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Xi signe des accords stratégiques entre l’UE et la Chine, les tensions croissent entre l’UE et les États-Unis
Par Alex Lantier
Mondialisation.ca, 30 mars 2019
wsws.org 29 mars 2019
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Mardi, le président chinois Xi Jinping a conclu une tournée de six jours en Europe au cours de laquelle les grandes puissances de la zone euro ont conclu des accords commerciaux avec la Chine. Mais, surtout ils ont marqué leur soutien à son Initiative de la ceinture et de la route (BRI) pour les infrastructures en Eurasie. Alors que Washington menace la Chine et ses prétendus alliés de l’Union européenne (UE) de sanctions de guerre commerciale, de profondes divergences apparaissent entre Washington et l’UE sur les relations avec la Chine.

Dans le cadre de son «pivot vers l’Asie» pour isoler diplomatiquement et menacer militairement la Chine, Washington s’est opposé à la BRI. Le vice-président américain, Mike Pence, s’est moqué de la BRI l’année dernière. Il a dit qu’elle était une «ceinture rétrécissant et une route à sens unique» qui permet à la Chine de prendre le monde dans son endettement. En 2015, les puissances de l’UE ont défié les appels des États-Unis à boycotter la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), l’organe de financement de la BRI. Maintenant, ils ignorent à nouveau Washington.

Le 5 mars, le Financial Times a annoncé que l’Italie signerait un protocole d’accord (MOU) soutenant la BRI, faisant d’elle la première grande puissance européenne à le faire. Le FT a déclaré que cela «soulignerait la pression américaine sur la Chine en matière de commerce et saperait les efforts de Bruxelles pour surmonter les divisions au sein de l’UE sur la meilleure approche à adopter pour traiter les investissements chinois». La Maison-Blanche a déclaré au FT que l’approbation de la BRI «finirait par nuire à la réputation mondiale de l’Italie».

Le Conseil national de sécurité des États-Unis a tweeté qu’en approuvant la BRI, l’Italie légitimerait «l’approche prédatrice de la Chine en matière d’investissement et n’apporterait aucun avantage au peuple italien».

Néanmoins, Rome a accueilli Xi avec tous les honneurs, y compris un garde de cavalerie pour sa voiture, des dîners d’État et un concert du ténor Andrea Bocelli. Rome a ensuite signé le protocole d’accord qui approuve la BRI. Aussi, l’Italie et la Chine ont signé des accords d’une valeur de 2,5 milliards d’euros pour la construction d’oléoducs et d’aciéries et la promotion des exportations agricoles italiennes. L’Italie sera également autorisée à financer sa dette souveraine massive de 2300 milliards d’euros en émettant directement aux citoyens chinois des obligations dites «panda».

Lors du sommet européen de vendredi dernier, le président français Emmanuel Macron a critiqué l’accord unilatéral de Rome avec Pékin, en insistant sur le fait que la période de naïveté européenne est terminée pour la Chine. La chancelière allemande Angela Merkel s’est toutefois déclarée satisfaite des assurances données par le Premier ministre italien Giuseppe Conte. Conte lui a assuré que les accords de la BRI de Rome étaient conformes au droit communautaire: «Pour autant qu’il l’ait expliqué, je n’ai rien à critiquer pour l’instant, mais j’ai déjà dit que c’était mieux d’agir ensemble.»

Le sous-secrétaire d’État italien Michele Geraci a rejeté les commentaires de Macron au South China Morning Post. Macron a dit: «Tous les autres pays (européens) suivront l’Italie et signeront un protocole d’accord, et je peux vous donner deux noms, mais je ne le ferai pas — ils sont en cours de préparation. En réalité, tous les pays européens veulent faire partie de Belt and Road». Il a rejeté les critiques des initiatives de Rome en Europe: «Si l’Italie veut être le terminal de la Route de la Soie en Chine, cela concerne bien sûr Hambourg, Rotterdam, Marseille… C’est une compétition, donc je comprends leur jalousie».

Geraci a admis que «les États-Unis n’étaient pas très contents» de la décision de l’Italie. Mais il a rejeté les avertissements américains selon lesquels l’Italie tomberait dans le «piège de la dette» de la Chine. Il. a. souligné que les 1,13 mille milliards de dollars de dette américaine détenus par la Chine: «Les États-Unis devraient s’inquiéter d’avoir des dettes entre les mains des Chinois. Ils sont dans une situation où ils ont besoin d’être inquiets, c’est pourquoi ils s’inquiètent peut-être».

