Washington tente d’implanter une base militaire en Ouzbékistan

Les manœuvres géopolitiques se poursuivent autour de l’Afghanistan et deviennent de plus en plus sérieuses du point de vue de l’éventualité d’une nouvelle grande déstabilisation de la situation.

La probabilité des tentatives d’une vaste attaque armée des combattants d’Afghanistan contre un pays d’Asie centrale grandit. Et à noter qu’il ne s’agit pas des talibans, mais des terroristes restants de Daech et d’autres groupes radicaux. Ils se déplacent aujourd’hui là où il y a plus d’espace. Il est possible que leur migration se déroule non sans l’aide de certaines forces américaines, qui cherchent à déstabiliser la Russie (via l’Asie centrale), la Chine, l’Iran et l’Afghanistan lui-même (il est difficile à croire que les grands attentats commis récemment ont commencé à se produire par hasard). Et pour mieux contrôler la situation en Afghanistan, les Américains tentent de s’installer à proximité.

Le média Politico a rapporté que le déploiement des forces antiterroristes américaines en Ouzbékistan était à l’étude. Ce pays n’a pas été choisi par Washington par hasard. Premièrement, cela fait longtemps que les relations entre le Pakistan et l’Amérique battent de l’aile, du coup il ne reste que l’Asie centrale. Deuxièmement, l’Ouzbékistan ne fait pas partie de l’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), et son ministre des Affaires étrangères a récemment déclaré que Tachkent ne comptait pas revenir dans l’organisation. Troisièmement, l’Ouzbékistan est géographiquement un pays central de l’Asie centrale et telle ou telle présence y permettrait de ne pas influer seulement sur l’Afghanistan.

Est-il envisageable que les militaires américains reviennent en Ouzbékistan? D’un côté, ce même ministre ouzbek des Affaires étrangères a dit: « Cette question ne se pose pas et n’est pas évoquée. » La même chose dit le ministère de la Défense de Tachkent. D’un autre côté, il est possible de promettre tout et n’importe quoi (surtout en Asie). Et le fait que l’Ouzbékistan s’abstienne d’adhérer à l’OTSC lui offre une plus grande marge de manœuvre.

Néanmoins, en août se sont déroulées des manœuvres conjointes de l’Ouzbékistan, de la Russie et du Tadjikistan (de facto l’Ouzbékistan est présent dans le système commun de la sécurité, sans parler de la coopération dans le cadre de la Communauté des États indépendants et de l’Organisation de coopération de Shanghai). De plus, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a déclaré à l’issue de son entretien avec la secrétaire d’État adjointe américaine Victoria Nuland que la Russie ne tolérerait pas la présence militaire américaine en Asie centrale (difficile à imaginer un signal plus clair pour l’Amérique et pour les pays de la région).

Enfin, si l’Ouzbékistan n’entendait pas la Russie, la même chose lui ferait comprendre la Chine, qui entreprend des actions économiques douloureuses quand les partenaires font l’impasse sur ses intérêts stratégiques.

Au final, il faut croire le chef de la diplomatie de l’Ouzbékistan, parce qu’il comprend que la coopération militaro-politique étroite avec les États-Unis comporte bien plus de points négatifs en politique étrangère et de risques économiques que d’avantages (Moscou et Pékin ne resteront pas les bras croisés).

En résumé, on peut dire que le déplacement d’islamistes radicaux en Afghanistan (qui ressemble vraiment à une projection planifiée), les grands attentats sur le territoire afghan et le flirt de Washington avec Tachkent confirment la supposition que les Américains sont partis d’Afghanistan, mais par le biais des terroristes contrôlés veulent le transformer en avant-poste de déstabilisation des pays voisins. Et ils cherchent sous tout prétexte à s’introduire au moins dans un pays d’Asie centrale pour mieux contrôler ce processus. Cependant, l’Asie centrale est consciente que les relations avec la Russie et la Chine sont plus importantes, car la réaction économique serait bien plus significative, et en cas de tentative de percée des combattants d’Afghanistan, ce sont les soldats russes qui aideraient, pas les américains.

Alexandre Lemoine



Articles Par : Alexandre Lemoine

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