Washington soutient et finance Daesh. Moscou soutient la Syrie contre Daesh

Press TV a interviewé Michel Chossudovsky du Centre de recherche sur la mondialisation à Montréal à propos de la décision de la Russie de fournir à Damas du matériel militaire et une aide humanitaire.
Voici une transcription approximative de l’interview.
Press TV : L’appel lancé au monde entier par la Russie pour venir en aide au gouvernement syrien dans sa lutte contre les terroristes de Daesh semble être tombé dans l’oreille de sourds, du moins à Washington. On voit plutôt le président US affirmer que la stratégie de Moscou en Syrie est vouée à l’échec. Deux questions : d’abord et avant tout, quelle est cette stratégie de la Russie à laquelle l’Occident s’oppose si vigoureusement? Et ensuite, pourquoi l’Occident s’inquiète‑t‑il autant de la présumée montée en puissance de la Russie en Syrie?
Chossudovsky : Il faut tout d’abord faire quelques distinctions :
– D’une part, il y a les actes d’agression commis par les USA à l’endroit d’un État souverain, et ce, en vertu d’un « mandat humanitaire » les autorisant à « pourchasser Daesh », alors que dans les faits nous savons – et cela est amplement démontré – que Daesh bénéficie du soutien et de l’aide financière des USA et de leurs alliées;
– D’autre part, il y a ce que l’on pourrait décrire comme une coopération militaire bilatérale entre les deux États souverains que sont la Syrie et la Fédération de Russie. Et c’est d’ailleurs là quelque chose qui existe depuis de nombreuses années entre ces deux pays.
La Russie possède une base navale en Méditerranée. En outre, elle fournit à la Syrie son système de défense aérienne S‑300 et coopère avec elle dans d’autres domaines axés surtout sur la formation, sur les systèmes d’arme et ainsi de suite. Je ne crois pas que cela implique un quelconque déploiement de troupes terrestres. Ça n’arrivera pas. Et tout cela n’a rien de nouveau, mais s’inscrit dans une relation de longue date entre les deux gouvernements.
Maintenant en ce qui concerne Obama, il s’agit d’une affirmation quelque peu diabolique. Depuis septembre dernier – nous en sommes actuellement au terme d’une année de « bombardements humanitaires » sur l’Iraq et la Syrie – il y a eu 53 000 sorties aériennes (chiffres officiels), et de ce nombre, 6 700 ont été ce qu’on appelle des « sorties de frappe ».
Pour ma part, je soupçonne qu’un grand nombre de ces 53 000 sorties avaient en fait pour but de livrer des armes et d’autre matériel à Daesh, dont les membres sont les fantassins de l’alliance militaire occidentale qui combattent les forces du gouvernement syrien.
Press TV : Dans quelle mesure trouvez‑vous suspecte l’augmentation récente du nombre de pays soudainement empressés de se joindre aux frappes aériennes US sur le territoire syrien?
Chossudovsky : Bien, voyez‑vous, les États‑Unis ont toujours eu pour stratégie de se rallier leurs présumés alliés et, dans certains cas, des États interposés pour faire le sale boulot sur le théâtre de guerre et ils ont le soutien de l’Arabie saoudite et du Qatar, celui de leurs alliés européens, et celui aussi du Canada.
Je crois que les dirigeants de ces pays, les soi-disant démocraties occidentales, doivent se poser la question suivante : qui appuyons‑nous réellement?
Ils appuient les terroristes, cela est une évidence. Les sorties de frappe dirigées contre la Syrie ne ciblent pas Daesh.
Daesh est un instrument aux mains de l’administration US, c’est une entité affilée à al‑Qaida.
Ils s’appelaient autrefois al‑Qaida en Iraq, et il y a une longue tradition de renseignements aux États‑Unis. Les renseignements US soutiennent les organisations affiliées aux « djihadistes » et à al‑Qaida. Bon nombre des membres de Daesh sont en fait d’anciens mercenaires du Groupe islamique combattant en Libye (GIGL) qui a désormais joint les rangs de Daesh, et – comme nous le savons – ces mercenaires avaient eux aussi le soutien des États‑Unis et de l’OTAN.
Article original en anglais :
Washington is Supporting and Financing the ISIS. Moscow is Supporting Syria against the ISIS, publié le 12 septembre 2015
Traduction par Jacques pour Mondialisation.ca
Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur d’économie à l’Université d’Ottawa. Il est l’auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues).