Wikileaks : un entourage qui soulève des questions

Note de l’éditeur 

Les organisations progressistes ont louangé l’entreprise de WikiLeaks. Notre propre site web, Mondialisation.ca/Global Research, a offert une couverture approfondie des banques de données de WikiLeaks et de leurs implications, particulièrement en ce qui a trait aux crimes de guerre des États-Unis et de l’OTAN.

 

Le projet WikiLeaks est annoncé comme une victoire incommensurable contre la censure des médias privés, sans que sa structure organisationnelle ne soit examinée.

Il faut distinguer les bases de données de WikiLeaks, lesquelles constituent une source valable d’informations à part entière, et les mécanismes par lesquels les fuites, utilisées par les médias privés comme matériel source, sont ensuite transformées en nouvelles.

Dès le départ, WikiLeaks a collaboré étroitement avec plusieurs médias traditionnels.

Cet article de Julie Lévesque est centré sur la nature et la structure organisationnelle du projet WikiLeaks.

« En politique, rien n’arrive par accident. Si quelque chose se produit, vous pouvez parier que cela a été planifié ainsi. » –Franklin D. Roosevelt

À la suite de la publication d’une série de confirmations plutôt que de révélations, des questions cruciales demeurent sans réponses concernant la nature et la structure organisationnelle de WikiLeaks.

Entouré de secrets, le fameux site de dénonciation et son responsable, Julian Assange, exigent la « transparence » des gouvernements et des entreprises partout dans le monde, tout en omettant de fournir des informations fondamentales relatives à WikiLeaks en tant qu’organisation.

Qui est Julian Assange?

Dans l’introduction du livre Underground: Hacking, Madness and Obsession on the Electronic Frontier (1997), de Julian Assange et Suelette Dreyfus, M. Assange commence avec les citations suivantes :

« L’homme est le moins lui-même quand il est sincère. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité » — Oscar Wilde

« L’essentiel est invisible pour les yeux » — Antoine De Saint-Exupéry

D’entrée de jeu, Assange déclare qu’il a effectué la recherche pour ce livre, sans mentionner toutefois qu’il était également l’un des pirates informatiques étudiés dans ce même livre, portant le nom de Mendax, soit « menteur, faux » en latin.

Bien qu’il soit impossible de confirmer que ces citations faisaient référence à lui, elles suggèrent néanmoins qu’à l’époque, Assange cachait sa véritable identité.

L’on sait peu de choses à propos du cryptographe Julian Assange. Il est en effet très cryptique lorsqu’il est temps de révéler qui il est et où il a travaillé avant le projet WikiLeaks. Sur la liste des membres du conseil d’administration déjà publiée par WikiLeaks, on peut lire que Julian Assange :

–          a « fréquenté 37 écoles et 6 universités ». Aucune d’entre elles n’est mentionnée par son nom;

–          est « le pirate informatique éthique le plus célèbre d’Australie » Une affaire judiciaire de 1996, citée abondamment dans les médias dominants est disponible sur le site de l’Australian Legal Information Institute. Contrairement aux autres procès listés sur le lien ci-dessus, le texte complet n’est pas disponible;

–          « […] dans la première poursuite du genre, [… il] s’est défendu en cour suprême pour son rôle comme éditeur d’un magazine électronique activiste. » Le nom du magazine, l’année de la poursuite et le pays où elle a eu lieu ne sont pas mentionnés;

–          a prétendument fondé le « groupe des droits civils pour enfants ‘Pickup’. Il ne semble y avoir aucune information disponible sur ce groupe, outre les reportages relatifs à WikiLeaks. Nous ne savons pas s’il existe encore, où il se trouve et quelles sont ses activités.

–          a « étudié les mathématiques, la philosophie et la neuroscience ». Nous ne savons pas où il a fait ses études ni quelles sont ses qualifications;

–          a été « le sujet de plusieurs livres et documentaires ». Si c’est le cas, pourquoi ne pas en mentionner au moins un?

On pourrait bien sûr avancer d’une part qu’Assange désire demeurer secret afin de se protéger, ainsi que les dénonciateurs et les membres de son organisation. D’autre part, il ne peut pas s’attendre de façon réaliste à ce qu’on lui fasse confiance aveuglément si l’on ne sait pas réellement qui il est.

Ce qu’il y a de plus intéressant chez Julian Assange c’est que ses anciens employeurs demeurent inconnus. Sa biographie indique qu’il est un « programmeur prolifique et consultant pour de nombreux projets de code source libre, son logiciel est utilisé par la plupart des grandes organisations et se trouve dans tous les ordinateurs Apple ». Était-il pigiste? Pour qui a-t-il travaillé?

Un vieil échange de courriels de 1994 entre Julian Assange et le lauréat de la NASA Fred Blonder soulève des questions sur les activités professionnelles d’Assange avant le lancement de WikiLeaks. Cet échange est disponible sur le site web du Massachusetts Institute of Technology :

Date: Fri, 18 Nov 1994 03:59:19 +0100

From: Julian Assange <[email protected]>

To: Fred Blonder <[email protected]>

Cc: [email protected], [email protected],

        [email protected], [email protected], [email protected]

In-Reply-To: <[email protected]>

On Thu, 17 Nov 1994, Fred Blonder wrote: [EXCERPT]

>          From: Julian Assange <[email protected]>

>                     .

>          Of course, to make things really interesting, we could have n files,

>          comprised of n-1 setuid/setgid scripts and 1 setuid/setgid binary, with

>          each script calling the next as its #! argument and the last calling the

>          binary. 😉

> The ‘#!’ exec-hack does not work recursively. I just tried it under SunOs 4.1.3

> It generated no diagnostics and exited with status 0, but it also didn’t execute

> the target binary….

Does under linux (300 deep at least). However, linux doesn’t permit suid

scripts in anyvent. Other platforms I have not as yet tested.

> Proff

Dans ce message, Assange informe Blonder sur des tests qu’il a effectués sur différents systèmes informatiques et ce qui n’a pas fonctionné.

Le courriel de Julian Assange à Fred Blonder a été envoyé à une adresse se terminant par « nasirc.hq.nasa.gov », soit la NASA. Il a également été envoyé en copie conforme à Michael C. Neuman, un expert en informatique du Los Alamos National Laboratory(LANL) au Nouveau Mexique, le principal institut de recherche en sécurité nationale sous l’autorité du département de l’Énergie des États-Unis.

À l’époque, Fred Blonder travaillait sur un programme de cybersécurité appelé NASA Automated Systems Incident Response Capability” (NASIRC) et pour lequel il a gagné le NASA Group Achievement Award en 1995. Un article du 2 juin 1995 explique :

Par des séances d’information continues sur la sensibilisation aux menaces, des ateliers approfondis, des communications et une coopération intercentres et liées au partage opportun d’information sur les incidents, les outils et les techniques, NASIRC a significativement augmenté partout dans l’agence la sensibilisation aux menaces sérieuses et en évolution auxquelles sont confrontés les systèmes informatiques et réseautiques. (Valerie L. Thomas, “NASIRC Receives NASA Group Award”, National Space Science Data Center, 2 juin, 1995)

Y a-t-il un lien quelconque entre le procès d’Assange en 1996 et cet échange?

Collaborait-il avec ces institutions?

Par exemple, dans son courriel Assange informe Blonder sur son travail en faisant des suggestions et en disant qu’il n’a en disant qu’il n’a « pas encore fait de test sur les autres plateformes », indiquant apparemment qu’il collaborait avec l’employé de la NASA. Nous pouvons donc confirmer que Julian Assange était en communication avec des gens travaillant pour la NASA et le laboratoire de Los Alamos dans les années 1990.

L’annuaire de WikiLeaks. Les membres du conseil d’administration

Voici quelques faits intéressants à propos de plusieurs membres inscrits sur le conseil d’administration de WikiLeaks en 2008, incluant les organisations auxquelles ils appartiennent ou sont liés.

Philip Adams

Philip Adams, a entre autres « occupé des postes clés dans l’administration des médias gouvernementaux australiens » (WikiLeaks, Wikileaks.org, 27 mars 2008), présidé le Conseil australien et collaboré au Times, au Financial Times à Londres et au New York Times. Plusieurs reportages confirment qu’il est le représentant de l’Index on Censorship en Australie. Il convient de mentionner que WikiLeaks a reçu le prix de Liberté d’expression de l’Economist Index on Censorship en 2008. (Philip Adams, Milesago.com)

M. Adams a été présentateur de Radio’s Late Night Live à ABC (Australie) et est chroniqueur pour The Australian depuis les années 1960. Ce journal appartient à News Corporation, propriété de Rupert Murdoch, membre du Council on Foreign Relations (CFR).

Adams est également « président du conseil d’administration du Centre for the Mind à l’Université de Sydney et l’Université Nationale d’Australie. Micheal Spence, un membre du CFR siège aussi à ce comité et le fils de Rupert Murdoch, Lachlan Murdoch, était dans ce conseil d’administration jusqu’en 2001. En 2008, le membre distingué du Center for the Mind était l’ancien premier ministre Tony Blair, lequel a fait face à une série d’accusations pour crimes de guerre.

M. Adams a-t-il des allégeances conflictuelles? Il siège au conseil d’administration de WikiLeaks, dont le mandat est d’exposer les crimes de guerre, tout en siégeant à un autre conseil qui honore un homme accusé de crimes de guerre.

Selon un article de l’Australian :

Adams, qui n’a jamais rencontré Assange, affirme qu’il a quitté le conseil en raison de problèmes de santé peu après le lancement de WikiLeaks et n’a jamais assisté à aucune réunion. « Je ne crois pas que le conseil d’administration ait conseillé quoi que ce soit » a-t-il blagué.

CJ Hinke:

CJ Hinke, est « auteur, activiste et vit en Thaïlande depuis 1989. En 2006 il y a fondé Freedom Against Censorship Thailand (FACT) pour faire campagne contre la censure omniprésente dans la société thaïlandaise » (WikiLeaks’ Avisory Board, Wikileaks.org, 27 March 2008)

Ben Laurie

« WikiLeaks est censé avoir un conseil d’administration et j’en serais membre […] Je ne sais pas qui le dirige […] Ben Laurie affirme que sa seule interaction substantielle avec le groupe a été lorsque Assange l’a approché pour l’aider à concevoir un système qui protégerait l’anonymat des dénonciateurs. (David Kushner, Inside WikiLeaks’ Leak Factory, Mother Jones, 6 avril 2010)  

Cet article est paru dans Mother Jones en avril 2010. Un article du New York Daily News de décembre 2010 mentionne ceci : « “Julian est un gars brillant et c’est une tactique intéressante” a dit Ben Laurie, un expert en sécurité informatique vivant à Londres ayant conseillé WikiLeaks. »

Bien qu’il nie être un conseiller de WikiLeaks, son nom apparaît sur la liste des membres du conseil d’administration et des reportages le décrivent comme tel. Il convient de noter aussi que Ben Laurie est un « directeur de la sécurité pour The Bunker Secure Hosting, où il travaille depuis 1984 et est responsable de la sécurité, de la cryptographie et de la conception de réseaux ». Il dirige également Open Rights Groupfinancé par Joseph Rowntree Reform Trust Ltd et Open Society Foundation.

Dissidents chinois et tibétains dans le conseil d’administration

Tashi Namgyal Khamsitsang

Tashi Namgyal Khamsitsang, un “activiste tibétain en exil”, a été président de l’Association Washington Tibet et membre du gouvernement tibétain en exil. En juillet 2010 il a été nommé à la State Commission on Asian Pacific American Affairs par le gouverneur de Washington. (A Tibetan Appointed to the Washington State Commission on Asian Pacific American Affairs, Tibetan Association of Washington, 17 juillet 2010) 

Wang Youcai

Wang Youcai est le cofondateur du Parti démocrate chinois et un des leaders des manifestations de la place Tiananmen. Emprisonné pour « conspiration visant à renverser le gouvernement chinois […] Il a été exilé en 2004 en raison de pressions politiques, provenant particulièrement des États-Unis. Il est aussi « membre de Chinese Constitutional Democratic Transition Research et de Coordinative Service Platform du Parti démocrate chinois » (WikiLeaks, Wikileaks.org, 27 mars 2008).

Xiao Qiang

Xiao Qiang est le « directeur du Berkeley China Internet Project […] Il est devenu un activiste des droits humains à temps plein après le massacre de Tiananmen en 1989 […] et est à l’heure actuelle vice-président du Steering Committee of the World Movement for Democracy » selon la description de WikiLeaks. Il a reçu le prix MacArthur Fellowship de la Fondation John D. et Catherine T. MacArthur en 2001 et est commentateur pour Radio Free Asia. (WikiLeaks’ Advisory Board, Wikileaks.org, 27 mars 2008) 

Xiao Qiang est également le « fondateur et l’éditeur de China Digital Times » (Biographies, National Endowment for Democracy), un site web subventionné par National Endowment for Democracy (NED) (Directives from China’s Ministry of Truth on Liu Xiaobo winning Nobel, Democracy Digest, 8 octobre 2010). 

Le Steering Committee of the World Movement for Democracy est une initiative de NED à Washington, DC. (World Movement for Democracy). En 2008 Xiao Qiang a fait partie d’un panel de discussion intitulé « Law Rights and Democracy in China: Perspectives and Leading Advocates », organisé par NED avant la Cérémonie du prix de la démocratie. (2008 NED Democracy Award Honors Heroes of Human Rights and Democracy in China, National Endowment for Democracy, 17 juin 2008).    

Radio Free Asia est financé par le Broadcasting Board of Governors (BBG), lequel se décrit comme un organisme « englobant toute la radiodiffusion civile internationale des États-Unis, dont Voice of America (VOA), Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), Radio Free Asia (RFA), Radio et TV Martí, et Middle East Broadcasting Networks (MBN)—Radio Sawa et Alhurra Television ». Huit de ses neufs membres sont nommés par le président et entérinés par le Sénat étasunien et le neuvième est le secrétaire d’État, qui siège comme membre d’office. (Broadcasting Board of Governors

RFE/RL ne cache plus ses origines clandestines : « À l’origine, RFE et RL étaient principalement financés par le Congrès étasunien par le biais de la Central Intelligence Agency (CIA) […] En 1971, toute implication de la CIA a pris fin et RFE et RL ont par la suite été financés par des crédits du Congrès à travers le Board for International Broadcasting  Broadcasting et le Board of Governors (BBG) après 1995. (A Brief History of RFE/RL

Fait intéressant, dans un article de 2002, le CFR a suggéré de « créer une Structure de coordination de diplomatie publique (SCDP) afin d’aider à définir les stratégies de communication et rationaliser les structures de diplomatie publique. « À bien des égards, la SCDP serait semblable au Conseil national de sécurité » […] Elle serait composée des secrétaires d’État, de la Défense, du Trésor et du Commerce, ainsi que du directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) et du président du BBG », une suggestion à laquelle s’est officiellement objecté le BBG « afin de préserver l’intégrité journalistique ». (BBG Expresses Concern With Report Recommendations on U.S. International Braodcasting, 31 juillet 2002)

Wang Dan

Wang Dan était également un des leaders du mouvement démocratique de la place Tiananmen, ce qui lui a valu « la première position sur la liste chinoise des « 21 leaders étudiants de Pékin les plus recherchés » ». Il a été emprisonné pour ses activités subversives et « exilé aux États-Unis en 1998 en raison de pressions politiques ». (WikiLeaks’ Advisory Board, Wikileaks.org, 27 mars 2008) 

Il est président de la Chinese Constitutional Reform Association et membre du comité de rédaction du Beijing Spring, un magazine financé par NED, la « principale fondation vouée à la promotion de la démocratie » selon un article de Judith Miller dans le New York Times. Un des fondateurs de NED aurait dit : « Une grande partie de notre [NED] travail actuel était fait clandestinement par la CIA il y a 25 ans. » (Cité dans William Blum, Rogue State: A Guide to the World’s Only Superpower, 2000, p. 180).

En 1998, Wang Dan a reçu le prix de la démocratie octroyé par NED « parce qu’il représente une alternative pacifique pour l’accomplissement de la démocratie et pour [son] courage et sa loyauté indéfectible envers la cause de la démocratie ». (1998 Democracy Award honors Heroes of Human Rights and Democracy in China, National Endowment for Democracy)  

Invitation à siéger au CA

Il convient par ailleurs de noter que dans un article de Technology Daily du 4 janvier 2007, on indique que « WikiLeaks a récemment invité Steven Aftergood, un chercheur en secret gouvernemental à la Federation of American Scientists [FAS], à siéger à son conseil d’administration ».

M. Aftergood est l’un des premiers à avoir écrit un article sur WikiLeaks et ce, avant même que le site ne soit fonctionnel. Il siège au conseil d’administration de Fund for Constitutional Government à Washington DC, lequel administre l’organisme Privacy International aux États-Unis. (About Privacy International, 16 décembre 2009).

Privacy International est un « chien de garde des droits humains centré sur les intrusions des gouvernements et des entreprises dans la vie privée ». Au comité directeur ou au conseil d’administration de Privacy International, on trouve des groupes comme l’American Civil Liberties Union et l’Index on Censorship.

La bataille pour la « transparence »

En 2007 WikiLeaks se décrivait comme un « Wikipedia, impossible à censurer, dédié à la fuite massive et l’analyse de documents ». Sa priorité? « Dénoncer des régimes oppressifs en Asie, dans l’ancien bloc soviétique, en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient. » Tout comme la liste des membres du conseil d’administration, cette description n’apparaît plus sur le site de WikiLeaks. L’organisation affirmait également avoir été « fondée par des dissidents chinois, des journalistes, des mathématiciens et des technologues de jeunes entreprises des États-Unis de Taïwan, d’Europe, d’Australie et de l’Afrique du Sud ». (Wikileaks.org, 17 décembre 2007)

Dans la description disponible actuellement, la référence aux dissidents chinois et à l’origine des autres membres a été enlevée. WikiLeaks met plutôt l’accent sur le fait qu’il n’est pas une opération clandestine.

Assange invite à la confiance aveugle en WikiLeaks en insistant sur la fiabilité de son organisation opaque. Dans ses propres termes :

« Une fois que quelque chose commence à circuler et à être considéré comme digne de confiance dans un certain domaine, et que vous rencontrez quelqu’un qui vous dit « j’ai entendu que c’est fiable » alors soudainement cela reconfirme votre soupçon voulant que la chose est digne de confiance. Voilà pourquoi la marque est si importante, comme pour tout ce en quoi vous devez avoir confiance. » Andy Greenberg, An Interview with WikiLeaks’ Julian Assange, Forbes, 29 octobre 2010, c’est l’auteure qui souligne)  

«  » Les gens devraient comprendre que WikiLeaks s’est révélé la source d’information la plus fiable qui soit, car nous publions du matériel source original et de l’analyse basée sur ce matériel source » a confié Assange à CNN. « Les autres organisations, sauf quelques exceptions, ne sont tout simplement pas dignes de confiance« . » (The secret life of Julian Assange, CNN, 2 décembre 2010, c’est l’auteure qui souligne)

Même si WikiLeaks ne dévoile plus les noms des membres de son conseil d’administration, ni ses sources de financement, nous devons avoir confiance en cet organisme puisque selon son fondateur Julian Assange, il « s’est révélé la source d’information la plus fiable qui soit ».

De plus, si nous nous fions à la déclaration d’Assange voulant qu’il n’existe que quelques organes médiatiques dignes de confiance, nous devons assumer que ce sont celles sélectionnées par WikiLeaks pour agir à titre de « partenaires » dans la diffusion et l’édition des fuites, dont le New York Times, Der Spiegel, le Guardian, El País et Le Monde.

Or, le New York Times, qui compte parmi ses employés des membres du CFR, dont le collaborateur de WikiLeaks David E. Sanger, s’est révélé plus d’une fois un instrument de propagande pour le gouvernement étasunien, l’exemple le plus tristement célèbre étant le discours sur les armes de destruction massive mis de l’avant par la récipiendaire du prix Pulitzer Judith Miller.

Dans une entrevue, Assange indique que WikiLeaks a choisi une variété de médias pour éviter que les fuites ne soient utilisées à des fins propagandistes. Il est important de noter que bien que ces médias soient détenus par des groupes différents et qu’ils aient différentes politiques éditoriales ils sont tous contrôlés, sans exception, par d’importantes entreprises médiatiques occidentales.

Travailler avec des médias de différentes régions du monde (par exemple, d’Asie, d’Amérique latine, du Moyen-Orient) et établir des partenariats avec les médias alternatifs aurait été un bien meilleur moyen d’éviter que les fuites ne soient employées en vue de désinformer. En travaillant essentiellement avec des médias en provenance des pays de l’OTAN, WikiLeaks a choisi de soumettre ses fuites à une seule « vision du monde », celle de l’Occident.

Comme l’ont noté quelques critiques de WikiLeaks, ce projet rappelle les « recommandations » de Cass Sunstein, à la tête de l’Office of Information and Regulatory Affairs de l’administration Obama. Sunstein est l’auteur d’un essai de la Harvard Law School faisant autorité : « Conspiracy Theories: Causes and Cures » (Les théories de conspiration : les causes et les remèdes). Daniel Tencer en a exposé brièvement les grandes lignes dans l’article « Un membre de l’administration Obama réclame « l’infiltration cognitive » des « groupes de conspiration sur le 11 septembre » »:

Sunstein « soutient que le gouvernement devrait infiltrer furtivement les groupes présentant des théories alternatives sur des événements historiques par le biais des « forums de discussion, des réseaux sociaux en ligne ou même des groupes en espaces réels et tenter de miner » ces groupes ».

[…] M. Sunstein veut dire que les personnes croyant aux théories de conspiration ont un nombre limité de sources d’information auxquelles elles font confiance. Par conséquent, M. Sunstein avance dans l’article que le simple fait de réfuter les théories de conspiration en public ne fonctionnerait pas : il faudrait infiltrer les sources mêmes en lesquelles les théoriciens de conspiration croient.

M. Sunstein, dont l’article se concentre largement sur les théories de conspiration du 11 septembre, suggère que le gouvernement « enrôle des représentants non gouvernementaux afin de réfuter ces théories. Cela pourrait garantir que ce sont des experts indépendants crédibles qui présentent la contestation plutôt que des administrateurs gouvernementaux. Il existe toutefois un compromis entre la crédibilité et le contrôle. Le prix de la crédibilité est que l’on ne peut pas voir que le gouvernement contrôle les experts indépendants. (C’est l’auteure qui souligne)

Liens avec les services de renseignement

WikiLeaks sent le besoin de rassurer l’opinion publique que l’organisme n’a pas de contacts avec la communauté du renseignement. Ironiquement, il éprouve également le besoin de définir les activités des agences de renseignement et de les comparer à celles de WikiLeaks :

1.5 Les gens derrière WikiLeaks

WikiLeaks est un projet de Sunshine Press. Malgré une rumeur à cet effet, il est probablement assez évident maintenant que WikiLeaks n’est pas une couverture pour quelque agence de renseignement ou gouvernement. Cette rumeur a pris naissance au commencement de WikiLeaks, et vient probablement des agences de renseignement mêmes. WikiLeaks est un groupe international de personnes dédiées depuis longtemps à l’idée d’une presse libre et à la meilleure transparence qu’elle entraîne dans la société. Le groupe comprend des journalistes accrédités, des programmeurs de systèmes, des ingénieurs de réseaux, des mathématiciens et d’autres encore.

Afin de déterminer la véracité de nos déclarations à cet effet, vous n’avez qu’à regarder les preuves. Par définition, les agences de renseignement veulent récolter des informations. WikiLeaks a toutefois démontré qu’il désire faire exactement le contraire. Nos antécédents indiquent que nous en faisons beaucoup pour offrir au monde la vérité, sans distinction. (Wikileaks.org, c’est l’auteure qui souligne)

WikiLeaks est-il une couverture pour la CIA?

WikiLeaks n’est pas une couverture pour la CIA, le MI6, le FSB ou toute autre agence. En réalité, c’est plutôt le contraire […] Par définition les agences d’espionnage veulent dissimuler de l’information. Nous voulons la divulguer au public. (Wikileaks.org, 17, décembre 2007, c’est l’auteure qui souligne) 

Plutôt vrai. Toutefois, par définition, une opération clandestine prétend toujours être ce qu’elle n’est pas et ne révèle jamais ce qu’elle est.

L’entourage de WikiLeaks. Qui appuie WikiLeaks?

Les gens qui gravitent autour de WikiLeaks ont des liens et/ou sont affiliés à un certain nombre d’organisations de l’ordre établi et à d’importantes fondations et organisations caritatives privées. Dans WikiLeaks’ leak (les fuites de WikiLeaks) publiées par John Young, une correspondance datée du 4 janvier 2007 révèle un échange avec Freedom House :

Nous cherchons un ou deux membres de FH pour notre conseil d’administration initial qui pourraient nous conseiller sur ce qui suit :

 1. les besoins de FH en tant que consommateur de fuites révélant la corruption politique et commerciale

 2. les besoins en matière de sources de fuites, tels que vécus par FH

 3. les recommandations de FH au sujet d’autres membres du conseil d’administration.

