ambassadeur des États-Unis aux Nations Unies, Directeur du renseignement national, et finalement secrétaire d’État adjoint, second seulement derrière Condoleeza Rice. Après avoir quitté le département d’État en janvier 2009, Negroponte a joint le secteur privé comme le font souvent les anciens hauts personnages du gouvernement. On lui a offert un emploi de vice-président du cabinet de conseil le plus influent et le plus puissant de Washington, le McLarty Associates. Negroponte a accepté l’offre. Le McLarty Associates a été fondé par Thomas « Mack » McLarty, l’ancien chef de cabinet du président Bill Clinton et l’envoyé spécial de Clinton en Amérique latine. Depuis la fin de l’administration Clinton, McLarty a dirigé le cabinet de conseil le plus puissant à Washington qui s’appelait jusqu’à l’année dernière le Kissinger-McLarty Associates à cause de la fusion entre Thomas McLarty et Henry Kissinger. Ce partenariat a été un exemple évident des unions bi-partisanes qui déterminent les politiques les plus importantes à Washington.
Dans son nouveau rôle, John Negroponte travaille présentement comme conseiller de la secrétaire d’État Hillary Clinton. Rappelons-nous que l’actuel ambassadeur américain au Honduras, Hugo Llorens a travaillé de très près sous Negroponte pendant la plus grande partie de sa carrière. Il est donc vraisemblable que John Negroponte, l’expert dans l’écrasement des mouvements de gauche en Amérique centrale, ait joué un rôle dans le récent coup contre le président Zelaya au Honduras.
Otto Reich a également investi ses énergies ces dernières années dans une campagne contre le président Zelaya. Le président hondurien a même menacé de poursuivre Reich pour diffamation en avril 2009 après que Reich ait accusé le président Zelaya d’avoir volé 100 millions $ à Hondutel, la compagnie de télécommunications possédée par l’État. Il n’y a jamais eu de preuves pour soutenir cette accusation et la vérité a été vite révélée sur les motifs de l’intérêt de Reich dans Hondutel. Le Cubano-Américain, à travers son cabinet de conseil et de lobbying Otto Reich Associates, représentait une compagnie multinationale qui cherchait à privatiser Hondutel, ce à quoi Zelaya s’opposait. Maintenant que la président Zelaya n’est plus dans son chemin, Reich est en mesure d’aller de l’avant avec cette offre de plusieurs millions de dollars.
Reich a aussi été le co-fondateur d’une organisation à Washington appelée la Fondation Arcadia, avec un vénézuélien du nom de Robert Carmona-Borjas, un avocat spécialisé dans le droit militaire lié, selon son propre curriculum vitae, au coup d’État d’avril 2002 au Venezuela. Robert Carmona-Borjas était au palais présidentiel de Caracas, au Venezuela, en compagnie du dictateur Pedro Carmona pendant les jours du coup d’État les 11 et 12 avril 2002, et il s’est enfui avec Carmona quand le palais a été repris par la garde présidentielle et l’ordre constitutionnel rétabli. Il a fui plus tard aux États-Unis après que des accusations aient été portées contre lui pour sa participation au coup d’État, et il est devenu professeur d’université à l’université George Washington à Washington DC (c’est beau de voir l’accueil chaleureux que les États-Unis réservent aux dirigeants de coups et aux violateurs de la démocratie). Reich et Carmona-Borjas mènent depuis l’an dernier une campagne contre le président Zelaya, l’accusant de corruption et d’entrave aux droits de propriété privée. À travers leur Fondation Arcadia, ils ont produit une série de vidéos, que plusieurs médias ont montré, qui essaient de dépeindre Zelaya comme un président corrompu qui viole les droits fondamentaux du peuple du Honduras.
Carmona-Borjas a fréquemment voyagé au Honduras ces derniers mois et a même tenu des meetings publics qui ont ouvertement discuté du coup contre Zelaya. Lors d’une de ces rencontres, le Défenseur public du Honduras, Ramon Custodia, qui a participé au coup d’état, a déclaré à la presse en présence de Carmona-Borjas que « les coups sont possibles et peuvent se produire dans un environnement politique. » Après le coup, soit le 3 juillet, Robert Carmona-Borjas a participé à un rassemblement en appui au régime issu du coup et il y a reçu les honneurs et les applaudissements des responsables du coup qui se sont référé à lui comme à un « acteur important » ayant « aidé à rendre possible » le renversement du président Zelaya et l’installation du dictateur Roberto Micheletti comme président imposé.
Le pouvoir militaire
Les États-Unis maintiennent une vaste présence militaire au Honduras à la base de Soto Cano (Palmerola), située à environ 50 milles de la capitale Tegucigalpa, qui a été très active depuis 1981 lorsque l’administration Reagan l’a occupée et utilisée pour ses opérations en Amérique centrale.
Pendant les années 1980, Soto Cano a été utilisée par le colonel Oliver North comme base d’opérations des « contras », les forces paramilitaires entraînées, armées et financées par la CIA et chargées de mener la guerre contre les mouvements de gauche en Amérique centrale et surtout le gouvernement voisin sandiniste du Nicaragua. À partir de Soto Cano, les « contras » ont mené des attaques terroristes, de la guerre psychologique (supervisée par le Bureau de Diplomatie publique d’Otto Reich), des attaques d’escouades de la mort et des missions spéciales secrètes dans lesquelles des dizaines de milliers de paysans et de civils ont été assassinés, et des milliers de personnes ont été enlevées, torturées, blessées alors que toute une région a été soumise à un régime de terreur.
