XIème mobilisation spectaculaire des Gilets-Jaunes: revendication d’un véritable «référendum d’initiative citoyenne» dans la Constitution, une demande majeure des citoyens

Le travail constituant (deuxième partie)

Région :
Analyses:

L’introduction d’un véritable « référendum d’initiative citoyenne », dans la Constitution, est aujourd’hui une demande majeure des citoyens qui étaient plus de 300.000 dans la rue, lors de cette XIème mobilisation des Gilets-jaunes, le samedi 26 janvier 2019. Malgré les nombreuses propositions d’amendements qui avaient été faites par des députés en 2018, l’exécutif s’était montré particulièrement hostile au principe même du RIC. Aujourd’hui, Edouard Philippe proclame son « allergie pour le RIC ».

En réalité, la revendication sur le RIC ne va pas sans la « démission de Macron ». On peut même dire que la démission de Macron est un préalable à cette proposition, étant entendu que Macron ne peut en aucun cas scier la branche sur laquelle il est assis : c’est-à-dire la 5ème République du président détenant les pouvoirs d’une « monarchie absolue de droit divin ».

Cette XIème mobilisation était spectaculaire partout en France, car elle démontrait la détermination inflexible du peuple qui scandait le slogan « Macron démission ». Il faudra que Macron démissionne pour que les revendications sur la réforme de la Constitution se poursuivent jusqu’à leur terme, dont l’essentiel est l’introduction dans le texte du « Référendum d’Initiative Citoyenne » en toutes matières. 

A la suite du « Grand Débat » citoyen qui doit se terminer le 15 mars prochain, il faudra que cette demande essentielle remonte au « sommet ». Nous savons déjà qu’elle sera niée, critiquée, condamnée, rejetée par la macronie au pouvoir. Voilà pourquoi, la suite des événements sera très vraisemblablement la grève générale et le blocage économique radical du pays obligeant Macron à démissionner. Dès que ce préalable sera obtenu, alors il sera possible d’envisager cette réforme exigée par le peuple.

Le projet de loi constitutionnelle du Gouvernement ne comportait, en 2018, aucune proposition pour amorcer l’exercice d’une démocratie directe participative. Même l’article 14, transformant le CESE en chambre de la participation citoyenne, limitait cette participation aux pétitions et aux consultations. Ce projet déniait toujours aux citoyens le droit de décision pourtant inscrit à l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. » 

L’article 3 de la Constitution précise : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Or, aujourd’hui le déclanchement des référendum(s) est soit, (selon l’article 11) à l’initiative du Président de la République ou des parlementaires, soit (à l’article 89), exclusivement à l’initiative du Président dans le cadre d’une révision constitutionnelle.

Le vote blanc et le RIC doivent être introduits dans la Constitution. 

Un sondage d’Elabe, datant du mois de février 2018, donnait 73% des français comme favorables à « l’Instauration du référendum d’initiative populaire, sur proposition de 500. 000 électeurs ». Cette demande était portée par de nombreux collectifs comme « Article 3 », « Clic-Ric », « RLS »… Il faut également souligner que  le RIC était déjà inscrit dans les programmes présidentiels de Asselineau, Dupont-Aignan, Hamon, Le Pen et Mélenchon et donc qu’il était implicitement accepté par 52,9 % des votants du premier tour des élections présidentielles de 2017.

Sur les 2399 amendements qui avaient été déposés pour la lecture en séance publique du projet de loi constitutionnelle en 2018, 64 amendements abordaient le sujet du référendum.

L’obligation du référendum se trouve déjà prévue à plusieurs endroits de la Constitution: 

1 – dans le préambule pour les modifications de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, 

2 – dans le Préambule de 1946 et de la Charte de 2004 (2406) 

3 – aux articles 53 et 72 (97,1185, 82) pour les modifications des collectivités locales ou d’outre-mer, 

4 – aux articles 53 et 88 pour les traités et accord commerciaux y compris pour l’élargissement ou la délégation de compétences à l’UE (1160, 184), 

5 – à l’article 89, pour les révisions constitutionnelles (1223), 

6 –  à l’article 11 (189), notamment 7 amendements souhaitaient inclure les lois sociétales.

Onze amendements souhaitaient modifier les seuils de déclenchement du referendum d’initiative partagé de l’article 11 qui nécessite aujourd’hui d’être initié par 185 parlementaires puis soutenu par 4 millions 700.000 électeurs!

15 amendements donnaient réellement de nouveaux pouvoirs aux citoyens :

La moitié était proposée par la France Insoumise. Un amendement prévoyait le référendum d’initiative citoyenne (RIC) à plusieurs endroit de la Constitution: dans le préambule pour convoquer une assemblée constituante (1246); à l’article 11 pour des référendums législatifs et abrogatoires (189, 1131); aux articles 6, 24 et 72 pour des référendums révocatoires (1126, 1201, 1177); à l’article 72 pour des référendums locaux (1182). Mais, personne n’avait encore proposé de RIC constitutionnel qui est l’instrument de base le plus important de la souveraineté du peuple comme c’est le cas pour la Confédération Helvétique, par exemple. Jusqu’à présent, personne n’avait proposé d’inscrire le RIC à l’article 3 de la Constitution qui pourtant précise les principes de la souveraineté.