 4. des conseils généraux sur le financement, l’établissement d’une coalition, la décentralisation des opérations et l’encadrement politique.

Au départ, ces postes ne seront pas rémunérés, mais nous avons l’impression que ce rôle pourrait s’avérer fort intéressant pour FH

La demande de financement auprès de diverses organisations a semé un certain doute parmi les collaborateurs de WikiLeaks.

John Young est devenu très sceptique à propos du projet WikiLeaks, principalement en ce qui concerne l’objectif initial de 5 millions de dollars de la campagne de financement, les contacts avec des organisations de l’élite, dont Freedom House et NED, ainsi que les prétendus millions de documents :

Le fait d’annoncer un objectif de financement de 5 millions de dollars d’ici juillet va anéantir cet effort. Ça donne l’impression que WL est une escroquerie de Wall Street.

Cette somme ne peut pas être nécessaire si rapidement sauf pour des raisons suspectes.

Je dirais la même chose à propos des soi-disant 1,1 millions de documents prêts à être coulés. Beaucoup trop pour y croire sans preuves. Je ne crois pas au nombre. Jusqu’à présent, un document est de provenance hautement suspecte.

Young a finalement quitté WikiLeaks le 7 janvier 2007. Ses derniers mots : « WikiLeaks est une fraude […] travaillant pour l’ennemi. »

Quatre ans après sa création, nous ne savons toujours pas qui finance le site de dénonciateurs.

WikiLeaks, les pirates informatiques et la première « cyberguerre »

Les circonstances louches entourant l’arrestation de Julian Assange pour « crimes sexuels » ont déclenché ce que certains médias dominants ont qualifié de « première cyberguerre ». Le Guardian, par exemple, un autre partenaire de WikiLeaks nous a prévenus avec ce titre choc : « Contrecoup de WikiLeaks : la première cyberguerre mondiale a commencé, affirment les pirates informatiques »

Certaines personnes doutent que ce soit une opération fausse bannière (false flag) destinée à contrôler Internet.

Ce n’est pas un secret que les autorités gouvernementales recrutent des hackers pour des raisons de cybersécurité. Peiter Zatko, alias « Mudge », est l’un d’eux. Voici un extrait d’entrevue du magazine Forbes avec Julian Assange concernant sa relation avec Peiter Zatko :

Assange: Ouais, je connais Mudge. C’est un gars très brillant.

Greenberg: Mudge est maintenant à la tête d’un projet à la Defense Advanced Research Projects Agency (Agence pour les projets de recherche avancés de défense) du Pentagone visant à mettre au point une technologie pouvant empêcher les fuites, ce qui semble assez lié à votre organisation. Pouvez-vous me parler de votre relation antérieure avec Mudge?

Assange: Bien, je… sans commentaires.

Greenberg: Faisiez-vous partie du même cercle de pirates informatiques? Quand vous étiez un pirate vous l’avez sûrement bien connu.

Assange: Nous étions dans le même milieu. J’ai parlé à tout le monde dans ce milieu.

Greenberg: Que pensez-vous de son travail actuel pour prévenir les fuites numériques au sein des organisations, un projet appelé Cyber Insider Threat ou Cinder?

Assange: Je n’en sais rien.

Peiter Zatko est un expert en cyberguerre. Il a travaillé pour BBN Technologies (une filiale de Raytheon) avec des ingénieurs « effectuant de la recherche et du développement avant-gardiste visant à protéger les données du département de la Défense […] Le travail de M. Zatko consiste à anticiper la prochaine génération de menaces visant les réseaux de sécurité et les informations des réseaux gouvernementaux et commerciaux et à protéger ces derniers de ces menaces ». (Peiter « Mudge » Zatko, Information Security Expert Who Warned that Hackers « Could Take Down the Internet in 30 Minutes » Returns to BBN Technologies, Business Wire, 1 février 2005, c’est l’auteure qui souligne)

Dans une autre entrevue de Forbes, nous apprenons que M. Zatko est l’« un des principaux chercheurs en cybersécurité à la Defense Advanced Research Projects Agency [DARPA], l’aile des savants fous du Pentagone ». Son projet « vise à débarrasser le monde des fuites numériques » (Forbes, c’est l’auteure qui souligne)

Il semble également y avoir un lien entre Zatko et l’ancien pirate informatique Jacob Appelbaum, porte parole de WikiLeaks. Zatko et Appelbaum ont censément fait partie d’un groupe de pirates nommé Cult of the Dead Cow.