John Negroponte, l’ambassadeur américain au Honduras de l’époque, de concert avec Oliver North et Otto Reich, ont dirigé et supervisé ces opérations. Ils ont plus tard été impliqués dans le scandale Iran-Contra lorsque le Congrès américain a coupé les fonds des groupes paramilitaires et des escouades de la mort utilisés par l’administration Reagan pour neutraliser les mouvements de gauche de la région et l’équipe Negroponte-North-Reich a alors vendu des armes à l’Iran pour continuer de financer ses opérations secrètes.
La base de Soto Cano est le siège de la Force opérationnelle mixte « Bravo composée d’effectifs de l’armée de terre, de l’armée de l’air, de forces de sécurité communes et du premier bataillon du 228ème régiment de l’aviation américaine, ce qui représente environ 600 personnes au total et 18 avions de combat, dont des hélicoptères UH60 Black Hawk et CH47 Shinock. Soto Cano est également le siège de l’Académie aérienne hondurienne, Plus de 650 citoyens américains et honduriens vivent en permanence à l’intérieur de la base.
La constitution du Honduras ne permet pas légalement la présence militaire étrangère dans le pays. Un accord « par poignée de main » semi-permanent entre Washington et le Honduras autorise cette présence stratégique et importante de centaines — parfois de milliers — de membres du personnel militaire américain sur la base. Cet accord a été conclu en 1954 en échange de l’aide américaine de millions de dollars aux forces armées du Honduras qui comprend des programmes d’entraînement, des armes et de l’équipement militaire de même que des exercices conjoints et des opérations en sol hondurien. La base a été utilisée la première fois par l’armée américaine et la CIA comme base de lancement du coup d’État contre Jacobo Arbens au Guatemala en 1954.
Washington autorise chaque année des centaines de millions d e dollars en aide militaire et économique au Honduras, le troisième pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental après Haïti et le Nicaragua. Cet « échange » qui assure la présence militaire américaine dans ce pays d’Amérique centrale peut être abrogé par le gouvernement du Honduras à n’importe quel moment sans avis préalable.
Le 31 mai 2008, le président Manuel Zelaya a annoncé que Soto Cano (Palmerola) allait être convertie en un aéroport civil international. La construction de son terminal devait être financée par des fonds provenant de l’Alliance bolivarienne des Amériques (l’ALBA — dont sont membres la Bolivie, Cuba, l’Équateur, la Dominique, le Honduras, le Nicaragua, St-Vincent, Antigua-et-Barbuda et le Venezuela). Cela constituait évidemment une menace très sérieuse pour la présence militaire américaine au Honduras.
Les deux généraux qui ont joué un rôle clé dans le coup contre le président Zelaya sont tous deux diplômés de l’École des Amériques, célèbre pour son entraînement de dictateurs, tortionnaires et d’oppresseurs en Amérique latine, et ils maintiennent des liens très étroits avec les forces militaires américaines basées au Honduras. Le commandant des Forces armées du Honduras, le général Luis Javier Prince Suazo, a étudié à cette sinistre École des Amériques en 1996. Le chef d’État-major hondurien, le général Romeo Vasquez, qui a été congédié par le président Zelaya le 24 juin 2009 pour avoir désobéi à ses ordres et est réapparu comme l’acteur principal du coup militaire quelques jours plus tard est lui aussi un diplômé de l’École des Amériques. Ces deux militaires de haut rang entretiennent aussi des liens étroits avec le Pentagone et le Southern Command.
L’ambassadeur américain au Honduras Charles Ford, en poste jusqu’à son remplacement par Hugo Llorens en septembre 2008, a par la suite été transféré du Honduras au Southern Command en Floride pour donner « des conseils stratégiques » au Pentagone sur l’Amérique latine, un poste qu’il occupe encore aujourd’hui.
Les militaires du Honduras sont financés, entraînés, instruits et commandés par les militaires des États-Unis. Ils ont été endoctrinés depuis le début de la Guerre froide par une mentalité qui est contre la gauche, le socialisme et pour l’empire. Les généraux et les officiers de haut rang impliqués dans le coup d’État au Honduras ont dit publiquement qu’ils avaient « l’obligation » de chasser le président Zelaya du pouvoir parce qu’il était une « menace » avec son idéologie « gauchiste » et son alignement sur les pays socialistes de la région comme le Venezuela et Cuba. Comme le disait un colonel hondurien : »Nous avons combattu les mouvements subversifs au pays et nous avons été le seul pays à ne pas avoir vécu de guerre fratricide comme les autres en ont connue. Cela serait difficile pour nous, compte tenu de notre entraînement, d’être en relations avec un gouvernement gauchiste. C’est impossible. Personnellement j’aurais pris ma retraite parce que ma façon de penser, mes principes ne m’auraient pas permis de participer à cela. »
Tous les faits ci-haut mentionnés — en plus des autres qui viendront certainement s’y ajouter — prouvent de façon indéniable le rôle de Washington dans le coup d’État contre le président Zelaya au Honduras.
Lire l’article en anglais : http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=14390, publié le 15 juillet 2009.
Traduit de l’anglais par CPML.