Après que Xi ait fait la promotion des exportations agricoles vers la Chine pendant son séjour en Sicile et visité Monaco, qui mettra en place un service Internet 5G utilisant des produits de la firme chinoise Huawei, un défi aux appels américains à boycotter les produits de Huawei parce qu’ils menacent la sécurité de l’OTAN, Xi s’est rendu à Paris. Là, Macron a abandonné ses critiques à l’égard de Xi et de l’Italie pour avoir brisé l’unité européenne supposée sur la Chine. Prolongeant les honneurs d’État de Xi, Macron a signé sa propre série d’accords avec Xi.

À Paris, des entreprises publiques chinoises ont signé des contrats de plusieurs milliards d’euros pour le transport maritime de conteneurs, l’énergie éolienne et des projets de construction avec des entreprises françaises. Macron et Xi ont signé un accord de 30 milliards d’euros entre la société franco-allemande Airbus et China Aviation Supplies Holding pour 10 A350 et 290 A320neo moyen courriers.

Airbus semble avoir réalisé cet accord aux frais de Boeing, après l’immobilisation récente de ses avions 737 max après deux accidents majeurs qui ont coûté des centaines de vies. Le Point (journal français) écrit: «Depuis la dernière visite du président Macron à Pékin, il y a un peu plus d’un an, il y a eu des discussions régulières pour commander un total de 180 avions de ligne. Maintenant, il y a 120 A320neo de plus. Devrions-nous considérer cela comme une conséquence du B737MAX et du rejet de l’avion de ligne à moyenne distance de Boeing après deux accidents avec Lion Air et Ethiopian Airlines? Ce serait une réaction très rapide.»

Enfin, Macron a invité Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à Paris pour des entretiens avec Xi. Macron et Xi ont publié une déclaration commune appelant à une «conclusion rapide d’un accord mondial ambitieux en matière d’investissement entre l’UE et la Chine». Merkel pour sa part a déclaré qu’elle ne voyait «rien à critiquer» dans l’accord conclu entre l’Italie et Xi.

«La ceinture et la route, ou la nouvelle route de la soie est un projet important. Nous, Européens, nous voulons jouer un rôle important à cet égard», a ajouté Merkel, tout en exigeant «réciprocité» et concessions aux entreprises européennes en Chine.

Cela met en évidence de profondes contradictions dans le capitalisme mondial et l’effondrement d’alliances de longue date qui laissent entrevoir un risque croissant de guerre.

D’un côté les puissances impérialistes européennes restent avec Washington dans l’alliance de l’OTAN. De l’autre l’impérialisme américain impose des tarifs de guerre commerciale et effectue un renforcement militaire mondial qui vise à la fois la Russie et la Chine. Durant des années Washington a fait la guerre par procuration avec la Russie en Syrie et a organisé des affrontements navals en mer de Chine méridionale. Maintenant, Washington a même rejeté le traité de la Force nucléaire à portée intermédiaire (FNI). Ce rejet lui permet de stationner des missiles nucléaires en Europe et dans le Pacifique, visant la Russie et la Chine.

D’autre part, à mesure que l’économie chinoise se développe et que les relations des puissances européennes avec Washington deviennent de plus en plus tendues, elles s’orientent vers des relations économiques plus étroites avec Beijing. Le Guardian a qualifié la réunion de Paris de Xi de «manifestation d’unité face aux tarifs de Trump qui visent à la fois l’Atlantique et le Pacifique».

Dans cette situation, chaque puissance capitaliste ou bloc de puissances se prépare au conflit contre tous les adversaires potentiels. L’année dernière, le président français Macron a annoncé publiquement que l’Europe devait être prête à affronter militairement la Russie, la Chine ou les États-Unis.

Cette année, même si les puissances européennes ont ignoré les dénonciations américaines de la BRI, elles adoptent en même temps des résolutions qui font de la Chine un ennemi potentiel. Lors d’un récent sommet sur la Chine, l’UE a décidé de cesser de l’appeler «partenaire stratégique». Elle a abruptement changé d’épaule et a décidé de la qualifier plutôt de «rival systémique promouvant des modèles alternatifs de gouvernance» et un «concurrent économique dans la recherche de l’avance technologique.»

Alex Lantier

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 29 mars 2019

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