Appelbaum travaille actuellement pour Tor Project, une initiative de l’United States Naval Research Laboratory. Les commanditaires de ce projet mentionnés sur son site web son :

NLnet Foundation (2008-2009), Naval Research Laboratory (2006-2010), un fournisseur Internet nord-américain anonyme (2009-2010), ont donné jusqu’à 100 mille dollars. Google (2008-2009), Google Summer of Code (2007-2009), Human Rights Watch, Torfox (2009) et Shinjiru Technology (2009-2010) ont pour leur part donné jusqu’à 50 mille dollars.

On compte parmi les précédents commanditaires : Electronic Frontier Foundation (2004-2005), DARPA et ONR par le biais du Naval Research Laboratory (2001-2006), Cyber-TA project (2006-2008), Bell Security Solutions Inc (2006), Omidyar Network Enzyme Grant (2006)et NSF par le biais de Rice University (2006-2007).

Zatko et Assange se connaissent. Jacob Appelbaum a aussi joué un rôle chez WikiLeaks.

Ces différents liens donnent une idée de l’entourage d’Assange. Ils ne fournissent toutefois pas de preuves que des gens au sein de ces diverses organisations soutenaient le projet WikiLeaks.

Développements récents : le rôle du Frontline Club

Au cours des sept derniers mois, le Frontline Club situé à Londres a servi de « quartier général » à WikiLeaks. Le Frontline Club est une initiative de Henry Vaughan Lockhart Smith, ancien capitaine des gardes grenadier britanniques. Selon l’OTAN, Vaughan Smith est devenu un « vidéojournaliste indépendant […] ayant toujours détesté la guerre, mais demeuré […] amical avec les soldats ». (Across the Wire, New media: Weapons of mass communication, NATO Review, février 2008) 

Lors de sa mise en liberté sous caution, Julian Assange a trouvé refuge au Manoir Ellingham de Vaughan Smith à Norfolk.

Le Frontline Club est un groupe médiatique de l’establishment. Vaughan Smith, lui, écrit pour la Revue de l’OTAN. (Voir NATO Web TV Channel and NATO Nations: Accurate, Reliable and Convenient). Ses liens avec l’OTAN remontent à 1998 alors qu’il travaillait comme vidéojournaliste au Kosovo. En 2010, il a été « intégré à un peloton de gardes grenadiers britanniques » durant l’opération Moshtarak dans la province d’Helmand en Afghanistan. (PBS NewsHour, 19 février, 2010). Selon le New York Times, le Frontline Club « a reçu du financement de l’Open Society Institute pour ses événements ». (In London, a Haven and a Forum for War Reporters – New York Times, 28 août 2006)

En conclusion : le discours de la cyberguerre

WikiLeaks est maintenant utilisé par les autorités, particulièrement aux États-Unis, pour promouvoir le discours de la cyberguerre, lequel pourrait changer Internet de façon significative et supprimer la liberté d’expression que WikiLeaks affirme défendre.

Peter Kornbluh, analyste à la National Security Archive, fait valoir qu’« il y aura beaucoup de tapage à propos de WikiLeaks et de la nouvelle loi fédérale vouée à pénaliser, sanctionner et écraser des organisations comme WikiLeaks afin que leurs réactions puissent être considérées illégales ».

Au bout du compte, WikiLeaks pourrait, intentionnellement ou non, donner lieu à de toutes nouvelles lois et règlementations. 

Article publié en anglais: Who’s Who at Wikileaks? le 20 décembre 2010.

Julie Lévesque est journaliste et chercheure au Centre de recherche sur la mondialisation (CRM)



Articles Par : Julie Lévesque

A propos :

Julie Lévesque is a journalist and researcher with the Centre for Research on Globalization (CRG), Montreal. She was among the first independent journalists to visit Haiti in the wake of the January 2010 earthquake. In 2011, she was on board "The Spirit of Rachel Corrie", the only humanitarian vessel which penetrated Gaza territorial waters before being shot at by the Israeli Navy.

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