Quels ont été les arguments invoqués par l’exécutif pour rejeter tous ces amendements?

Les débats s’étant arrêtés le 18 juillet 2018 à l’article 24 de notre Constitution, seuls 37 de ces 64 amendements ont été examinés en séance publique. Ils ont tous été systématiquement rejetés par l’exécutif. Pour comprendre sa position on peut se référer à la parole de Sieyès dans son discours du 7 septembre 1789 qui résume très bien le point de vue:

« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

On peut ainsi comprendre très clairement que le sujet majeur actuel, pour le peuple Français, c’est de passer à la démocratie véritable : une démocratie directe participative, incluant en soi l’abolition de la 5ème République et de tous les pouvoirs donnés au Président de la République. La France ne peut plus être une monarchie républicaine, elle doit devenir une démocratie; les Français veulent être directement responsables de la vie politique du pays et de la communauté de destin qui les réunit. Le régime parlementaire représentatif ne représentant absolument plus les désirs, la volonté, la conscience et la souveraineté du peuple, le temps est venu de reprendre en mains cette souveraineté. 

Les « représentants » étaient légitimes à l’époque où le peuple était majoritairement analphabète. Aujourd’hui, le peuple est constitué de personnes qui sont bien mieux informées et bien plus compétentes que la plupart de ses représentants. Le régime parlementaire représentatif est aujourd’hui caduc et ses défenseurs sont manifestement de mauvaise foi, car tout le monde sait pertinemment que l’Assemblée Nationale n’est, en aucun cas, représentative du peuple français!

Cette réforme implique également que le pouvoir supra national donné arbitrairement à l’Union Européenne, contre la volonté du peuple exprimée le 29 mai 2005 par le référendum, soit aboli. La Constitution Européenne doit, elle aussi à son tour, être réformée, selon l’objectif qui avait été donné à l’origine et qui concernait une Europe des Nations.

Le pacte d’Aix-la-Chapelle entre Merkel et Macron, écrit et signé en catimini, sans l’avis du peuple, va à l’encontre de cet objectif souhaitable. Macron et Merkel sont entrain de concocter un système de verrouillage qui rendra encore plus compliqué ce réaménagement de l’Union Européenne. Il est clair que dans ces conditions, la lutte sera beaucoup plus violente, puisque les prédateurs du système ultra libéral veulent l’abolition des Etats Nations, alors que les peuples révoltés veulent qu’on reconnaisse leur souveraineté. Il y a là deux logiques diamétralement opposées et dont l’incompatibilité s’accentue chaque jour un peu plus, grâce aux manigances et aux trahisons des oligarques placés illégitimement au pouvoir. Rappelons que la présence de Macron à l’Elysée n’est pas légitime, compte tenu du nombre de voix qui l’a placé à ce poste usurpé par la manipulation électorale avec l’aide des médias aux mains des milliardaires et de la banque.

Quant aux amendements sur le tirage au sort, mis à part l’amendement 358 de l’UDI créant un Conseil Supérieur de la Justice avec des citoyens tirés au sort pour assister le Conseil Supérieur de la Magistrature, aucune proposition n’avait encore été faite en ce sens. 

Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) est une procédure législative dont l’initiative appartient exclusivement aux citoyens et qui leur permet — si les conditions prévues par la loi sont remplies — d’imposer un référendum pour prendre une décision concernant la Constitution, les traités, les lois, les règlements…

C’est cette procédure qui fait du peuple le législateur en dernier ressort. Dans le régime politique «  représentatif », avec son règlement électoral très injuste, les citoyens sont réduits au silence pendant toute la durée du mandat des élus. A partir du moment où ils ont voté, tout leur échappe ensuite et ils ne décident plus de rien pendant des années!

Voilà pourquoi le RIC a de nombreux effets bénéfiques :

Il est la Garantie du respect des promesses.

Il donne aux citoyens la maîtrise de leur destin, parce qu’il pourrait imposer des référendum(s) en toutes matières y compris concernant les traités. 

Il favorise la concertation, parce que le Pouvoir aurait toujours peur de voir ses décisions soumises à référendum.

Il favorise la stabilité juridique :

À chaque alternance, les lois sont remaniées et cela donne une complexification du droit qui devient inintelligible, même pour les professionnels du droit. Si une loi adoptée par un camp, n’est pas soumise à un RIC abrogatif, en cas d’alternance elle ne sera pas remise en cause puisque le peuple l’aura « avalisée ».

Il évite le gaspillage d’argent public puisqu’il peut se prononcer préventivement sur tout projet inconsidéré ou inutile.

Il est une arme anticorruption :

La grande distribution ou des Régions, par exemple, ne voudront plus «  acheter » des permis de construire de création ou d’extension, (les centres commerciaux qui tuent le petit commerce de proximité ou les aéroports inutiles qui vont apporter plus de nuisances pour les riverains qu’un « ruissellement » économique) s’ils peuvent être remis en cause par RIC. 

Il fait des citoyens des réformateurs :

Les réformes profondes et justes dont la France a besoin, ne peuvent pas être mises en place par les professionnels de la politique car ceux-ci sont en campagne électorale permanente, préoccupés par leur réélection. De nombreuses associations, collectifs dans tous les domaines, ont des propositions qui attendent depuis des années. Un de ces collectifs citoyens « Article 3 » propose les aménagements suivants dans la nouvelle Constitution :

Article 1

L’article 3 de la Constitution devrait être ainsi modifié : le point final du premier alinéa serait remplacé par «d’initiative citoyenne, en toutes matières y compris constitutionnelle et de ratification des traités; cet article ne peut être modifié que par voie référendaire.»

Article 2

Les articles 11, 24, 39, 60 et 89 seraient modifiés pour prendre en compte la nouvelle rédaction de l’article 3.

L’article 11 serait supprimé.

Le premier alinéa de l’article 24 serait ainsi modifié : «La loi est votée par le Parlement ou par référendum d’initiative citoyenne. Le Parlement contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.»

Le premier alinéa de l’article 39 serait ainsi modifié : «L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre, aux membres du Parlement et aux citoyens.»

L’article 60 serait ainsi modifié : «Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum prévues aux articles 3 et 89 et au titre XV. Il en proclame les résultats.»

L’article 89 serait remplacé par :

«L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre, aux membres du Parlement et aux citoyens.»

«Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l’article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au referendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale.

L’initiative citoyenne de révision de la Constitution est définitive si elle a obtenu lors de la consultation la majorité des trois cinquième des suffrages exprimés.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.

La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision.»

Article 3

Les articles de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par la loi organique nécessaire à leur application.

Article 4

Si les articles de la Constitution ne sont pas entrés en vigueur dans les modalités fixées par l’article 3 dans les six mois suivant la promulgation de cette loi constitutionnelle ou la dernière dissolution de l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale est dissoute; les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.

Arguments :

Le domaine constitutionnel ne doit pas être exclu du champ d’application du referendum d’initiative citoyenne. Comme le précise l’article 28 de la Constitution de 1793 :

«Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution, une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures».

De même, les traités, qui impliquent souvent des transferts de souveraineté, doivent impérativement faire l’objet d’un referendum d’initiative citoyenne.

Il est prévu que l’article 3 ne puisse être modifié que par voie référendaire afin d’éviter qu’un vote du Congrès ne puisse retirer le référendum d’initiative citoyenne de la Constitution.

Des élections anticipées sont prévues si la loi organique n’est pas promulguée 6 mois après l’adoption du nouvel article 3. En effet, il est prudent de le préciser puisqu’on a vu que l’article 11 de la Constitution voté en juillet 2008, n’était toujours pas en vigueur en septembre 2013, la loi organique annoncée n’ayant toujours pas été adoptée plus de 5 ans après! La procédure instaurée par le nouvel article 11 introduit un référendum exclusivement d’initiative parlementaire, même s’il est souvent qualifié mensongèrement de « référendum d’initiative populaire » ou « d’initiative partagée »; de plus, son organisation n’est pas automatique et dépend du bon vouloir du Gouvernement et de sa majorité.

Les modalités d’application ne sont pas précisées afin de ne pas affaiblir le soutien massif de nos concitoyens au principe du référendum d’initiative citoyenne (82 à 88 % des Français y sont favorables). Il appartiendra aux parlementaires d’en préciser les modalités dans une loi organique, le peuple pouvant revenir sur ces modalités s’il les jugeait inadéquates.

Conclusion

Le travail constituant présent relève de la maturité politique du peuple Français et de la conscience collective qui est parvenue, au terme d’un long parcours de gestation accompli dans le silence depuis 40 ans, à se réveiller pour de bon. Sans doute que certains contenus de la dernière campagne électorale présidentielle, notamment ceux de la France Insoumise, ont fortement contribué à cette préparation et gestation collective, car nous voyons aujourd’hui l’ensemble du peuple français, (80%) sans distinction de droite ou de gauche, du centre ou des extrêmes, s’approprier quasi tous les thèmes qui avaient été débattus et explicités dans « l’avenir en commun de la France Insoumise ». « Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu », disait la France Insoumise citant Victor Hugo. Elle n’avait pas pu prévoir à l’avance comment cette puissance politique allait se manifester. Malgré toutes les ruses des prédateurs ultra-libéraux, il était impossible de museler aussi aisément la volonté du peuple qui a su contourner les barrières qu’on lui avait odieusement imposées, en faisant entendre la voix de sa revendication unanime, par les urnes de la rue, celle des ronds-points, et celle du « Grand Débat » que les Français comptent bien mener à son terme. 

Jean-Yves Jézéquel

Lire la première partie :

Gilets-Jaunes – Le travail constituant, le 16 janvier 2019



Articles Par : Jean-Yves Jézéquel

A propos :

Jean-Yves Jézéquel, philosophe et psychanalyste, diplômé du troisième cycle en sciences humaines, est l’auteur d’une trentaine d’essais en philosophie, spiritualité, religion, psychologie. Il publie également depuis 2014, une série d’analyses sur les grandes questions actuelles de société.

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